Smic, retraites, dialogue social: avec Barnier, les syndicats entre premières victoires et méfiance

Une main tendue vers les partenaires sociaux. Lors de son discours de politique générale, mardi 1er octobre, Michel Barnier en a fait une priorité de son mandat: "Je pense que la situation dans laquelle nous sommes requiert un renouveau du dialogue social et une relation exigeante et constructive avec l’État".
"C'est un meilleur début", salue Denis Gravouil, secrétaire confédéral de la CGT, en charge des questions emploi-chômage-retraite, interrogé par BFM Business. Mais il faut voir pour quels résultats, on n'est pas là pour boire le thé."
"Nous on attend les actes, et c'est à nous de faire preuve de responsabilité", tempère Marylise Léon, invitée sur le plateau de Good Morning Business jeudi. Globalement, la main tendue, ou plutôt la réouverture d'un espace de dialogue, est appréciée de tous.
"Michel Barnier ouvre l'espace dans lequel les partenaires sociaux ont vocation à jouer", relève François Hommeril pour BFM Business.
Le président de la CFE-CGC y voit l'art d'un politique expérimenté qui comprend qu'il doit s'appuyer sur les syndicats pour réussir. L’U2P, organisation qui représente les petits patrons, salue cette méthode de gouvernement et assure qu'elle "sera au rendez-vous" des prochaines renégociations.
Cette réassurance dans le dialogue social tranche avec les manières du gouvernement précédent, souvent soupçonné par les observateurs de contourner les corps intermédiaires. "C'est toujours assez succulent de revenir chercher les syndicats. Il faut dire que sous le gouvernement précédent, on était à l'acmé du mépris des partenaires sociaux", ironise encore François Hommeril.
"On a eu la peau du décret"
Parmi les autres signaux positifs, il y a l'abandon du projet de réforme d'assurance-chômage, véritable casus belli pour les organisations syndicales. Le Premier ministre a en effet demandé aux syndicats et au patronat de "négocier dès les prochaines semaines à propos de l’emploi des seniors et du système d’indemnisation du chômage".
"On a eu la peau du décret, retour à la négociation, on revient à quelque chose de plus raisonnable", applaudit Denis Gravouil.
"Ils nous donnent la main, c’est bien", reconnaît Cyril Chabanier, leader de la CFTC, interrogé par l'AFP. Mais tous ne sont pas d'accord sur l'endroit d'où il faut repartir.
Pour la ministre du Travail, il est prévu de reprendre la base de l'accord de novembre 2023, qui liait emploi des seniors et régime d'assurance-chômage. Cette position ne fait pas l'unanimité. "L'accord actait un décalage des bornes d'âge pour l'indemnisation des seniors et prévoyait de diviser par deux leur durée d'indemnisation. Nous ne souhaitons pas de durcissement du régime d'indemnisation pour les 55-57 ans", rappelle la CGT.
Pour la CFE-CGC, il faut remettre la balle au centre et inciter davantage le patronat à négocier. "La part de risque à ne pas parvenir à un accord doit être la même pour les deux parties. Par exemple, pour le RSA il y a une conditionnalité des aides. Si on considère que c'est légitime, pourquoi ne pas faire de même pour les entreprises qui ne prennent pas d'engagement pour les seniors?", interroge François Hommeril.
Côté signaux positifs, la réévaluation anticipée du Smic est aussi bien perçue. Même si pour certains, elle ne doit pas dispenser d'une nouvelle réévaluation en janvier, et doit s'accompagner également d'une revalorisation du point d'indice des fonctionnaires.
L'abrogation de la réforme des retraites dans le viseur
Mais, en ce qui concerne les retraites, le compte n'y est pas, les syndicats réclamant toujours l'abrogation.
"Nous sommes pour l'abrogation comme 80% des Français, et il y a une majorité favorable pour le faire à l'Assemblée", rappelle le secrétaire général de la CGT.
Or loin de cette ligne, le Premier ministre appelle plutôt à réfléchir à "des aménagements raisonnables et justes". "On ne veut pas d'aménagements cosmétiques, notamment sur l'égalité hommes-femmes. Par exemple, rajouter deux ans de travail aux femmes, qui sont plus exposées à la précarité que les hommes et après vouloir travailler sur l'égalité homme-femme n'a pas de sens", balaie Denis Gravouil.
Pour les organisations patronales, la préférence va au retravail du texte plutôt qu'à sa suppression. " On est prêt à se remettre autour de la table", a déclaré mardi le secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), Jean Eudes du Mesnil, sur BFM Business.
Des mesures de réduction des dépenses scrutées de près
Dans les sujets d'inquiétude, il y a dans les mesures d'économie à trouver, les 60 milliards d'euros annoncés. Et le décalage de la revalorisation des pensions de retraites, une des premières briques de réduction de la dépense publique, est plutôt mal perçu.
"Une revalorisation à juillet sur la base d'une inflation vraisemblablement plus faible, c'est une baisse des pensions qui ne dit pas son nom. On continue d'opposer le travailleur actif au travailleur à la retraite", déplore la CGT.
Les syndicats sont attentifs aux mesures d'austérité supplémentaires que pourrait annoncer Bercy. "40 milliards de baisse de dépenses, c'est un programme particulièrement violent", alerte la CGT.
Mais s'il faut en passer par des baisses de dépenses publiques, les syndicats ont des idées. Alignés avec une des préoccupations de la ministre du Travail, ils plaident pour la révision des exonérations sur les salaires proches des minimums, susceptibles de créer des effets de trappe à bas salaires. Et plus généralement sur une revue des aides accordées aux entreprises.
"Les entreprises qui bénéficient d'un certain nombre d'exonérations ou aides directes devraient avoir des comptes à rendre, c'est un sujet de justice sociale", approuve Marylise Léon.
Une remise à plat de la politique de l'offre en quelque sorte. "C'est comme un malade sous perfusion, avec des tubes qui sortent de partout, et des personnes qui entrent et sortent toute la journée", complète François Hommeril, en filant la métaphore. À un moment il faudrait tout débrancher et voir ce qu'il se passe."