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Pourquoi le chèque alimentaire promis par le gouvernement met-il autant de temps à arriver?

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Le chèque alimentaire promis par Emmanuel Macron fin 2020 devrait voir le jour en 2023. Un retard lié à des difficultés techniques, selon le gouvernement.

Le gouvernement patine toujours sur la question du chèque alimentaire, annoncé mi-décembre 2020 par Emmanuel Macron. Ce dispositif, destiné à aider tous les Français à accéder à des produits de qualité, n'a toujours pas vu le jour, et il n'arrivera pas avant 2023, a prévenu le ministre du Budget Gabriel Attal. Une aide pourtant de plus en plus indispensable à mesure que l'inflation accélère.

"Je suis prêt à regarder toutes les propositions, mais il faut tout simplement qu'elles tiennent la route, c'est-à-dire qu'elles puissent être utilisées immédiatement par les Françaises et les Français", a expliqué début juin Bruno Le Maire sur BFMTV.

"Je ne vais pas leur dire: "on a trouvé un super dispositif, vous allez pouvoir aller dans votre magasin prendre des produits bio ou sourcés français qui vont bénéficier strictement aux producteurs français". Non, je ne sais pas faire, j'ai l'honnêteté de le reconnaître, personne ne nous a proposé un dispositif qui soit immédiatement opérationnel maintenant face à un pic inflationniste qui est maintenant", a confessé le ministre de l'Economie.

Dans un premier temps, le gouvernement a préféré une "aide alimentaire d'urgence" de 100 euros par foyer et de 50 euros par enfant, en faveur des neuf millions de foyers les plus modestes. Sous forme de virement bancaire, cette aide pourra être dépensée par les bénéficiaires comme bon leur semble. Rien ne les oblige à utiliser cette somme pour faire leurs courses.

Il ne s'agit donc pas du très attendu "chèque alimentaire", qui devrait arriver en 2023. Le gouvernement se heurte à plusieurs difficultés: déterminer quelle frange de la population percevra cette aide, son montant et surtout sous quelle forme elle sera versée. Se pose également la question de la circonscrire à certains produits.

Un chèque, un virement, un portefeuille numérique?

L'aide alimentaire d'urgence sera versée sous forme de virement. Pour le chèque alimentaire, rien n'a encore été défini. Mais pour cibler uniquement les produits alimentaires, le virement n'est pas une la bonne solution puisque dans ce cas, les bénéficiaires peuvent utiliser l'argent comme bon leur semble.

Le gouvernement pourrait opter pour un chèque sous la même forme que le chèque énergie. Problème, ce dernier doit être utilisé en une seule fois, auprès d'un unique fournisseur. Sous cette forme, le chèque alimentaire s'apparenterait donc davantage à une aide "plein de courses".

L'idée du chèque alimentaire émane à l'origine de la Convention citoyenne pour le climat constituée fin 2019 sur demande du Premier ministre Edouard Philippe. Son co-président, Thierry Pech, était aussi, et le demeure, directeur général du think tank de gauche Terra Nova. Un groupe de réflexion qui milite depuis 2015 pour l'instauration d'un "chèque vert", permettant d'accéder à des produits ou services identifiés comme bénéfiques pour l'environnement.

"Nous avions l'idée d'une sorte de portefeuille numérique, accessible via une application, avec un fonctionnement similaire à celui du pass culture. On aurait pu également y intégrer des conseils", commente Baptiste Perrissin Fabert, économiste et co-auteur de la note sur le chèque vert.

Reste une autre solution qui pourrait être complémentaire à l'action du gouvernement: s'inspirer des écochèques belges qui existent depuis 2009. Ces écochèques fonctionnent comme les tickets-restaurants. Ce sont les entreprises qui les distribuent, dans la limite de 250 euros par an. Un avantage accordé uniquement aux salariés du privé. Ce dispositif ne bénéficie pas à tous les citoyens et écarte de fait ceux du public et les personnes sans emploi.

Quels produits éligibles?

Le gouvernement se heurte à un autre problème. Faut-il circonscrire l'aide aux produits bio? Aux produits frais? Aux deux? En cette période de forte inflation, la priorité est-elle d'aider les Français à "mieux manger", ou de les aider à manger tout court?

"Il est assez compliqué, techniquement, de mettre en place une aide ciblant certains produits à certains endroits", note le Sénat en réponse à une question posée par le sénateur Jean-Marie Mizzon.

Etablir la liste des produits éligibles à l'aide alimentaire sera fastidieux. Mais sur l'aspect technique, un précédent rend le dispositif plus facile à mettre en place. Car la grande distribution sait déjà différencier certains produits des autres pour le paiement en ticket-restaurant.

Au supermarché, il est par exemple impossible de payer en titre restaurant des boissons alcoolisées ou des glaces et des sorbets, à l'inverse des produits frais comme des fruits et légumes, des yaourts ou encore des plats préparés.

Lors de son discours de politique générale le 6 juillet, la Première ministre Elisabeth Borne a confirmé que son gouvernement travaillait à la mise en place d'un chèque alimentaire pour l'année prochaine. Une mesure très attendue par les Français. Ils sont 82% à y être favorables, selon une récente enquête Harris Interactive pour Edenred*.

https://twitter.com/Pauline_Dum Pauline Dumonteil Journaliste BFM Tech