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Qui serait concerné par la retraite à 60 ans, l'engagement de Jordan Bardella pour les carrières longues?

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Le président du Rassemblement National a conditionné le retour au départ à 62 ans à l'état des finances publiques mais il compte bien assouplir le dispositif des carrières longues pour les personnes ayant commencé à travailler avant 20 ans.

Que ferait un gouvernement Rassemblement National (RN) concernant les retraites? La question a une nouvelle fois été posée ce jeudi à Jordan Bardella lors de son audition devant le Medef. Et la question a son importance puisque les retraites représentent, de très loin, le plus important poste de dépenses publiques avec plus de 330 milliards d'euros par an.

Un système qui plus est largement déficitaire puisqu'entre 2002 et 2023, les pensions versées aux retraités du privé et du secteur public ont dépassé les cotisations de plus de 1.000 milliards d'euros, selon les calculs de l'institut Molinari. Et malgré la réforme de 2023, le système n'est toujours pas à l'équilibre avec un déficit attendu de 5,8 milliards d'euros pour cette année, selon le Conseil d'orientation des retraites. Et encore c'est sans compter les subventions publiques compensant chaque année le déséquilibre des retraites des fonctionnaires.

Une promesse qui dépend de la dette

Dans ce contexte donc le RN avance ces propositions. Le président du parti écarte déjà tout nouveau report de l'âge de départ au-delà des 64 ans qui permettrait de réduire le déficit chronique.

Compterait-il pour autant revenir aux 62 ans d'avant la réforme? Sur ce point, Jordan Bardella semble ne pas vouloir s'engager.

"Nous avions fixé la progressivité à 62 ans dans le projet présidentiel de Marine Le Pen qui prenait en compte un état financier du pays qui avait 300 milliards d'euros de dette en moins", a-t-il affirmé au Medef ce jeudi.

Entre le premier trimestre 2022 et la fin de l'année 2023, la dette publique a certes progressé, mais plutôt de 200 milliards d'euros, selon l'Insee. Une hausse en partie mécanique du fait de la hausse des taux d'intérêt dans un contexte d'inflation et en partie liée à des choix budgétaires (les 100 milliards d'euros d'aides aux ménages pour limiter les hausses de prix de l'énergie).

"Il enterre le retour à 62 ans"

Jordan Bardella dit attendre d'avoir "connaissance des marges budgétaires qui seront en [sa] possession pour donner un calendrier" d'un éventuel retour à 62 ans.

"Les marges budgétaires, il les connaît puisqu'il parle de la dette, raille un économiste. Selon moi, il enterre tout simplement sa retraite à 62 ans mais ne veut pas le dire pour ne pas se mettre à dos ses électeurs."

Il est un point sur lequel le candidat s'engage en revanche, c'est celui des carrières longues. Il a confirmé ce jeudi qu'il souhaitait que "ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans puissent partir à 60 ans avec 40 annuités". Une mesure qu'il chiffre à 1,6 milliard d'euros et que son gouvernement financerait en supprimant l'aide médicale d'État.

Le dispositif de retraite anticipée existe depuis 2004. Il permet à des personnes ayant commencé à travailler tôt de partir plus tôt que l'âge légal. Selon les dernières données officielles de l'Assurance retraite, ce sont 129.500 personnes qui en ont bénéficié en 2022.

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Ce nombre est en baisse depuis 2017 du fait de plusieurs mécanismes. D'abord un effet dit "Lura" qui permet à certains assurés de liquider leur pension dans un autre régime. Mais surtout le durcissement des conditions nécessaires pour bénéficier d’une retraite anticipée avec un allongement progressif du nombre de trimestres requis ainsi que les coefficients minorants le montant des retraites complémentaires mis en place au sein de l'Agirc-Arrco en 2019.

Difficile de savoir combien de Français seraient concernés par cette réforme des carrières longues voulue par le RN, en l'état des informations fournies par le parti. Mais avec un assouplissement des conditions, un éventuel gouvernement RN créerait un appel d'air sur ce dispositif. Les départs anticipés avaient ainsi concerné en 2016 (année où les conditions étaient plus souples) plus de 171.000 personnes, selon la Drees, soit 23% du total des départs (contre 18% en 2022).

En se basant sur le nombre de nouveaux retraités en 2023, soit 919.000 selon l'Assurance retraite, ce sont ainsi potentiellement plus de 210.000 personnes qui pourraient bénéficier d'un système carrière longue assoupli en prenant les mêmes ratios qu'en 2016.

Pour rappel, la réforme de 2023 a relevé de manière progressive l'âge de départ de 60 à 62 ans pour les personnes ayant commencé à travaillé avant 20 ans. Ces personnes ont aussi vu leur nombre de trimestres cotisés requis augmenter selon leur année année de naissance.

Pour faire simple, les personnes nées à partir de 1965 doivent avoir cotisé 172 trimestres (43 annuités) pour bénéficier du dispositif et partir à l'âge de 60 ans et 9 mois selon le calendrier actuel. Pour celles nées en 1970 (première génération concernée par le rélèvement à 62 ans), le départ pourra s'effectuer en 2032 avec 172 trimestres cotisés.

Une mesure juste?

Reste un dernier point. Assouplir ce dispositif carrière longue est-il une mesure juste? Une étude de l'Institut des politiques publiques (IPP) a montré en 2023, à rebours d'une croyance répandue, que les bénéficiaires d'une retraite anticipée pour carrière longue avait une espérance de vie semblable voire légèrement supérieure à celle des autres retraités non-invalides et semblent même moins souvent en situation de handicap.

Deux raisons expliquent cet étonnant résultat: d'abord le fait que ceux qui bénéficient de ce dispositif sont ceux qui ont cotisé sur une longue période et qui ont donc moins été confrontés à des problèmes de santé durant leur carrière. Et enfin car les retraites anticipées sont loin de ne concerner que les salariés les moins qualifiés.

"Il peut s’agir également de personnes ayant fait des études courtes, voire des études longues combinées à des jobs d’été ou des boulots étudiants ayant permis de valider le nombre requis de trimestres avant la fin de l’année des 20 ans", explique l'IPP dans sa note.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco