Morgan, la Halle et maintenant Caroll: l'appétit insatiable du breton Beaumanoir

La meilleure défense, c'est l'attaque. Pour Beaumanoir, cet adage signifie de sortir le chéquier dès qu'une occasion se présente. Jeudi, le groupe français de prêt-à-porter a annoncé être entré en négociations exclusives avec Vivarte pour racheter la marque Caroll, 1.200 salariés dans 12 pays.
En juillet dernier, il avait déjà repris (en partie) La Halle au même groupe Vivarte et avait échoué, non sans une certaine amertume, à reprendre Naf Naf, tombé aussi en redressement judiciaire.
La boulimie de Beaumanoir peut surprendre. Les groupes de prêt-à-porter, en particulier les marques françaises, ont souffert des différents confinements, des reports de soldes, des concurrents mieux armés sur le e-commerce. Beaumanoir a d'ailleurs perdu des plumes : 200 millions d'euros de chiffre d'affaires en moins sur le 1,2 milliard qu'il générait annuellement.
Success story en Chine...
Mais la stratégie de Beaumanoir, c'est aussi une question d'instinct, celui du président Roland Beaumanoir, 72 ans. Né à Saint-Malo, l'homme est baigné dans le monde du textile, fils d'un important détaillant de prêt-à-porter. Il débute au sein de l'entreprise familiale dans les années 1970 avant de lancer son premier magasin, Vêtimod à Saint-Brieuc en 1981. Mais tout s'accélère en 1985 lorsqu'il crée la marque Cache-Cache dans un centre commercial flambant neuf de Saint-Malo. Trois décennies plus tard, la marque compte près de 1500 magasins à travers le monde.
Entre temps, Beaumanoir a acquis d'autres griffes iconiques: Bréal en 2003 et Morgan en 2008. Il créé aussi Bonobo en 2006 et enfin Vib's en 2016 qui permet de regrouper les marques dans un lieu unique. La holding regroupe ainsi 3000 points de vente dans le monde. Surtout, le patron a eu du flair en se baladant en Chine, où il lance son premier Cache-Cache en 2005. Un échec cuisant, racontait en 2018 sur BFM Business l'ex-directeur général Eric Bourgeois. Les Chinois ne veulent pas des vêtements français. Alors Roland Beaumanoir, figure du Sentier lorsque le textile y régnait, va humer les tendances dans son équivalant chinois. Ses équipes adaptent l'offre et, 8 ans plus tard, 800 Cache-Cache ont déjà ouverts dans le pays. Il y a encore 3 ans, le pays représentait même un quart du chiffre d'affaires en Chine.
...mais recentrage en France
La crise a mis un sérieux coup d'arrêt à l'eldorado chinois. "On avait 1000 magasins en Chine, on en a plus que 600" expliquait en juillet dernier sur BFM Business Jérôme Drianno, actuel DG du groupe. L'offre était déjà trop importante et Pékin n'a pas été aussi généreux que la France pour compenser les fermetures forcées des boutiques. En janvier dernier, le groupe a même annoncé avoir "cédé une participation majoritaire" dans son activité chinoise à Zhongke, une entreprise chinoise qui avait auparavant acquis C&A Chine.
"On se recentre sur notre marché français" insistait en juillet Jérôme Drianno. "Il faut qu'il reste des champions nationaux. Et nous voulons être un de ces champions nationaux qui vont perdurer. Et pour cela, il faut se solidifier, il faut se consolider." Il faut donc grossir pour survivre.
Mais Beaumanoir ne se contente pas d'ouvrir des magasins. En 2002, son président décide de créer C-LOG, une filiale logistique (emballage, livraison, distribution…) pour faciliter sa supply chain. Et pas seulement pour ses propres marques puisqu'un tiers de cette activité est réalisée pour la concurrence.
Un autre levier de croissance pour passer cette crise, en espérant que la pandémie n'entraine pas de nouveaux confinements. Mais Beaumanoir ne manque pas d'ambitions. Interrogé en septembre dernier dans Ouest France, Roland Beaumanoir visait un chiffre d'affaires d'1,6 milliard d'euros d'ici 2022. Mais c'était avant le deuxième confinement...