Banques extra-européennes, accès au patrimoine... Catherine Vautrin dévoile les contours du projet de loi sur la fraude sociale

"La fraude sociale est une trahison." La ministre du Travail, des Solidarités et de la Santé prépare un projet de loi contre ce qu'elle qualifie "d'enjeu majeur" alors que le gouvernement Bayrou planche sur 43,8 milliards d'euros d'économies pour le plan budgétaire de 2026.
Selon un rapport publié en septembre 2024 par le Haut Conseil des finances publiques, cette fraude sociale est estimée à 13 milliards d'euros par an alors que le montant des fraudes constatées et stoppées est de 2,1 milliards d'euros.
"Ce texte comportera aussi des mesures de lutte contre la fraude fiscale", affirme la ministre au Parisien, tandis que le montant estimé de la fraude fiscale est compris entre 60 et 80 milliards d'euros, contre 16,7 milliards d'euros détectés.
Cibler les "multi-fraudeurs"
Selon le Haut Conseil, "le secteur économique est l'enjeu majeur de la lutte contre les fraudes sociales" alors que la majorité (56%) de la fraude viendrait des entreprises et travailleurs indépendants et l'Urssaf en serait la principale victime (53%).
"On ne récupérera pas 13 milliards d’euros en claquant des doigts." Dans cet entretien accordé au Parisien, Catherine Vautrin a dessiné les premiers contours et dévoilé les premières propositions de ce projet de loi, qui doit être voté à l'automne.
Plus que le contrôle et la surveillance, la ministre souhaite augmenter la capacité des appareils de l'État à "récupérer l'argent fraudé". Ainsi, il est proposé de "faciliter la communication entre les différentes caisses" pour cibler notamment les "multi-fraudeurs".
Une lutte contre la fraude au transport sanitaire
Catherine Vautrin propose également de donner l'accès aux caisses de sécurité sociale "à l'ensemble du patrimoine du bénéficiaire", dont ses données bancaires ou d'assurance vie.
Début juillet, une conductrice de taxi a été condamnée à 30 mois de prison ferme pour escroquerie et blanchiment d'argent auprès de caisses primaires d'assurance maladie dans les Bouches-du-Rhône. La mise en cause avait facturé 2,3 millions d'euros de transports médicaux fictifs à la sécurité sociale entre 2019 et 2024.
Pour éviter de nouveaux cas, Catherine Vautrin annonce vouloir "obliger les transporteurs à se doter d'un dispositif de géolocalisation et d'un système électronique de facturation intégré".
Parmi les autres annonces, la lutte va s'intensifier sur les comptes bancaires situés hors de l'Union européenne, sur lesquels ne pourra plus être versée l'assurance chômage, selon le plan établi par la ministre.
Imposer les trafiquants sur les drogues saisies
Dans le même temps, alors que les entreprises et travailleurs indépendants représentent la première catégorie pour la fraude sociale, la ministre compte empêcher les entreprises qui font du travail dissimulé de pouvoir "organiser leur insolvabilité" en bloquant leurs comptes bancaires "pendant la période de contrôle".
Enfin, de "la même manière que le ministère de l'Économie impose les trafiquants sur les quantités de drogue saisies, nous allons nous aussi les taxer davantage", annonce Mme Vautrin. Le texte majorerait ainsi la CSG (contribution sociale généralisée) perçue au titre d'activité illicite avec un taux à 45 %.
Aujourd'hui, pour un trafiquant inquiété, aux "revenus illicites d'une valeur de 100.000 euros, la Sécurité sociale ne peut récupérer que 9.200 euros au titre de la CSG". "Avec un taux à 45 %, on récupérera 45.000 euros", promet la ministre.