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Le taux de pauvreté et les inégalités stables en 2020 malgré la crise sanitaire

Les inégalités de richesse se sont creusées dans les pays développés.

Les inégalités de richesse se sont creusées dans les pays développés. - Joel Saget - AFP

Selon l'Insee, les dispositifs exceptionnels déployés pour soutenir les ménages durant la crise sanitaire ont permis de stabiliser le taux de pauvreté monétaire, à 14,6% de la population en 2020.

Les projections des associations diffusées l’an dernier laissaient craindre le pire. La première estimation de l’Insee publiée ce mercredi a de quoi rassurer quelque peu. Malgré la crise sanitaire, le taux de pauvreté monétaire est resté stable en 2020, à 14,6% de la population, selon l’institut de la statistique. Cela signifie que 9,3 millions de personnes ont un niveau de vie inférieur à 1063 euros par mois en France, seuil correspondant à 60% du niveau de vie médian.

Les inégalités de revenus sont elles aussi restées stables l’an passé par rapport à 2019. Ainsi, la masse des revenus détenue par les 20% les plus aisées est 4,4 fois supérieure à celle des 20% les plus modestes. Le niveau de vie des 10% les plus riches est quant à lui au moins 3,4 fois plus important que celui des 10% les moins bien lotis.

Les mesures de soutien contribuent "fortement à diminuer les inégalités et la pauvreté"

Les associations caritatives tablaient sur un million de personnes pauvres supplémentaires en 2020 en raison de la crise sanitaire. "Ce chiffre d’un million supplémentaire de pauvres est malheureusement une estimation basse, compte tenu des 800.000 pertes d’emploi attendues fin 2020", expliquait au Monde Florent Guéguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS).

La Banque de France tablait elle-même sur une explosion du taux de chômage à 10% fin 2020 et 11% début 2021. Il n’en fut finalement rien: les pertes d'emplois se sont finalement avérées beaucoup plus faibles (260.000 fin 2020) et le marché du travail a même dépassé son niveau d'avant crise au premier semestre de cette année.

Pour l'Insee, il n'y a pas de doute: les dispositifs de soutien déployés durant la pandémie ont pleinement joué leur rôle de bouclier:

"Les mesures mises en place pour lutter contre les effets de la crise sanitaire, et particulièrement les aides exceptionnelles aux ménages à bas revenus, contribueraient fortement à diminuer les inégalités de revenus et la pauvreté monétaire en 2020", souligne l'institut.

Des aides ciblées vers les plus modestes

Le recours massif à l’activité partielle (8,5 millions de salariés en 2020) et le renforcement de son indemnisation ont tout particulièrement permis de "limiter les destructions d’emplois et compensé partiellement ou totalement les pertes de salaire des personnes ayant conservé leur emploi mais ayant fait face à une à des baisses d’activité".

Les indemnités versées au titre du chômage partiel ont représenté en moyenne 2,1% du niveau de vie des 10% des plus pauvres en 2020 (210 euros en moyenne) et 2,7% du niveau de vie des 40% les plus modestes (410 euros en moyenne). Les 20% Français situés entre les 50% les moins bien lotis et les 30% les plus riches sont ceux qui ont été les plus soutenus par l’activité partielle (2,9% du niveau de vie, indemnité moyenne comprise entre 690 et 780 euros).

De leur côté, les aides exceptionnelles aux ménages ont avant tout bénéficié aux 10% les plus modestes. Elles ont représenté 2,3% de leur niveau de vie, contre 1% si l'on regarde les 10% suivants et 0,5% pour les 10% encore suivants.

Ces mesures ont eu "un net effet à la baisse sur les inégalités de revenus et le taux de pauvreté", affirme encore l’Insee, citant notamment les 150 euros versés aux foyers bénéficiant du RSA ou de l’ASS, avec 100 euros supplémentaires par enfant, la prime de 100 euros par enfant au titre de l’allocation de rentrée scolaire ou encore les 200 euros versés en juin et 150 euros en novembre aux jeunes de moins de 25 ans non étudiants et bénéficiaire de l’APL.

L’ensemble de ces aides ont mobilisé un total de 2,2 milliards d’euros. 80% de ce montant ont été dirigés vers les 30% des personnes les plus pauvres pour une somme moyenne de 150 euros par personne. Elles auraient ainsi permis de diminuer le taux de pauvreté de 0,5 point par rapport à une situation dans laquelle elles n’auraient pas été attribuées.

Les indépendants ont eux aussi bénéficié d’aides ayant contribué à limiter les inégalités et la pauvreté monétaire (fonds de solidarité, annulations de cotisations…). Hors reports de cotisations qui ont vocation à être payées plus tard, ces mesures de soutien ont représenté 0,5% du niveau de vie des 10% des indépendants les plus modestes. Et les aides à cette population "couvriraient en moyenne 90 % des pertes de revenus d’activité des indépendants engendrées par la crise sanitaire", relève l’Insee.

Perception vs statistiques

Si l'Insee utilise pour cette première estimation de l'évolution de la pauvreté une "méthode de microsimulation" qui "présente certaines fragilités", le "message général de stabilité de ce taux de pauvreté semble relativement robuste", assure Jean-Luc Tavernier, directeur général de l'institut de la statistique.

La perception des Français semble pourtant à mille lieues de ces estimations statistiques. Et plus encore que la perception, il y a le concret: les associations caritatives font état en 2020 d'une augmentation de 11% des volumes d'aide alimentaire et de 7% des inscriptions. Alors, comment expliquer ces décalages?

D'après Jean-Luc Tavernier, il peut y avoir une confusion entre "aggravation de situations de pauvreté et accroissement du nombre de pauvres". Autrement dit, il est possible que la crise ait entraîné une "pauvreté plus forte pour ceux qu'elle concernait déjà" mais pas nécessairement une hausse du taux de pauvreté.

L'Insee note enfin un "biais dans la perception de la situation sociale de 2020". Son enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages montrait en mars, avril et mai 2020 que "les soldes d'opinion sur le niveau de vie général en France s'effondraient tandis que les soldes d'opinion sur la situation personnelle des enquêtés n'étaient que très peu et très transitoirement affectés". "La crise est dans tous les esprits mais pas dans tous les comptes bancaires", conclut Jean-Luc Tavernier.

*Niveau de vie: Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (UC). Le revenu disponible est le revenu à la disposition du ménage pour consommer et épargner. Il comprend les revenus d’activité nets des cotisations sociales, les indemnités de chômage, les retraites et pensions, les revenus du patrimoine (fonciers et financiers) et les autres prestations sociales perçues, nets des impôts directs.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco