Le plan du gouvernement pour lutter contre le déclassement de l'économie française

Bruno Le Maire - Eric Piermont - AFP
La première étape du Pacte productif vient de s’achever. Depuis six mois, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a mené une concertation auprès des parties prenantes de l’appareil productif français pour parvenir au plein emploi d’ici 2025. Parmi les participants, des acteurs des chambres de commerce et d’industrie, des chambres des métiers et de l’artisanat, de l’assemblée permanente des chambre d’agriculture, les collectivités locales ainsi que les organisations syndicales et patronales.
Tous se réunissent ce mardi pour présenter les grandes orientations du Pacte productif. Une nouvelle phase de concertation, incluant cette fois les citoyens, devrait ensuite débuter pour une durée de six mois. Pour autant, Édouard Philippe et Emmanuel Macron seront les seuls à trancher sur les éventuelles mesures à prendre. Aucune décision ne devrait être prise avant le Projet de loi finances 2021.
Risque de "déclassement productif"
Alors que retenir de cette première phase de restitution? D’abord, Bruno Le Maire estime que la France fait face à un risque de "déclassement productif". "Nous sommes en train de perdre notre qualité de nation productive, dans le secteur industriel comme dans le secteur agricole, par défaut d'innovation, de positionnement, de compétences", a-t-il indiqué.
Le document de restitution rappelle ainsi que l’industrie française, dont la part dans la richesse nationale est passée de 16,7% à 11,9% entre 2000 et 2018, "représente une part plus faible de notre PIB que nos voisins". "Notre production, quand on regarde uniquement la production industrielle, ne repose que sur trois grandes filières, qui sont les vins et spiritueux, le luxe et l'aéronautique", a détaillé Bruno Le Maire. Or, "on ne fait pas une grande production et une grande nation économique uniquement sur la base de trois filières", a-t-il insisté.
La "dégradation de notre commerce extérieur est également le symptôme d’une fragilisation de l’économie française", pointe encore le document de restitution qui évoque aussi le ralentissement de la productivité que Bruno Le Maire explique en partie par le nombre d’heures travaillées qui "a baissé en France beaucoup plus vite que dans les principaux pays avancés". "Nous ne travaillons pas assez", a martelé le ministre de l'Économie. Une observation qui reste toutefois à relativiser.
Et le locataire de Bercy d'ajouter: "Les Français ont un sentiment de déclassement, que la classe moyenne disparaît, qu’ils vivent moins bien que leurs parents, c’est vrai. Il y a un appauvrissement national c’est une réalité", a-t-il commenté.
Numérisation et transition écologique
Le document de restitution avance plusieurs pistes pour relancer l’appareil productif. Il appelle notamment à renforcer la "capacité d’innovation" de la France qui dispose déjà "d’ingénieurs de rang mondial et d’une recherche publique de grande qualité" et à continuer de développer le financement des start-up. Les acteurs consultés regrettent en outre de voir les grandes entreprises de l’Hexagone peu représentées parmi les quinze plus gros investisseurs en R&D (seule Dassault Systems y figure).
Parmi les autres orientations retenues: l’accélération de la numérisation de la société française. "En 2019, la France n’était que 15ème sur 28 dans le classement de la Commission européenne relatif à l’économie et la société numérique", peut-on lire. La transition énergétique et écologique représente un autre défi essentiel qui nécessite de "transformer en profondeur notre modèle de production et de consommation". Car si "l’économie française est d’ores et déjà l’une des plus efficaces sur le plan environnemental", selon les instances consultées, l’empreinte carbone de l’Hexagone "a augmenté de 11%" en 25 ans.
Par ailleurs, "il n'y a pas de cohérence à favoriser la finance verte, à réduire les émissions de CO2 à l'intérieur de nos frontières si c'est pour que le Trésor public apporte des garanties à hauteur de dizaines de milliards d'euros à des projets d'exportation qui augmentent la trace carbone à l'étranger", a encore dit le ministre.
Vers une baisse des impôts de production?
Le pacte productif doit également permettre d’adapter les formations "aux nouveaux métiers pour viser le plein emploi", indique le document de restitution, affirmant que "35% des Français exercent un métier pour lequel ils n’ont pas de qualification adéquate". Ce qui explique que la France compte "150.000 emplois non pourvus alors qu’on compte trois millions de personnes en recherche d’emplois".
Enfin, les impôts de production semblent également être dans le viseur de Bruno Le Maire pour relancer la compétitivité des entreprises françaises. "Nous avons aujourd’hui des impôts de production, qui pénalisent les entreprises, qui sont sept fois plus élevés qu’en Allemagne et deux fois plus élevés que la moyenne des pays de la zone euro", a-t-il fait savoir. Il souhaite toutefois avancer prudemment sur ce dossier avec les collectivités locales, dont les ressources dépendant en grande partie de cette manne fiscale.