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Sur Amazon des revendeurs proposent des pots de moutarde à des prix astronomiques

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Alors que la moutarde reste introuvable dans les rayons de la plupart des magasins français, le condiment voit son prix exploser sur les sites de commerce en ligne où le pot se négocie désormais pour une dizaine d'euros.

Les Français ne sont pas prêts d'assaisonner leur viande ou salade avec de la moutarde. Toujours aux abonnés absents dans les rayons des grandes surfaces, le condiment se négocie désormais à prix d'or sur Internet et notamment les plateformes de commerce en ligne. Un pot de 165 grammes qui affichait auparavant un prix de 1,59 euro se vend désormais pour une douzaine d'euros sur Amazon par exemple. L'évolution reste du même ordre de grandeur d'une marque à une autre.

Une disponibilité en baisse qui pousse les prix à la hausse

D'après le cabinet d'étude spécialisée IRI, le prix de la moutarde a vu sa hausse sur un an accélérer entre le printemps et l'été. Alors que son augmentation n'était que de 9% sur le mois de mai, celle-ci a dépassé les 14% entre les mois de juillet 2021 et 2022.

Autre indicateur saisissant, le taux de disponibilité de la moutarde qui dégringole par rapport à l'année dernière. Selon le baromètre réalisé par Nielsen qu'a pu consulter BFM Business, la moutarde est tout simplement le produit qui connaît les plus fortes ruptures depuis l'invasion en Ukraine. En février dernier, le taux de disponibilité de la moutarde frôlait les 98%. Entre début mars et mi-août, ce chiffre a diminué de 21% pour tomber à 60,5%. Sur un an, cette baisse atteint même 31% entre les deux derniers étés.

A l’approche de la fin août, la disponibilité en moutarde s’améliore mais l’assortiment reste très inférieur aux niveaux habituels, tempère Nielsen alors que le taux de disponibilité est remonté à 73,3% à la fin des vacances scolaires.

La situation canadienne reste l'épicentre de la pénurie

A l'origine de cette tension inflationniste, une pénurie mondiale alimentée sur deux fronts en particulier. D'un côté, le conflit entre la Russie et l'Ukraine paralyse les exportations de ces deux acteurs majeurs du marché de la moutarde. De l'autre, il y a surtout la situation du Canada qui fournit les fabricants de moutarde français en graines à hauteur de 80% et a drastiquement réduit sa production au cours de la pandémie. De 135.000 tonnes en 2019, celle-ci a chuté à 50.000 tonnes sur l'exercice 2021.

Cette chute est en lien direct avec le réchauffement climatique et plus particulièrement des épisodes de sécheresse qui ont considérablement limité la récolte canadienne. Et les perspectives ne sont guère meilleures selon la société de données et d'analyse Gro Intelligence qui évoquait il y a quinze jours un nouvel épisode de sécheresse. Ce dernier pourrait bien ruiner le redressement de la production observée sur l'exercice 2022 et ce, juste avant la récolte annuelle de septembre.

Dans sujet de l'émission "Envoyé spécial" diffusé jeudi dernier, un représentant de Westland Agro évoque aussi le cas de producteurs canadiens qui profiteraient de cette pénurie durable pour faire grimper les enchères.

"Le prix de la moutarde a atteint un record historique, explique ainsi Richard Boire. On n'aurait jamais cru qu'elle se vendrait 2 dollars la livre ! Du coup, c'est un marché ouvert, un marché libre [...] mais le problème, c'est que beaucoup de gens ici attendent en réalité que le prix soit au plus haut pour vendre. Ils sentent qu'ils peuvent obtenir encore plus. D'ailleurs, on a encore des producteurs qui nous disent 'c'est pas assez' !"

Pas d'amélioration avant 2024

Bien qu'elle dispose de capacités de production sur son sol, la France est loin d'être en mesure de compenser la baisse des importations de graines. La grosse altise, un insecte particulièrement néfaste pour les récoltes, a fait son retour dans les champs de moutarde à la faveur d'une loi européenne qui réglemente l'usage des insecticides sur ce type de culture depuis 2016.

Les producteurs préfèrent donc s'orienter vers d'autres cultures comme le colza ou le tournesol tandis que ceux ayant fait le pari du bio revendique un niveau de production encore trop faible. L'horizon ne s'éclaircit pas pour les fabricants qui envisagent une prolongation de la pénurie sur l'année 2023 avec des conséquences visibles jusqu'en 2024.

Timothée Talbi