38 euros payables en "tickets restau": pourquoi les restaurateurs ne sont qu'à moitié satisfaits

Titre restaurant - ERIC PIERMONT / AFP
Ce sera finalement ce vendredi. Censé entrer en vigueur le 2 juin, date à laquelle les restaurants ont pu rouvrir leurs portes, le relèvement du plafond des titres restaurant de 19 à 38 euros a été retardé de dix jours. A l'origine de ce contretemps, l'examen du texte par le Conseil d'Etat qui aurait retardé la procédure. Ne manquait plus que la signature finale du ministre, assure Bercy.
De leur côté, les quatre émetteurs historiques de titres restaurant (Edenred, Sodexo, UP et Natixis Intertitres) ont eu le temps de se préparer. "Depuis plusieurs semaines, Edenred a mis en oeuvre tous les moyens humains et technologiques pour rendre possible ce replafonnement sur sa solution Ticket Restaurant dès la publication du décret", souligne le leader du secteur.
Des commissions "énormes"
Le relèvement du plafond des titres restaurant et la possibilité de les utiliser les week-ends et jours fériés ont été décidés pour encourager les Français à retourner dans les quelque 200.000 établissements de l'Hexagone après deux mois de fermeture forcée. "On est content parce que les clients vont se faire davantage plaisir dans nos restaurants et venir plus souvent chez nous", prédit Romain Vidal, représentant des restaurateurs au sein de la Commission Nationale des Titres Restaurant (CNRT).
Pour autant, les professionnels ne sont pas pleinement satisfaits. Car l'augmentation attendue des paiements en titres restaurant risque de se traduire par une hausse de leurs frais. "La première réaction des restaurateurs, c'est de dire qu'ils vont payer beaucoup plus de commissions alors qu'on doit déjà faire face à un problème de trésorerie", poursuit Romain Vidal.
"Les émetteurs exigent des commissions énormes" sur les titres restaurant, confirme Franck Trouet, Délégué Général du Groupement national des indépendants (GNI). Et d'ajouter: "Le meilleur client est celui qui paye en cash, le deuxième meilleur client est celui qui paye en CB et le moins bon client est celui qui paye en tickets restaurant". De fait, le premier mode de paiement ne coûte rien au restaurateur. Le deuxième implique des commissions, mais d'un niveau nettement moins élevé que celles réclamées par Edenred, Sodexo et consorts.
Plus le délai de remboursement est long, plus les commissions sont faibles
Le mécanisme définissant le niveau des commissions payées par un restaurateur sur les titres restaurant est particulièrement complexe car il dépend de multiples facteurs. A commencer par l'identité de l'émetteur, le nombre de transactions réalisées chaque mois via ce mode de paiement ou encore le montant de celles-ci.
Par ailleurs, un système spécifique existe pour les paiements en titres restaurant papier. Pour mieux comprendre, rappelons le fonctionnement général: lorsqu'un établissement reçoit des titres restaurant de ses clients, il rapporte ces titres à l'émetteur pour en obtenir le remboursement. Or, dans le cas où le paiement s'effectue en titres papier, le niveau des commissions à régler sera d'autant plus élevé que le restaurateur exige un remboursement rapide.
Par exemple, le taux de commission appliqué par Sodexo pour un remboursement sous trois à cinq jours est compris entre 4 et 4,99% du montant des transactions alors qu'il n'est "que" de 1,55 ou 2,05% pour un remboursement sous 21 jours. Même chose chez Edenred qui réclame une commission de 4,9% pour un remboursement express et 1,7% pour un délai allongé de trois semaines.
Des commissions "deux fois plus chères" sur le paiement dématérialisé
Quant aux paiement par titres restaurant dématérialisés (par carte), les tarifs pratiqués par les émetteurs sont encore plus élevés. Avec un taux minimum d'environ "3,5%", relève Romain Vidal, indiquant que cela dépend là encore de l'émetteur, du nombre de transactions effectuées par carte dans le mois mais aussi du type de carte (les émetteurs ont souvent deux générations de carte avec des tarifs propres à chacune).
A titre personnel, il dit payer "deux fois plus cher" ses commissions sur les transactions réalisées par carte que celles sur papier. Selon lui, les émetteurs justifient ces tarifs en se présentant comme des "apporteurs d'affaires" et par le coût technologique qu'implique la dématérialisation du paiement en titres restaurant.
Si le déplafonnement apporte un signal positif, Romain Vidal dit tout de même regretter que "les émetteurs n'en aient pas profité pour nous annoncer une bonne nouvelle". Autrement dit, "un geste sur les délais de paiement et les commissions", précise-t-il, déplorant que "tout le monde n'ait pas joué le jeu" pendant la crise sanitaire.