Fin du ticket de caisse imprimé: vraiment une bonne idée pour l'environnement?

Après deux sursis pour cause de valse des prix dans les magasins, la fin de l'impression systématique du ticket de caisse papier va bien entrer en vigueur au 1er août, malgré une inflation encore élevée. Cette mesure découle de la loi "anti-gaspillage et économie circulaire", votée en 2020, et vise à réduire la production de déchets.
Aujourd'hui, 12,5 milliards de tickets de caisse sont imprimés chaque année en France. Certains sont très petits et ainsi difficiles "à collecter et à recycler". En termes de conséquences environnementales, ils représentent 150.000 tonnes de papier, soit 25 millions d'arbres coupés et 18 milliards de litres d'eau consommés, selon Bercy.
Moins d'eau consommée mais plus de gaz à effet de serre rejetés?
L'impact de la mesure telle qu'elle va entrer en vigueur au 1er août n'est en revanche pas connu. Depuis plus de trois ans, plusieurs chiffres circulent et sont repris dans le débat public pour comparer ticket de caisse papier et format numérique en matières d'émissions de gaz à effet de serre et de CO2 ou encore de consommation d'eau.
Problème: ces chiffres, issus de travaux internes réalisés par le collectif Green IT, "n'ont pas la qualité ou la solidité des études publiques" de ce groupement d'experts indépendants spécialisé dans la quantification des impacts environnementaux du numérique comme l'expliquait récemment son fondateur Frédéric Bordage à TF1.
D'après Green IT, la production d'un ticket de caisse numérique ne consommerait "que" trois centilitres d'eau, soit deux de moins qu'un ticket au format papier. En revanche, sa production émettrait 5 grammes de gaz à effet de serre, c'est-à-dire trois de plus qu'un le ticket traditionnel.
Mais Frédéric Bordage rappelle que ces estimations datées ne prenaient pas en compte les évolutions ultérieures du matériel numérique des caisses comme "l’ajout de l’écran destiné au consommateur" ou les "caisses automatiques, dotées d'écrans interactifs sur lesquels vous allez choisir ou non d’imprimer votre ticket".
"Il faudrait prendre en compte tout cela pour faire une évaluation aujourd’hui [...] On n'a aucune idée de l’impact réel."
Supprimer les mails côté clients, en limiter le poids numérique côté commerçants
Le scepticisme autour des avantages environnementaux effectifs de la dématérialisation du ticket de caisse est surtout dû à la pollution croissante que génère le secteur numérique. En 2019, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) indiquait que le numérique pesait 4% dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre et 2,5% des émissions de CO2 en France. Le premier chiffre pourrait doubler d'ici 2025 tandis que le second pourrait atteindre 6,7% en 2040.
Ce poids croissant du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre et de CO2 tient entre autres aux milliards de mails échangés chaque jour à travers le monde. Or, l'une des options retenues pour succéder au ticket de caisse papier est l'envoi de ce même ticket par mail. Mail dont l'empreinte carbone est estimée à environ 19 grammes de CO2 pour un poids de stockage de 1 Mo.
"Si le marchand n'en profite pas pour faire une jolie mise en page, de la pub à outrance, des bons de réductions, le mail pourrait faire entre 0,2 et 1 Mo", précisait aux Echos Xavier Verne, ingénieur télécom et contributeur au think-tank Shift Project.
Concrètement, l'envoi de chaque ticket de caisse par mail devrait émettre entre 3,8 et 19 grammes de carbone, une fourchette qui pourrait en revanche drastiquement augmenter en cas de conservation des mails. "On reçoit tellement de mails qu'on ne pense pas toujours à les supprimer, alors que ça permettrait de réduire nos émissions de CO2", rappelle Xavier Verne qui plaide pour une suppression automatique au bout de deux ans ou encore l'interdiction d'intégrer des démarches marketing qui alourdiraient le mail et augmenteraient donc ses émissions.
De son côté, Frédéric Bordage considère que "la bonne pratique au niveau environnemental revient à ne pas utiliser de ticket du tout" alors que la nouvelle réglementation prévoit justement de ne plus fournir de ticket de caisse aux clients sous quelque forme que ce soit à moins qu'ils ne le demandent.