Généralisation du pass sanitaire à toutes les entreprises: un casse-tête annoncé

Faudra-t-il bientôt présenter un pass sanitaire pour se rendre sur son lieu de travail ? Face à la recrudescence de l'épidémie, le gouvernement y songe sérieusement. La ministre du Travail, Elisabeth Borne, a reçu ce lundi matin les partenaires sociaux pour évoquer sa généralisation à l'ensemble des entreprises, alors que près de deux millions de salariés travaillant dans les lieux recevant du public, comme les restaurants, sont déjà obligés de présenter ce document attestant soit d'une vaccination complète soit d'un test PCR négatif datant de moins de 24 heures.
"Ça n'a pas été si simple que cela pour ces deux millions de salariés [déjà concernés par le pass sanitaire], et ce ne sont que des activités comparables", comme l'hôtellerie et la restauration, "qui sont assez bien définies", a souligné Benoît Serre, vice-président de l'Association nationale des DRH (ANDRH), sur BFMTV. "Si demain le gouvernement annonçait le pass sanitaire pour toutes les entreprises, quelle que soit leur activité, quelle que soit leur taille et quelle que soit leur localisation, ce serait plus compliqué".
Se pose notamment la question du contrôle: qui sera chargé de vérifier le pass sanitaire? Les grandes sociétés peuvent faire appel aux agents de sécurité, mais ça risque d'être moins évident pour les TPE et les PME. Or, les pénalités financières peuvent actuellement atteindre 9000 euros en cas d'absence de contrôles dans les lieux où le pass sanitaire est exigé. "Est-ce aux chefs d'entreprise d'exercer des pouvoirs de police?", s'interrogeait dimanche le président délégué du Medef, Patrick Martin, sur Franceinfo.
Suspension de contrat ?
Et que vont devenir les salariés qui n'auront pas de pass sanitaire? Pour les métiers qui ne sont pas compatibles avec le télétravail, le salarié concerné pourrait voir son contrat suspendu ou être mis en congé forcé.
"On fera ce que prévoit la loi. Effectivement, on les mettra en dehors de l’entreprise, quitte à suspendre les salaires. C’est une perte de compétence, une mauvaise ambiance dans l’entreprise, de l’angoisse. Ce n'est pas ce que nous souhaitons, mais s’il faut en passer par là, nous le ferons, c’est notre devoir de responsabilité", a assuré sur RMC le président de la CPME Ile-de-France, Bernard Cohen-Hadad, pour qui la vaccination obligatoire serait "plus simple, plus lisible".
Benoît Serre, de son côté, appelle à imposer le pass sanitaire "pour entrer dans le restaurant d'entreprise [ou] pour rejoindre une réunion de plus de 30 personnes" plutôt qu'au sein de l'entreprise elle-même, "parce qu'on sait que c'est à ces endroits-là que la surcontamination se passe". Pour le représentant des DRH, le pass sanitaire est une solution "crédible" en entreprise, à condition qu'elle ne soit pas "appliquée unilatéralement dans toutes les boîtes de la France entière".
"Vous avez 90% [des Français éligibles] qui sont vaccinés, on peut imaginer qu'on a la même proportion dans les entreprises. La désorganisation peut être relative [dans les grandes entreprises] mais, dans une petite entreprise, 10% de l'effectif qui ne vient pas ça peut être beaucoup", a-t-il expliqué, cette fois-ci sur BFM Business.
"Absurde et inefficace"
Les syndicats n'y sont pas favorables. Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a dénoncé une solution "absurde et totalement inefficace", tandis que Cyril Chabanier, président de la CFTC, s'est dit "assez réservé". Les organisations patronales, elles, veulent surtout éviter le retour du confinement, quitte à passer par le pass sanitaire. Pour l'Union des entreprises de proximité (U2P), "il faut mettre la priorité sur la continuité de l'activité".