"C'est un programme assez cocasse": Comment le monde économique juge le projet du RN

Éric Ciotti et Jordan Bardella lors d'un grand oral face aux patrons ce jeudi 20 mai 2024 à Paris - JULIEN DE ROSA / AFP
Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella s'est posé jeudi en défenseur du pouvoir d'achat tout en voulant rassurer sur les dépenses publiques, devant les organisations patronales. Il a toutefois maintenu le flou concernant les retraites dans son programme dont voici les principaux points.
Finances publiques
Critiqué par le gouvernement pour des promesses dispendieuses au moment où les finances publiques se portent mal, Jordan Bardella a voulu afficher "un esprit de responsabilité" devant les patrons réunis à Paris.
Le président du RN a promis de réaliser "un audit" des comptes publics pour y remettre "de l'ordre", identifier "des sources d'économies" et déterminer "les capacités financières mobilisables pour réformer".
Parmi les économies possibles, il a évoqué la lutte contre la fraude et les "strates administratives", et les dépenses sociales liées à l'immigration. Son objectif: revenir à "la raison budgétaire" et stimuler la croissance, dans un cadre qu'il veut protectionniste.
Pour le Medef, première organisation patronale française, les propositions du RN comme celles de la coalition de gauche du Nouveau Front populaire sont "dangereuses" pour l'économie.
Moins d'impôts
Jordan Bardella promet la suppression de la CVAE, un impôt de production pesant sur les entreprises, des augmentations salariales exemptées de cotisations patronales jusqu'à un certain seuil (pour un coût croissant allant jusqu'à 12 milliards d'euros en 2029 selon l'Institut Montaigne) ou encore un nouveau fonds souverain garanti par l'Etat.
Le patron du parti d'extrême droite n'a toutefois pas détaillé comment il comptait financer ces promesses, si ce n'est la suppression de niches fiscales (notamment celle des armateurs) et la réduction de "deux à trois milliards d'euros" de la contribution de la France au budget de l'Union européenne.
Economiste chez Asterès, Sylvain Bersinger juge "assez cocasse" que le candidat se pose en garant de la stabilité budgétaire avec "un programme qui dépense au moins des dizaines de milliards d'euros dans tous les sens" et "que quelques très maigres recettes".
Baisse de la TVA
Le RN a fait du soutien au pouvoir d'achat l'une des clés de voûte de son programme. Il promet de baisser les factures d'électricité et de réduire à 5,5%, contre 20% actuellement, la TVA sur le gaz, les carburants et le fioul.
Le parti à la flamme estime le coût de cette mesure à 12 milliards d'euros, tandis que la majorité présidentielle la chiffre à presque 17 milliards et l'Institut Montaigne, un think thank libéral, à 11,3 milliards par an. Son application serait d'autant plus compliquée qu'elle impliquerait des négociations difficiles avec Bruxelles.
Le RN a en revanche relégué à "un second temps" sa promesse de baisser la TVA sur les "produits de première nécessité" pour un coût qui atteindrait, selon Bercy, 7 milliards d'euros.
Le taux de TVA réduit de 5,5% s'applique déjà sur certains produits, tels que les denrées alimentaires et les boissons non alcoolisées vendus dans le commerce, les livres, les préservatifs ou encore les protections hygiéniques.
En septembre 2023, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) avait jugé inefficace de baisser le taux de la TVA pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages.
"Les précédentes expériences de baisse de taux montrent que leur coût est élevé pour les finances publiques, leur effet sur les prix à la consommation est incertain, et une large partie des baisses est captée par les entreprises", avait souligné cet organisme rattaché à la Cour des comptes.
Retraites
Jordan Bardella a renouvelé sa promesse d'ouvrir une possibilité de départ à 60 ans pour les personnes ayant commencé à travailler avant 20 ans et ayant cotisé 40 ans, une mesure qui serait mise en oeuvre "dès l'automne".
Mais pour ce qui des autres salariés, il a gardé le flou. La détermination du nouvel âge de départ en retraite "me sera donnée par la possibilité budgétaire" qui ressortira de l'audit des finances publiques prévu en cas d'arrivée à Matignon, a-t-il expliqué.
"On n'a absolument pas compris quel serait le calendrier et la réalité" de l'abrogation de la réforme, a commenté le président du Medef, Patrick Martin.
Impôt sur la fortune
Comme proposé par Marine Le Pen avant lui, Jordan Bardella souhaite instaurer un "impôt sur la fortune financière" en lieu et place de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui a lui-même remplacé en 2018 l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
"Je souhaite décharger la pierre et l'immobilier de fiscalité pour mettre cette pression fiscale, avec les mêmes barèmes, sur les transactions financières. Je veux une fiscalité juste", a-t-il déclaré sur CNews.
Actuellement, l'IFI concerne les personnes détenant un patrimoine immobilier net supérieur à 1,3 million d'euros, avec un abattement de 30% pour la résidence principale.
