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Affaire Geneviève Legay: le commissaire ayant ordonné la charge conteste sa responsabilité

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Geneviève Legay, une militante d'Attac avait été grièvement blessée le 23 mars 2019 lors d'une charge de policiers ordonnée pour disperser une manifestation interdite de "gilets jaunes".

Quand sa chute s'affiche sur les écrans du tribunal, Geneviève Legay, détourne le regard. Le commissaire Souchi, jugé depuis ce jeudi 11 janvier à Lyon pour avoir ordonné une charge "inadaptée" à l'origine des multiples fractures de la septuagénaire, amorce, lui, sa défense.

Ce 22 mars 2019, à Nice, la porte-parole départementale d'Attac participait à une manifestation interdite de "gilets jaunes", quand elle a été renversée par un policier lors d'une charge destinée à disperser la foule.

Fait rare, l'agent qui l'a bousculée n'est pas renvoyé devant la justice. Seul le commissaire divisionnaire Rabah Souchi, 54 ans, doit, en tant que "chef tactique" du dispositif sécuritaire, répondre de "complicité de violence par une personne dépositaire de l'autorité publique".

Commentant les images de la chute, projetées sous tous les angles dès l'ouverture du procès, le commissaire a décrit cet agent, major de la compagnie départementale d'intervention (CDI), comme un homme "qui se détache de l'action collective".

"Elle est poussée individuellement par quelqu'un qui doit conduire sa section", assure-t-il encore.

Quelques minutes plus tôt, le tribunal avait diffusé une courte interview réalisée en début de rassemblement de Geneviève Legay, revendiquant son militantisme et brandissant un drapeau arc-en-ciel "de la paix".

Près de cinq ans après les faits, qui avaient fait couler beaucoup d'encre, elle garde des séquelles, mais reste engagée à faire valoir sa cause. A son entrée au palais de justice, elle a souhaité que "justice soit faite".

Une "hérésie judiciaire"

Ses soutiens qui s'étaient donné rendez vous devant la Bourse du Travail de Lyon où Attac organise une journée de réflexion sur le thème des violences policières l'ont accompagnée ce jeudi matin jusqu'au tribunal.

Ses avocats, Me Arie Alimi et Mireille Damiano dénoncent à la fois "la brutalisation du maintien de l'ordre" et "la mutation de la doctrine du maintien de l'ordre", tout en se félicitant que l'affaire arrive devant les juges. "Beaucoup de dossiers de violences policières n'arrivaient pas à leur terme et là c'est le cas", a souligné jeudi Me Damiano.

Mais pour l'avocat du policier qui risque cinq ans de prison, le procès est une "hérésie judiciaire".

Rabah Souchi "a donné un ordre qui a été mal exécuté" et il n'est pas responsable des actes individuels, a déclaré, Me Laurent-Franck Lienard, qui compte plaider "évidemment", la relaxe de son client.

Il a également interrogé le tribunal pénal sur sa compétence à juger de la charge, une "décision administrative" qui devrait être d'abord jugée par la justice administrative, selon lui. La question a été jointe au fond du dossier.

"Dépaysée"

Au plus fort du mouvement des "gilets jaunes", les images de la manifestante inanimée à terre avaient suscité des remous, nourris par l'impression que les autorités tentaient d'étouffer le scandale.

Le procureur de la République de Nice avait en effet démenti le jour même tout contact entre la victime et les forces de l'ordre. Une version endossée ensuite par le président Emmanuel Macron dans un entretien avec Nice-Matin.

Quatre ans de procédure dépaysée à Lyon ont permis de reconstituer le déroulement des faits minute par minute, à partir de photos et de vidéos, ainsi que des auditions de toute la chaîne de commandement.

Les enquêteurs ont conclu que Geneviève Legay avait été renversée pendant la charge d'une colonne de la CDI.

Et les juges d'instruction ont estimé que seul le commissaire portait une responsabilité pénale dans une charge qui n'était "ni nécessaire, ni proportionnée au regard du but à atteindre: disperser une foule calme composée de manifestants pour certains âgés, de journalistes et de simples badauds".

La France a été cette année plusieurs fois rappelée à l'ordre par l'ONU et le Conseil de l'Europe pour "usage excessif de la force" par ses forces de l'ordre. Ce que Paris a systématiquement contesté.

A. La. avec AFP