"2 euros le kg de porc": dans les supermarchés la guerre des prix continue malgré la colère des agriculteurs

Le nombres de produits en promotions a chuté de 6,5% en 2023 en grande distribution. - AFP
Les distributeurs se font plutôt discrets depuis deux semaines. Dans la dernière ligne droite des négociations commerciales, on aurait pu s'attendre à assister à un ballet des patrons du secteur sur les plateaux de télévision afin de mettre un dernier coup de pression sur leurs fournisseurs. Dans un contexte où le pouvoir d'achat reste une préoccupation majeure des Français.
Mais la colère des agriculteurs est passée par là et les médiatiques patrons de la distribution font profil bas. A commencer par Michel-Edouard Leclerc dont les magasins ont été particulièrement ciblés lors du mouvement.
Les enseignes sont accusées de n'avoir que faire de la souveraineté agricole française en allant se fournir là où c'est le moins cher. Et surtout de se faire la guerre sur les prix pour enclencher un mouvement de déflation.
Concernant le premier point, le patron de Lidl Michel Biero a tenu à s'expliquer ce jeudi sur BFMTV à propos des produits achetés de plus en plus à l'étranger comme les tomates.
Lidl défend ses tomates
"Mais si je ne les vends pas, mes concurrents vont les vendre et mes clients vont se diriger chez mes concurrents, assure-t-il. On essaie, chaque fois que c'est possible, et notamment l'été lorsque c'est la pleine saison des tomates, de faire que de la tomate française. On joue le jeu au maximum."
Concernant les promotions accusées de tirer les prix par le bas, le mouvement des agriculteurs n'a pas entraîné de moratoire de la part des enseignes. Les catalogues (préparés des semaines à l'avance) sont sortis comme chaque semaine avec leurs lots de prix barrées, de "un offert pour deux achetés" et de tarifs très attractifs.
Même une enseigne comme Biocoop qui met pourtant en avant sur son site ses nombreux engagements (dont le soutien aux revenus des agriculteurs français) a été prise pour cible ce jeudi. Dans une vidéo de La Provence, on peut y voir des producteurs en colère déversant des détritus devant la centrale d'achat de Noves dans les Bouches-du-Rhône pour dénoncer la pression sur les prix et les promotions pratiquées.
"Depuis trois jours j'ai des brocolis, ils ne m'achètent pas et la semaine prochaine, ils imposent une promotion, c'est ou j'accepte ou je jette ma marchandise, raconte un producteur de L'Isle-sur-la-Sorgues à La Provence. Ils ont les mêmes pratiques que la grande distribution."
Dans la grande distribution justement, un petit tour des catalogues mis en ligne sur le site de Bonial cette semaine permet de tomber sur des offres plutôt alléchantes.
Porc, farine, beurre...
Chez Auchan par exemple avec cette épaule porc proposée cette semaine à 2,45 euros. Ou Carrefour Market qui fera la semaine prochaine une offre encore plus basse avec la caissette de 2 kg d'épaule à 3,99 euros (2 euro le kg). A ce prix-là, il ne s'agit évidemment pas de viande française.
Certes la filière du porc s'est bien relevée de ses précédentes crises et ces quelques produits d'appel ne nuiront pas aux éleveurs français.

Sur la farine en revanche, il s'agit bien d'un produit français de la marque Francine que Carrefour propose à prix cassé en cette semaine de la Chandeleur. 1,57 euro le format familial de 2 kg, soit 78 centimes le kg. Les céréaliers français ne sont pas les plus à plaindre des agriculteurs mais ils craignent toutefois que les importations ukrainiennes poussent les prix à la baisse.

Direction Intermarché cette fois où une promotion sur le beurre ramène le prix au kilo à des tarifs qu'on n'avait plus vu depuis trois ans. A 7,33 euros au kg avec cette offre "-60% sur le deuxième", le beurre Président gastronomique du français Lactalis est bien plus bas que les 11 euros au kilo pratiqués ailleurs.

Pas de pommes chiliennes chez Lidl comme on en voit de plus en plus dans la grande distribution mais une promo particulièrement juteuse sur ces Golden françaises. Généralement vendu autours de 3 euros le kg, le discounteur la propose cette semaine au tarif particulièrement agressif de 99 centimes. Pas de quoi rémunérer probablement le producteur qui les vend en tant normal aux alentours de 40 centimes le kg quand le prix de vente final est de 2,50-3 euros dans les grandes surfaces.

De la pintade au prix du poulet. C'est ce dont les porteurs de carte de fidélité bénéficieront ce week-end en allant faire leurs courses chez Auchan. Il s'agit bien d'une volaille française Label Rouge qui sera vendue 8,74 euros le kg contre une douzaine d'euros en général comme ici chez Carrefour.

Les exemples sont ainsi nombreux et la grande distribution n'est pas la seule responsable. Il faut rappeler qu'après deux ans de forte inflation, la priorité des consommateurs est d'obtenir des prix bas pour retrouver du pouvoir d'achat. Les enseignes sont passées en quelques jours à peine d'une injonction à une autre.
De plus, la loi Egalim est censée protéger les revenus des agriculteurs, ce que n'a pas manqué de rappeler Michel-Edouard Leclerc lors de sa seule apparition depuis le début du mouvement des agriculteurs.
Le nombre de produits en promotions a chuté de 6,5% en 2023 en grande distribution. er", indiquait le dirigeant la semaine dernière chez nos confrères du Figaro. Tout en soulignant que les "21% d'inflation qu'ont connues les consommateurs en deux ans, j'espère que ça a profité à l'agriculture".
Les contrôles des agents de la DGCCRF ont été renforcés ces derniers jours, a annoncé Bruno Le Maire. Tant du côté des industriels que des distributeurs. Les contrats d'achat des matières premières agricoles sont épluchés et quatre industriels sont à date concernés par des procédures de pré-injonction qui pourraient conduire à des sanctions.
