Vin à 6° et bière à 0°: les Français aiment toujours l'apéro mais de moins en moins l'alcool
Ringardes les bières sans alcool? Oui. Mais c'était dans les années 1990. Désormais, elles sont en pleine explosion sur le marché français. Dernière en date, la 1664 0.0%, du brasseur français Kronenbourg (filiale du Danois Carlsberg), qui espère bien se tirer la bourre avec le concurrent direct, la néerlandaise Heineken 0,0%.
Lancée en 2017, la bière du deuxième plus gros brasseur mondial ne faisait qu'investir un marché demandeur. Car maintenant, on consomme de l'alcool sans alcool.
Avec une différence de taille face aux premières versions apparues dans les années 1980 (Tourtel, Buckler…): d'abord le goût, bien meilleur grâce à de nouvelles méthodes d'élaboration.
"Aujourd'hui, en termes de goût, à l'aveugle, il est souvent difficile de faire la différence avec une bière alcoolisée", expliquait récemment à BFM Business Elisabeth Pierre, autrice du Guide Hachette des bières.
Résultat, les ventes s'envolent dans le monde. Dans son dernier rapport annuel, Heineken évoque une croissance à deux chiffres pour sa bière 0.0%. Le géant a donc adapté sa gamme aux nouvelles demandes: Desperados, Birra Moretti, Amstel… les versions sans alcool se déploient partout.
De la bière aux spiritueux
Le bon coup, c'est Tourtel Twist, lancé en 2014, qui se revendique aujourd'hui comme le leader de la bière sans alcool avec une croissance de 23% en 2021 et 4,3 millions foyers acheteur.
La bière n'est pas la seule boisson à prendre le virage. Voici arrivés les étonnants "spiritueux" garantis sans alcool. Bien aidés par la mouvance "Dry January", qui incite à se priver d'alcool pendant un mois, de nouvelles marques comme Atopia du distillateur britannique William Grant & sons. Reprenant tous les codes marketing d'une bouteille de gin, la boisson en transforme la recette toujours à partir de distillats de genévrier, sans alcool évidemment. Le rendu reste très éloigné du gin original mais fonctionne parfaitement pour les cocktails.
Tous les géants du secteur des boissons alcoolisées, de Bacardi-Martini à Pernod Ricard, en passant par le numéro 1 mondial Diageo, proposent désormais des spiritueux sans alcool, appelés "mixers". Même Coca-Cola s'y est mis avec des distillations à base d'ylang-ylang, d'aneth ou encore de citronnelle. Un marché de niche mais déjà en plein essor aux Etats-Unis, encore amplifié encore par les confinements.
Parallèlement au sans alcool, les boissons " low alcohol" arrivent aussi sur le marché. C'est le cas par exemple des vins légers, moins chargés en alcool que les vins classiques. Castel Frères (Roche Mazet…), le numéro 1 français du vin, a lancé au début du mois VeRy Zest, son offre de pétillant aromatisé, tirant à 6,5%. Avec son petit format et sa capsule, il cherche surtout à concurrencer la bière alors que les vins traditionnels, de plus en plus alcoolisés, sont en perte de vitesse.
"Conscious drinking"
Alors pourquoi une telle aversion pour l'alcool? Il faut d'abord relativiser, la dynamique est là mais les volumes plaident encore largement pour l'alcool. Les confinements, où l'isolement avait forcé les Français à lever le pied sur les boissons, avaient tout de même donné un coup de fouet au secteur.
En réalité, les Français boivent bien moins qu'auparavant. Entre 1960 et 2018, la consommation a été divisée par 2,5, passant de 200 litres à 80 litres par an, principalement liée aux politiques de santé publique – ce qui n'empêche une partie de la population de trop boire.
Le "conscious drinking", très développé outre-Atlantique arrive doucement en France, séduisant notamment les jeunes adultes plus précautionneux sur leur santé. Cette mouvance est d'ailleurs aussi à l'origine des hard seltzers, des eaux aromatisées alcoolisées mais très peu caloriques.