Du jamais vu depuis 1974: le Portugal va être en excédent budgétaire pour la 2ème année, il va augmenter les retraites et baisser les impôts

Des passants marchent près d'un tramway circulant dans une rue du quartier de Baixa à Lisbonne, au Portugal, le 4 août 2025. - NurPhoto via AFP
C'est inédit depuis l'avènement de la démocratie en 1974. Le Portugal est en passe de dégager un excédent budgétaire pour la deuxième année consécutive en 2025, et cela devrait aussi être le cas l'an prochain, selon les prévisions présentées par l'exécutif minoritaire de droite jeudi 9 octobre.
Dans le détail, le gouvernement compte dégager des excédents publics de 0,3% du Produit intérieur brut (PIB) en 2025 et de 0,1% l'an prochain. La dette publique du Portugal doit continuer à décroître, pour passer de 93,6% du PIB l'an dernier à 90,2% en 2025, puis à 87,8% l'année prochaine.
En clair, l'État portugais perçoit plus de recettes qu'il ne dépense. Il projette pourtant d'augmenter les pensions de retraite et de baisser les impôts. Une situation totalement inverse de celle de la France. Conséquence: le Portugal emprunte moins cher que l'Hexagone (3,09% contre 3,5% pour les obligations à 10 ans).
Dans le même temps, le Portugal devrait afficher une croissance économique de 2% cette année (plus du double de la France), puis de 2,3% en 2026, après une hausse du PIB de 2,1% l'an dernier, tandis que le taux de chômage doit baisser pour atteindre 6% l'année prochaine.
Croissance et rigueur
Mais alors, quelle est la recette? Ce résultat est le fruit d'une stratégie "privilégiant à la fois la croissance et le redressement des comptes publics", selon l'institut Rexecode, qui rappelle que les comptes publics du Portugal étaient pourtant, au début des années 2010, dans une situation très préoccupante.
Après la crise financière, qui a dégénéré en crise de la dette dans les pays du sud de la zone euro, le déficit public du Portugal s'était en effet élevé à 9,1% du PIB en 2010. Cela avait nécessité le déclenchement d'un plan de sauvetage par la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI), en contrepartie d'une cure d'austérité.
Au menu: privatisations de "l'EDF pourtugais" et de certaines banques publiques, augmentation de la TVA, de l'impôt sur le revenu, diminution stricte du nombre de fonctionnaires.
À partir de 2015, et le retour de la gauche au pouvoir, "ces mesures ont été complétées par de nouvelles taxes sur les produits et le patrimoine immobilier des plus fortunés, ainsi que par des mesures de soutien à la demande, notamment en faveur des plus modestes", relève l'institut Rexecode, de tradition libérale, dans une note.
Attractivité aux investissements étrangers
Dans une première phase, l'économie s'est fortement contractée, accélérant le départ massif des jeunes à l'étranger, avant de se remettre à progresser. "La période 2017-2019 est considérée comme le 'miracle économique portugais'(...), rendu possible par une meilleure attractivité auprès des investisseurs étrangers et des touristes", explique la Direction du Trésor dans une étude.
"La structure de l’emploi s’est recomposée avec une forte baisse de l’emploi dans le secteur agricole et celui de la construction, plus que compensée par la progression dans l’hôtellerie-restauration, le commerce, les activités de services aux entreprises et dans les services publics", complète Rexecode.
De nombreuses incitations fiscales ont été proposées aux entreprises, attirées également par la faiblesse du coût du travail. Le salaire minimum est en effet le plus faible d'Europe occidentale (1015 euros en 2025, contre 1802 euros en France selon Eurostat). Des fonds européens ont aussi permis d'aider l'économie portugaise, notamment après la pandémie de Covid-19.
Cette méthode a particulièrement fonctionné auprès des entreprises et des particuliers français. En 2022, l'Hexagone était le deuxième investisseur direct étranger (17 milliards d'euros), après l'Espagne, observe le média local Eco. 750 entreprises tricolores y emploient 60.000 personnes, comme Somfy, le leader mondial de la maison connectée, qui a ouvert une usine au nord de Porto. De nombreux retraités français se sont également installés au Portugal, alléchés par des incitations fiscales, désormais réduites.
Crise immobilière et émigration
Revers de la médaille, cet afflux de retraités et de touristes a contribué à aggraver la profonde crise du logement que connait le pays, comme l'Espagne. Depuis 2015, les prix de l'immobilier ont augmenté de 124%, contre une hausse de 53% en moyenne dans l’UE, selon Eurostat. Et ils continuent à flamber (+16% au premier trimestre 2025), d'autant que la demande - gonflée par les investisseurs étrangers - est supérieure à l'offre.
Comme dans la plupart des pays européens, cette forte hausse a surtout profité aux 10% des ménages qui détiennent la moitié des actifs immobiliers, relève Forbes. Les difficultés dans l'accès au logement contribuent à une autre grande faiblesse portugaise: l'émigration des jeunes. Un tiers des personnes nées au Portugal, âgées de 15 à 39 ans, vivent en dehors du pays. Un phénomène ancien que les autorités tentent d'endiguer via des baisses d'impôts.
Malgré ses excédents budgétaires, le gouvernement de centre-droit n'a pas de majorité absolue au Parlement. Les élections anticipées de l'année dernière ont été marquées par la très forte progression du parti d'extrême-droite Chega ("Assez"), devenu la deuxième force politique du pays, devant le Parti socialiste. L'exécutif dirigé par Luis Montenegro devra obtenir l'abstention de l'un des deux partis, alors qu'il ne peut plus dissoudre l'Assemblée d'ici la fin de son mandat, en mars prochain.