Face à l'inflation, le prix dicte (presque) seul les comportement d'achats des Français

Les Français sont entrés dans l'ère du prix. C'est l'enseignement principal de la dernière étude conjointe du cabinet Havas et de l'institut CSA réalisée au début du mois de juin auprès d'un échantillon de quelque 1000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Sans surprise, il en ressort que les Français n'apprécient pas ce nouveau paradigme dans lequel ils évoluent, notamment au regard de leur pouvoir d'achat. Plus d'un sur trois cite la méfiance et la morosité pour désigner leur état d'esprit actuel quand 71% d'entre eux le qualifie globalement de négatif. Une large majorité (88%) perçoive aussi le climat économico-politique comme négatif.
Inflation et stagnation des salaires pointées du doigt
Déjà nombreux (87%) à ressentir une perte de pouvoir d'achat lors des tous premiers effets de la guerre en Ukraine en mars 2022, ils sont désormais 92% à partager ce sentiment. La quasi-totalité (94%) impute logiquement cette perte de pouvoir d'achat à l'inflation là où la hausse des prix n'était mentionnée que part 72% d'entre eux en mars 2022. La stagnation des salaires est aussi déplorée par un Français interrogé sur deux contre un sur trois il y a un an et demi.
Dans le détail, le ressenti des Français sur leur perte de pouvoir d'achat est d'ailleurs en phase avec la composition de l'inflation puisque deux tiers d'entre eux juge que la hausse des prix des produits alimentaires est la plus préjudiciable là où les prix de l'énergie sont cités par un tiers des sondés. Rien d'étonnant donc à ce que les postes alimentaires et énergétiques se distinguent parmi ceux où la perception de forte augmentation soit là plus répandue (respectivement 71% et 67% des sondés). Ils sont suivis des dépenses liées aux vacances, aux déplacements, aux loisirs ou encore au restaurant.
L'inflation s'étant installée dans la durée depuis de long mois, 81% des Français affirment aujourd'hui vivre avec un budget familial contraint, voire "très contraint" pour un quart d'entre eux. Dès lors, 46% d'entre eux écarte toute possibilité d'investir, 27% n'ont même pas la possibilité d'épargner et 21% ne peuvent pas partir en vacances. "Pour 1 Français sur 10, il s'agit de terminer le mois et de vivre décemment", constate l'étude.
Les achats en magasin font de la résistance
Alors que la pandémie semblait avoir consacré les commandes en ligne, les achats en magasin tiennent encore tête au terrain digital. Certes, plus d'un Français sur deux indique avoir commandé en ligne au cours des dernières semaines, un chiffre en hausse de 15 points par rapport à mars 2022. Mais neuf Français sur dix affirme aussi avoir récemment acheté en magasin, soit un peu plus qu'il y a un an et demi (88%). Par ailleurs, les petits commerces enregistrent une légère hausse de fréquentation, de 30 à 35%. Deux tiers des sondés justifient cette fidélité aux achats physiques par la possibilité de voir, toucher et essayer les produits avant de les acheter, la moitié par le fait de repartir immédiatement avec leurs achats.
Face à ce constat de perte de pouvoir d'achat, près d'un Français sur deux dit faire davantage attention au gaspillage, un chiffre en hausse de 9 points sur 15 mois. Le recours aux achats de biens d'occasion et de seconde main, accru pour un tiers des sondés, enregistre la hausse la plus spectaculaire avec +13%. A l'opposé, les livraisons de repas et les commandes sur Internet sont en net recul, avec des baisses respectives de 8 et 22 points du pourcentage de sondés affirmant y avoir davantage recours.
Le prix, critère d'achat décisif
Période inflationniste oblige, le prix est le critère le plus important dans l'acte d'achat: il l'est pour 98% des Français et s'avère même décisif pour 65% d'entre eux. Les sondés sont également 96% à accorder de l'importance à la qualité, juste devant la promotion (89%) qui est décisive pour 37% des Français. Lors d'un achat en ligne, les promotions sont aussi un critère d'importance majeur (pour 42% des personnes interrogées) bien que les prix bas restent le critère prépondérant (60%), la livraison rapide complétant le podium (41%).
Preuve du caractère durable de cette attention accrue accordée aux prix, 94% des sondés indiquent qu'ils y seront plus attentifs dans les prochaines semaines tandis que 88% rechercheront davantage de promotions et 86% utiliseront des cartes de fidélité. Autre levier comportemental face à la baisse du pouvoir d'achat, plus de 40% des Français envisageaient début juin de réduire leurs dépenses en achats plaisir et restaurant dans les prochains mois. Ils étaient plus d'un sur trois à l'envisager pour dépenses de vêtements, de vacances et de loisirs. Si les perspectives de dépenses sur ces postes sont revues à la baisse, c'est car les Français anticipent des dépenses à la hausse pour l'alimentation (55% d'entre eux) ou encore l'énergie (44%) dans les prochains mois.
Leclerc et Amazon en tête des enseignes
Face à une inflation alimentaire certes en phase de décélération mais qui reste forte, les grandes enseignes sont devenues un acteur majeur du quotidien des Français. Et pour preuve, 65% des sondés effectuent leurs achats alimentaires dans des supermarchés, 52% dans des hypermarchés. Mais ils n'hésitent plus à faire jouer la concurrence et aller voir ailleurs puisque sur les 41% qui reconnaissent avoir changé leurs habitudes dans le choix de supermarché, 64% le justifient par des meilleurs prix, 38% par l'utilisation d'une carte de fidélité et 36% par davantage d'offres commerciales et de promotion. 71% des Français préfèrent d'ailleurs le support papier des catalogues pour être informés sur les prix et offres promotionnelles.
Dans cette quête des meilleurs prix, il est là aussi logique de voir Lidl et Leclerc ressortir en tête des enseignes alimentaires les plus fréquentées au cours des derniers mois, pour plus de la moitié des sondés. A noter cependant que Leclerc a les faveurs des Français puisque 28% lui accorde leur préférence, une proportion deux fois plus conséquente que pour n'importe quelle autre enseigne. Si Lidl est l'enseigne qui satisfait le plus les Français en matière de prix (87%), Leclerc remporte le duel grâce à une meilleure satisfaction sur tous les autres critères (choix des produits, facilité d'accès, promotions, expérience client, marque et notoriété et délais de livraison).
Dans la catégorie non-alimentaire, c'est Amazon qui arrive en tête des enseignes les plus fréquentées (47% des sondés) et préférées des Français (23%), devant Action (32% et 10%) et Decathlon (29% et 7%). Cependant, l'écart de degré de satisfaction entre le géant américain et ses deux poursuivants est particulièrement réduit, Action s'illustrant en matière de prix quand les magasins Decathlon bénéficient d'une facilité d'accès et d'une notoriété plus forte auprès des sondés.
Témoins de la "bataille" entre industriels et acteurs de la grande distribution, les Français sont près d'un tiers à faire confiance aux discounters et distributeurs traditionnels pour leur permettre d'acheter au meilleur prix. C'est d'ailleurs la principale attente qu'ils ont vis-à-vis des enseignes: un engagement sur les prix (73%), loin devant le soutien aux agriculteurs français (45%). Ainsi, 69% des sondés attendent que les enseignes communiquent sur leurs engagements en matière de prix et 52% sur leurs actions de soutien au pouvoir d'achat des Français.