"On a l'habitude des crises": entre droits de douane et flambée des prix, la filière du chocolat reste optimiste

Les Français ont-ils été fidèles au chocolat pour les fêtes de Pâques qui représente 5% des ventes annuelles du secteur? Il est encore trop tôt pour le dire mais la filière affiche un certain optimisme, malgré des coûts qui s'envolent.
"Les cours du cacao ont flambé de 365% entre janvier 2023 et janvier 2025, c'est historique", rappelle Gilles Rouvière, secrétaire général du Syndicat du chocolat.
Les fabricants ont ainsi rogné sur leurs marges mais les prix des oeufs de Pâques et autres cocottes ont sensiblement augmenté. Reste que l'attachement des consommateurs au chocolat est extrêmement fort, lors d'événements spécifiques mais aussi tout au long de l'année.
"L'an dernier, les cours du cacao étaient déjà très haut pourtant les ventes en volume ont augmenté. Le chocolat fait partie du quotidien des Français, 99% des Français en consomment, ça nous permet de résister", souligne le responsable.
Meilleure récolte de cacao
Malgré tout, entre le cacao et les prix de l'énergie, l'équation pour les fabricants reste complexe même si les disparités sont fortes entre les PME et les grandes entreprises du secteur. Pour l'année en cours, la visibilité est assez faible.
"C'est très compliqué de se projeter mais il y a des raisons d'être confiants. Outre l'attachement des consommateurs au produit, on observe une meilleure récolte de cacao cette année mais tout cela reste incertain", indique Gilles Rouvière.
Ce qui n'empêchera pas les prix d'augmenter encore en grande distribution même si cette hausse sera contenue.
"Le secteur a demandé à la grande distribution de tenir compte de la réalité des cours du cacao. Les évolutions des coûts des matières premières agricoles ne sont en effet pas négociables en application de la loi Egalim, mais cette obligation n'a pas toujours été respectée. Les négociations ont dès lors souvent été compliquées dans ce contexte", ajoute-t-il.
"Les cours du cacao ne se reflètent pas dans le prix payé par le consommateur. Les entreprises prennent sur leurs marges, certaines sont fragilisées mais on commence à avoir l'habitude des crises", explique Gilles Rouvière.
En tout cas, pas question de changer les recettes pour faire baisser le coût de production: "le chocolat a une valeur forte, on ne peut pas faire n'importe quoi, c'est très délicat", tranche le secrétaire général.
Autre sujet d'inquiétude: les exportations vers les États-Unis qui pourraient être frappées de 20% de droits de douane supplémentaires.
"La filière est excédentaire aux États-Unis même si on est loin d'autres secteurs. Nous ne sommes pas inquiets pour le moment, ça va beaucoup dépendre des entreprises, certaines ETI exportent beaucoup, d'autres plus grandes sont présentes sur place, mais ça reste un pays important pour nous avec des volumes pas négligeables", estime le responsable.
"Le chocolat sans cacao, ça n'existe pas"
L'arrivée du chocolat sans cacao (à base de tournesol par exemple) dans les rayons interroge également. "Notre ligne est claire: le chocolat sans cacao, ça n'existe pas. Nous ne sommes pas contre ces alternatives, ni contre l'innovation mais il faut que ça soit clair pour le consommateur, notamment sur le packaging", souligne Gilles Rouvière.
"Ça ne peut pas s'appeler 'chocolat'. On sera vigilants."
Les industriels mettent en avant le même goût pour un prix 30% inférieur. Pour Pâques, la chocolaterie alsacienne Abtey a même décidé de convertir 25% de sa gamme saisonnière en "Choviva", une alternative au chocolat sans cacao avec la mention "nouveau goût chocolaté au lait sans cacao".
Gilles Rouvière refuse de se prononcer sur le goût de cette alternative mais estime que "c'est un marché de niche compte tenu de l'attachement des Français au chocolat".
D'ailleurs, Abtey n'a aucunement l'intention d'abandonner le chocolat au profit du Choviva. "Je veux rester un chocolatier, mais je suis lucide" explique Anne-Catherine Wagner, troisième génération à la tête de la PME familiale et qui veut évoluer avec son temps.
La question est de savoir si ce type de produit ira au-delà du buzz (un peu comme le chocolat Dubaï) et sera soutenu par des marques reconnues de chocolat et pas seulement par des nouveaux venus.