INFOGRAPHIE. Moins d'un tiers des fraudes à la Sécu sont commises par des soignants... mais ils représentent les deux tiers des montants

La fraude détectée à la Sécu a dépassé le milliard d'euros - Philippe Huguen - AFP
La fin de l'année s'annonce chargée pour les parlementaires. Entre les projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2026, ils devront aussi examiner un autre texte, à l'initiative du gouvernement, qui vise à lutter contre la fraude sociale.
Et pour cause, rien que pour l'année 2024, elle est estimée à pas moins de 13 milliards d'euros. Alors que l'État est en quête d'économies substantielles, 43,8 milliards d'euros dont 5,5 milliards en santé dès l'année prochaine, il y a urgence à agir.
Mais d'où viennent ces fraudes à la Sécu? Contrairement aux idées reçues, elles "ne se limitent pas aux assurés et aux cartes Vitale", affirme la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam). "Les fraudes sont complexes, mêlant des pratiques isolées et des réseaux organisés".
68% des montants detectés sont fraudés par des professionnels de santé
D'après les chiffres de la Cnam, en 2024, 52% des fraudes en volume sont commises par des assurés, contre "seulement" 27% par des soignants en ville et 21% pour les établissements.
Mais en montants, la tendance est bien différente: les professionnels de santé en ville sont à l'origine de plus de deux tiers des montants fraudés et détectés l'année dernière, 68% précisément, contre seulement 18% pour les assurés. Les établissements de santé sont quant à eux responsables de 14% des sommes fraudées et repérées par les cellules de lutte contre la fraude à la Sécu.
Sans suprise, une part importante de ces fraudes est liée aux centres d'audioprothèses dont les comportements frauduleux détectés explosent.
"Si la détection des fraudes commises par les professionnels de santé a augmenté (+26 % comparé à 2023), les fraudes détectées et stoppées liées aux audioprothèses ont été multipliées par plus de 5 en 1 an pour atteindre 115 millions d'euros (contre 21 en 2023)", affirme la Cnam.
Les centres de santé, qui poussent comme de champignons sur le territoire ces dernières années, sont aussi surveillés de près. Ils sont en effet à l'origine de 39 millions d'euros de fraudes en 2024, ce qui a conduit au déconventionnement de 30 établissements cette année-là (contre 21 en 2023).
Des erreurs de facturation qui coûtent cher
Une autre part non négligeable des fraudes s'explique aussi par des erreurs de facturation commises par les professionnels de santé - et pas forcément volontairement. Dans son rapport "charges et produits" publié fin juin, la Cnam souligne que le trou de la Sécu se creuse en partie à cause des erreurs de facturations commises par les masseurs-kinésithérapeutes, estimées à 660 millions d'euros. Elles s'élèvent à 566 millions pour les infirmiers libéraux ou encore 502 millions d'euros pour les pharmaciens.
Ces montants sont considérés comme des "anomalies" par l'Assurance maladie car il s'agit, par exemple pour les kinés et les infirmiers, de la facturation par erreur d'actes prodigués en tant que prise en charge par la Sécu à 100% pour des patients en affection longue durée (ALD), alors que les soins ne sont pas en lien direct avec l'ALD. Pour les pharmaciens, il peut s'agir de la facturation de médicaments non inscrits sur la prescription, ou encore de la délivrance d'un traitement en quantité supérieure à la quantité nécessaire prescrite sur la période.
Il n'empêche que les professionnels de santé ne sont pas toujours de bonne foi: "Les fraudes comises par les infirmiers, pour lesquels le préjudice détecté et stoppé s'élève à 56 millions d'euros, relèvent principalement de facturation d'actes non réalisés, de falsification d'ordonnances ou encore de doubles facturations", affirme la Cnam. "Quant aux transporteurs, la facturation de transports non réalisés, les surfacturations kilométriques ou encore la falsification d’ordonnances expliquent un montant détecté et stoppé de 41,5 millions d’euros", complète-t-elle.