Des Français de moins en moins généreux et motivés par l'émotion quand ils donnent pour une cause

Les Français ont donné en moyenne 191 euros cette année, soit un recul de 9 euros par rapport à 2022. - Mehdi Fedouach
Un trou de 35 millions d'euros pour les Restos du Coeur, un déficit compris entre 45 et 50 millions d'euros pour la Croix Rouge, le Secours Populaire en manque de bras et de moyens financiers... L'année 2023 restera comme une des pires connues par le monde associatif.
Il y a la hausse des coûts de fonctionnement qui plombent les comptes des différents organismes et notamment de l'alimentaire et de l'énergie. À cela il faut ajouter la très forte augmentation du nombre de bénéficiaires touchés par l'inflation (1,3 million de personnes en huit mois de 2023 aux Restos du Coeur, contre 1,1 million sur l’ensemble de l’année dernière).
Mais peut-être aussi une générosité moindre de la part des Français donateurs. C'est le constat que fait en tout cas l'Observatoire des générosités* qui dévoile ce jeudi les résultats de sa 6ème édition. Cette année, les Français ont donné en moyenne 191 euros, soit un recul de 9 euros par rapport à 2022. 38% des donateurs affirment ainsi avoir fait moins de dons ces 12 derniers mois.
Si le montant des dons diminue significativement, la part de donateurs de moins de 100 euros progresse de 5 points et atteint 65% de la population, tandis que celle des donateurs de plus de 300 euros baisse de 7 points (11% des Français). Leetchi et Odoxa émettent l’hypothèse d’un lien direct entre le recul de la générosité des Français et la hausse des dépenses de la vie quotidienne à laquelle ils doivent désormais faire face.
Cependant le contexte tendu pour le pouvoir d'achat n'est peut-être pas la seule explication. Depuis que l'Observatoire a été créé, on constate une baisse constante des dons pécuniaires de la part des Français. De 246 euros en moyenne en 2018, cette somme est tombée à 225 euros en 2019, 213 en 2020, 207 euros en 2021, 200 euros en 2022 et 191 euros cette année.
Moins de ressources mais pas seulement
C'est la baisse des ressources disponibles qui est mise en avant par 87% des sondés pour expliquer ce recul de la générosité loin devant d'autres raisons comme les sollicitations trop importantes (60%). Pour soutenir des actions de solidarité dans le contexte actuel de récession économique, les Français disent privilégier le don de moyens matériels ou physiques (45%), leur temps (44%). Seuls 26% des Français déclarent préférer donner leur argent.
Et même les dons matériels semblent se faire plus rares. C'est ce que déplorent certaines associations comme le Secours populaire qui subit la concurrence des plateforme de reventes comme Vinted pour les vêtements. Alors que les brocantes et les friperies représentent un tiers des recettes de l'association, la source d'approvisionnement se tarit depuis quelques années.
"On nous donne des vêtements salis, troués, déplorait en mai dernier Jean Stellittano, le secrétaire national de l'association sur RMC. Au Secours populaire, dans le respect de la dignité des personnes, on ne va jamais donner un vêtement qui ne pourrait pas être porté normalement."
Surtout, l'Observatoire constate que les motivations pour donner ont largement évolué. Les dons par habitude reculent ainsi de 11 points et ne représentent plus que 13% des actes de générosité. À l’inverse, le don motivé par l’émotion (32%) progresse quant à lui de 111 points et se situe juste derrière le besoin d’agir (35%).
Rapport émotionnel à l'information
Guerre en Ukraine, séisme au Maroc, menace sur la survie des Restos du Coeur... Les causes de mobilisation traduisent un rapport émotionnel à l'information. On agit parce qu'on a été ému ou touché par un événement très médiatisé.
"L’émotion reste un moteur fort, mais elle semble de plus en plus conditionnée à la proximité et la spontanéité, souligne Alix Poulet, le PDG de Leetchi. Le besoin de donner du sens et voir son impact immédiat sont amplifiés par la force de propagation des réseaux sociaux et rendus possibles grâce aux diverses formes de collecte. En témoigne la récente mobilisation pour les victimes du séisme au Maroc, insufflée notamment par la diaspora marocaine en France et à travers le monde."
Si la lutte contre la pauvreté a progressé cette année et est devenue la quatrième cause préférée des Français (23%, + 5 points), c'est la recherche médicale (39% des donateurs la soutiennent) qui reste en tête devant la protection de l'enfance (35%) et la protection des animaux (31%). La protection de l'environnement recule en revanche et perd un point (22%).
Dans cette nouvelle édition du Baromètre, Odoxa a identifié 5 profils-types de Français en matière de générosité qui vont des "urbains engagés" les plus généreux (214 euros de dons en moyenne) aux "distants" qui privilégient la protection de l'enfance et sont motivés par l'émotion en passant par les "généreux traditionnels" plus âgés qui sont sensibles à la recherche médicale et à la lutte contre la pauvreté.

*À propos de l’Observatoire : Créé il y a 6 ans, l’Observatoire des générosités est né d’une volonté de comprendre et accompagner les manifestations de générosités des Français. Initié par Leetchi, leader de la cagnotte en ligne festive et solidaire, et réalisé par l’institut Odoxa, l’observatoire décrypte ce qui motive les Français à donner de l’argent, du temps ou des biens matériels pour des causes solidaires. Enquête réalisée auprès d’un échantillon de 2998 Français interrogés par Internet du 19 au 25 septembre 2023.
