Grève des éboueurs: comment fonctionnent les réquisitions des employés par la préfecture?

Les ordures s'entassent sur les trottoirs parisiens pour cause de grève des éboueurs, le 13 mars 2023 - ALAIN JOCARD © 2019 AFP
Plus d'une semaine après le début de la grève des éboueurs de Paris, dans le cadre de la mobilisation contre la réforme des retraites, le préfet de police Laurent Nuñez a annoncé la réquisition des agents afin de déblayer les rues de la capitale, où 3000 tonnes de déchets sont collectées quotidiennement en temps normal.
D'ordinaire, c'est la mairie qui est chargée d'assurer "la salubrité" de la ville, et donc d'organiser le ramassage des ordures. Toutefois, Anne Hidalgo a dit "ne pas donner suite" à la demande du gouvernement, et particulièrement de Gérald Darmanin, de réquisitionner elle-même les éboueurs grévistes.
"Après une mise en demeure au maire restée sans résultat", le préfet peut alors se substituer à son autorité. Il invoque à ce titre le risque sanitaire, le risque pour la sécurité des habitants et le risque d'incendie.
Un "cas d'urgence"
C'est le Code général des collectivités territoriales qui pose la base juridique de cette réquisition par l'État. L'article 2215-1 autorise le préfet à "réquisitionner tout bien ou service et requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien".
Toutefois, pour s'appuyer sur ce texte, il doit justifier "l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publique". L'article précise, en effet, qu'il faut se trouver dans un "cas d'urgence".
Le préfet peut "prescrire toute mesure utile jusqu’à ce que l'atteinte à l’ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées".
Six mois d'emprisonnement de 10.000€ d'amende
La préfecture a ainsi émis un arrêté préfectoral sur la question. Anne Hidalgo, en sa qualité d'employeur, a l'obligation de fournir la liste des personnels réquisitionnables. Comme l'a appris ce jeudi BFM Paris-Île-de-France, la mairie a transmis à la préfecture de police la liste des 4000 noms des agents de la propreté des services de la ville ainsi que leur adresse.
Ensuite, les réquisitions sont menées par des huissiers de justice, accompagnés par les forces de l’ordre qui font appliquer la mesure. Les employés qui refuseraient de retourner travailler commettent alors un délit passible "de six mois d'emprisonnement et de 10.000 euros d'amende".
"Vous faites comment pour réquisitionner les gens? Vous allez les chercher un par un? Il en faut 3000 pour ramasser les déchets à Paris et ils ne sont pas dans le 16e (arrondissement), ils sont en banlieue", a déploré sur BFMTV-RMC Laurent Berger ce mercredi.
Contester l'arrêté
L'objectif d'une telle réquisition est donc de résoudre le problème d'insalubrité invoqué, non pas de nécessairement revenir à un service normal. Ainsi, tous les agents ne seront pas forcément réquisitionnés.
Comme le rappelle Libération, en janvier 2022, la préfecture des Bouches-du-Rhône avait décidé de réquisitionner des éboueurs lors d'un mouvement de grève et de débrayage.
Toutefois, cette mesure avait été attaquée en justice puis finalement jugée irrégulière. Dans le cas présent, les syndicats pourraient également chercher à contester l'arrêté du préfet en mettant en cause le risque d'insalubrité.
En outre, les salariés grévistes réquisitionnés ou les syndicats pourraient déposer un référé suspension devant le tribunal administratif de Paris pour échapper à la réquisition. Mais pour que celui-ci soit recevable, il faut qu'ils aient "un intérêt à agir".