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"La situation doit nous alerter": les projets d'investissements en France ont baissé de 5% en 2024

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Selon une enquête, l'instabilité politique ainsi que les tensions économiques ont conduit à une baisse de 5% des projets d'investissements et de 17% des projets industriels entre 2023 et 2024.

"Nous ne pouvons plus adopter la politique de l’autruche", interpellent les signataires de l’enquête annuelle de la Scet, filiale de la Caisse des dépôts, menée en partenariat avec le cabinet Ancoris, en invitant à "passer à la vitesse supérieure". Selon cette étude dévoilée lundi par France Inter, les projets d'investissements ont reculé de 5% entre 2023 et 2024 en France.

L'enquête repose sur environ 8.000 entretiens téléphoniques réalisés avec des dirigeants d'entreprises françaises et internationales, ainsi que sur une vingtaine de questions adressées à 174 collectivités et acteurs locaux. "Le tableau général invite à dresser un constat en clair-obscur des dynamiques d’attractivité sur nos territoires et un regard lucide sur notre décrochage structurel, aujourd’hui bien réel", soulignent Guillaume Gady, co-fondateur d'Ancoris et Christophe Lasnier, directeur général adjoint de la Scet.

Chute des projets industriels

Le constat dressé est sans appel: la diminution générale des investissements s'inscrit dans une tendance plus large qui touche plusieurs secteurs d’activité.

"La situation doit nous alerter", interpellent les signataires de l'énquête.

Entre 2023 et 2024, le nombre total de projets détectés a diminué de 5%, passant de 1.694 à 1.596. Les facteurs mis en avait par l'étude sont l'incertitude politique, exacerbée par la dissolution de l'Assemblée nationale et l'instabilité gouvernementale, à laquelle s'ajoute les tensions économiques.

Ce recul est particulièrement marqué dans le secteur industriel, avec une chute de 17% des projets, qui sont passés de 392 en 2023 à seulement 325 en 2024. Le pic du nombre de projets d’investissement a été atteint en 2021, avec 1.871 projets enregistrés.

Un autre indicateur préoccupant est la forte baisse des projets d’investissements directs étrangers. Alors qu’ils étaient relativement stables autour de 12% en 2020-2021, ils sont désormais tombés à seulement 4% en 2024. Le secteur tertiaire est aussi touché.

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Cependant, certains secteurs connaissent des signes de reprise. La logistique, par exemple, a enregistré une hausse modérée de 4,4% en 2024, après avoir connu une chute de 18% entre 2022 et 2023. Ce regain s'est traduit par un total de 379 projets dans ce domaine.

Des solutions à l'échelle locale, nationale et européenne

L’attractivité économique demeure une priorité pour de nombreux territoires. Selon l’enquête, 52% des acteurs territoriaux considèrent cet aspect comme un enjeu majeur. Toutefois, ces derniers continuent de faire face à des obstacles de taille pour attirer et maintenir les investissements. Parmi ces défis, l’accès au foncier et les difficultés de recrutement, notamment dans l’industrie où plus de 60.000 postes restent non pourvus, figurent parmi les principaux freins à l’implantation d’entreprises.

Les territoires plaident pour une stratégie économique et industrielle ambitieuse à toutes les échelles, que ce soit nationale, européenne ou mondiale.

Au niveau local, il est nécessaire de renforcer et d'élargir des initiatives telles que France Relance, les sites clés en main et le programme Territoires d’industrie afin de mieux répondre aux besoins des entreprises industrielles.

Les industriels plaident pour des règles et des politiques publiques simplifiées et stables, afin de pouvoir se projeter sur le long terme et pouvoir prendre les décisions d’investissement adéquates.

Le transport, crucial pour l’implantation des entreprises

Pour 57% des décideurs territoriaux interrogés, la qualité du réseau de transports et des infrastructures constitue un critère crucial lors de la décision d’implantation d’une entreprise. D’autres facteurs sont également jugés déterminants, tels que la qualité de l’environnement de travail pour les salariés (47%) et le cadre de vie (42%).

À cela s'ajoute la disponibilité de l'offre foncière et la qualité de l'offre immobilière, considérés respectivement par 67% et 56% des décideurs territoriaux comme des leviers prioritaires pour accueillir de nouvelles entreprises en 2025.

D’un point de vue plus global, les stratégies ambitieuses mises en place par des économies comme celles desÉtats-Unis, avec l'Inflation reduction act (qui permet à l'administration américaine de massivement subventionner les entreprises vertes) ou la Chine imposent une réponse tout aussi ambitieuse à l’échelle européenne et nationale.

Le risque de relâcher les objectifs de décarbonation

Dans un contexte économique incertain, l’un des principaux risques est de relâcher les efforts en matière de décarbonation, souligne l'étude. Bien que la France ait connu des progrès notables dans ce domaine ces dernières années, la proportion d'entreprises intégrant une démarche RSE dans leurs projets d’implantation a diminué, passant de 27% en 2023 à 23% en 2024.

En effet, de nombreuses entreprises privilégient désormais la sécurité de leur trésorerie au détriment des projets d’engagement environnemental, sociétal ou d'économie circulaire. Cette tendance révèle une décision stratégique à court terme, qui pourrait avoir des répercussions à long terme. Néanmoins, il est crucial selon l’étude de maintenir une approche stratégique et sélective dans le soutien aux entreprises.

"Les années Covid, la guerre en Ukraine, les élections américaines et les nouveaux équilibres mondiaux démontrent chaque jour que la capacité de notre industrie […] à être compétitive sur le long terme est la condition sine qua non de notre survie économique", concluent Guillaume Gady et Christophe Lasnier.

Louise de Maisonneuve