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"Asseoir l'épicier de quartier à côté de Leclerc ? Un peu de décence..." Les petits patrons ne veulent pas s'associer au meeting du Medef, le patronat se fracture

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Michel Picon, président de l'U2P, a vertement critiqué les positions du Medef, en pleins débats sur le prochain budget. Il oppose le "monde du travail" et le "monde de la finance".

Patrick Martin et le Medef auraient certainement rêvé mieux pour leur "13 octobre". Après la défection de la CPME, un autre syndicat patronal tire à boulets rouges, refusant de rejoindre la mobilisation du syndicat du grand patronat, organisée à Paris pour peser sur les débats budgétaires.

Michel Picon, président de l'Union des entreprises de proximité (U2P), réclame ainsi ce matin sur RTL de la "décence", prêtant au Medef un rôle de "contestataire".

"C’est quoi le message ? Touche pas à mon or ou je m’en vais ? Le Medef décide de ce mouvement au moment de la taxe Zucman. Mais cela fait des années que les petites entreprises souffrent, parfois par le fait des grands groupes. Quand on est au bout de la chaîne, la valeur ajoutée est prise par d’autres. Et on va aller à Bercy asseoir l’épicier de quartier à côté de M. Leclerc? Il y a un peu d’indécence. Le Medef est à côté de la plaque sur ce sujet."

Il s'oppose ainsi à la méthode du Medef, qu'il accuse de "contribuer à l'instabilité dénoncée depuis un an", mais aussi sur le fond : selon lui, les grandes entreprises et les petites structures et artisans, ne livrent pas le même combat.

"Patrick Martin est à la tête d’une organisation qui est en train de mettre en place une lutte des classes inversée. On crée une dualité entre le monde du travail et le monde de la finance. Le Medef, c’est le monde de la finance", explique ainsi Michel Picon.

"On n'a pas de fleur à faire au Medef et on ne représente pas les mêmes entreprises", estime de son côté le chef de file de la CPME (Confédération des petites et des moyennes entreprises), la deuxième organisation patronale, sur le plateau de BFMTV. "Ce n'est pas le bon moment, ni le bon signal d'aller manifester", poursuit Amir Reza-Tofighi, qui préfère aller à la rencontre des parlementaires "pour leur expliquer la vie de l'économie réelle".

Réunis sur la taxe Zucman

Le petit patronat rejoint néanmoins le grand débat autour de la taxe Zucman, une "mauvaise solution", qui atteint "l'outil de travail". "Cela affaiblit l’outil de travail et détruit des emplois. Et ce, même si les petites entreprises ne sont pas concernées par cette taxe", explique encore le président de l'U2P. Un sentiment également partagé par la CPME, qui qualifie l'idée "d'erreur fondamentale". "Ceux qui soutiennent la taxe Zucman sont les meilleurs amis des fonds d'investissement américains", estime Amir Reza-Tofighi.

"Mais il faut un partage de la valeur ajoutée qui soit plus équitable qu’aujourd’hui. Je suis près du monde du travail. On voit les difficultés des salariés, qui viennent demander des acomptes le 20 du mois alors qu’on ne peut pas les payer plus", souligne Michel Picon.

Le syndicat mise sur une réduction de l'écart brut-net, avec la suppression de la CSG (Contribution sociale généralisée) sur les revenus du travail, aujourd'hui de 9% environ.

"Cela libère autant de pouvoir d'achat pour les salariés", estime-t-il encore. Le manque à gagner, de 116 milliards d'euros, serait très élevé. En contrepartie, Michel Picon estime que chacun doit faire des efforts : les retraités bien payés - au-dessus de 2.300 euros par mois selon l'U2P - devraient ainsi contribuer plus.

La taxation des dividendes, l'augmentation de la "flat tax" (taxation des revenus du capital, aujourd'hui fixée à 30% des plus-values), et l'augmentation de la TVA sont aussi évoqués par l'U2P. Seule la dernière proposition est partagée par le Medef : le reflet d'un gouffre entre les différentes organisations patronales.

VG et P.La.