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Procès de Jean-Marie Bernard: du matériel de golf aux nuits d'hôtels, ce qui a alerté la Chambre régionale des comptes

Jean-Marie Bernard, président du conseil départemental des Hautes-Alpes, le 20 octobre 2017 à Marseille (Bouches-du-Rhône).

Jean-Marie Bernard, président du conseil départemental des Hautes-Alpes, le 20 octobre 2017 à Marseille (Bouches-du-Rhône). - BFM DICI

Ce mercredi 4 décembre, Jean-Marie Bernard est jugé, entre autres, pour "favoritisme", "prise illégale d’intérêt" et "détournements de fonds publics". BFM DICI vous propose une série d'articles pour comprendre cette affaire. Premier volet: les dépenses de fonctionnement du département pointées du doigt par la Cour régionale des comptes. Matériel de golf, nuits d'hôtels... Le président du conseil départemental des Hautes-Alpes est accusé d'avoir utilisé l'argent public à des fins personnelles.

Jean-Marie Bernard a-t-il utilisé l’argent du conseil départemental des Hautes-Alpes à des fins personnelles? C’est ce que vont chercher à savoir les juges de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lyon ce mercredi 4 décembre. Chargés de débusquer les failles dans des dossiers financiers complexes, ces magistrats s’appuieront tout d’abord sur un rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) pour poser leurs questions à Jean-Marie Bernard, président de la collectivité depuis le 2 avril 2015.

Dans ce document rendu public en juillet 2019, la CRC pointe des irrégularités dans le fonctionnement du conseil départemental entre 2012 et 2017. Elle évoque "certaines pratiques paraissant étrangères à l’intérêt départemental, voire contraires à la déontologie applicable aux élus".

Et la chambre régionale des comptes de formuler cinq reproches: des achats contestables de matériels de golf, des dépenses de nuits d’hôtels, le cumul du remboursement de frais kilométriques, le paiement de carburant pour le véhicule personnel du président Bernard et enfin l’ascension rapide de son épouse.

Le procès de Jean-Marie Bernard est à suivre en direct ce mercredi sur le site de BFM DICI.

Du matériel de golf pour usage personnel?

Concernant le matériel de golf, la chambre régionale des comptes s’étonne dans son rapport de l’achat de "cadeaux protocolaires" auprès de la marque Srixon.

La chambre relève que l’achat, entre 2015 et 2017, du matériel de golf par le directeur de cabinet du président, Fabrice Hurth, et son enregistrement à un compte autre que celui de relations publiques laissent présumer "qu’il était destiné à un usage personnel".

La faible quantité, d’un à quatre exemplaires, la nature des achats (sacs de golf et de voyages, pack balles de golf-casquettes de golf etc) et l’absence de traçabilité de leur utilisation interrogent la CRC "sur la bonne utilisation des deniers publics".

De son côté, le conseil départemental des Hautes-Alpes a expliqué que cette dépense était une dotation destinée à une compétition annuelle de golf organisée conjointement par la collectivité et l’ADDET (Agence départementale de développement économique et touristique) dans le cadre d’un "challenge des entrepreneurs".

Trois nuits d'hôtels dans "l’exercice courant de ses fonctions"

Au sujet des nuits d’hôtels payées par le département, la CRC en relève trois en 2016. La première était dans le Jura, au Golf Hôtel Resort du domaine du Val-de-Sorne le 9 juin pour un montant de 134 euros. Selon le certificat administratif, ce séjour correspond à une visite des usines "signaux Giraud", co-contractant du département, et à l’évènement "Made in Jura" le 9 juin.

La deuxième nuit a été prise à l’hôtel Josse d’Antibes, le 25 août, pour un montant de 202 euros dans le cadre de la rencontre avec le président du département des Alpes-Maritimes.

Enfin, la dernière nuit d'hôtel relevée par la chambre régionale des comptes a été prise le 17 septembre à l’hôtel Roi René d'Aix-en-Provence, pour un montant de 183 euros. Un déplacement qui fait suite à une invitation du magazine "Montagne Leaders", pour participer à une compétition de golf et à un concours de pétanque du 15 au 17 septembre.

Pour la CRC, l’intérêt public de ces déplacements ne paraît pas avéré "dans la mesure où le président n’a pas reçu de mandat spécial pour une mission autorisée par l’assemblée délibérante dans l’intérêt des affaires du département". De son côté, le conseil départemental explique sur ce point que le président n’avait pas besoin de mandat spécial pour ces déplacements parce qu’ils relevaient "de l’exercice courant de ses fonctions".

10.000 euros de frais kilométriques en deux ans

Sur les frais de déplacement entre le logement de Jean-Marie Bernard dans le Dévoluy et son bureau, la CRC écrit dans son rapport qu’ils ont coûté 4.972 euros seulement en 2016 et 5.398 euros pour l'année 2017. Or, les indemnités kilométriques ont été autorisées par délibération du 14 mars 2017 uniquement dans le cadre de mandats spéciaux ou pour les frais de séjour.

"Les déplacements quotidiens du président dont la motivation parait vague et imprécise ne correspondent manifestement pas à des déplacements pour se rendre à l’une ou l’autre des six réunions annuelles de l’assemblée départementale ou des sept réunions de commission ou d’autres instances départementales", souligne la CRC.

L’existence d’un logement de fonction au sein du siège du département "rend d’autant moins pertinents ces remboursements journaliers, qui sont par conséquent irréguliers", poursuit la chambre.

En plus de ces remboursements de frais kilométriques, le président du conseil départemental utilisait aussi une carte-carburant. Au total: 2.070 euros dépensés en 2016 et 2.962 euros en 2017. Des dépenses encore une fois injustifiées selon la CRC.

"En 2016, la consommation en carburant du président a été de 1.730 litres soit l’équivalent de 25.000 à 34.000 kilomètres, ce qui représenterait entre 377 et 277 aller-retours entre Gap et sa résidence familiale, soit environ 100 et 200 allers-retours supplémentaires à ceux déclarés au titre des indemnités kilométriques" calcule la chambre dans son rapport. Elle suspecte ainsi Jean-Marie Bernard d’avoir utilisé la carte-carburant du département pour ses trajets personnels.

"Des erreurs de procédure" pour une promotion interne

Enfin, concernant la promotion de l’épouse de Jean-Marie Bernard au sein du conseil départemental, la CRC suspecte un manquement de la part du président. C’est lui qui, en personne, a signé l’arrêté de promotion, ce qui relève pour la chambre d’un possible conflit d’intérêt.

"En nommant par promotion interne son épouse à un grade supérieur, le président des Hautes-Alpes n’a pas rempli certaines conditions correspondant à la charte de l’élu local qui doit exercer ses fonctions avec impartialité", estime la chambre régionale des comptes.

La CRC souligne aussi que la collectivité comptait au total 158 agents pouvant bénéficier de la même promotion en 2017. Jean-Marie Bernard a toujours contesté avoir favorisé sa conjointe "dont les compétences ne sauraient être mises en cause", reconnaissant cependant "des erreurs de procédure".

En 2019, dès qu’il a pris connaissance de ce rapport, le procureur de la CRC a effectué un signalement auprès de son homologue de Gap qui a immédiatement ouvert une enquête, avant de se dessaisir au profit de la JIRS de Lyon qui a mené durant plus de deux ans des investigations pour "détournement de fonds par personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public", "recel" et "complicité".

Avant le début du procès de Jean-Marie Bernard ce mercredi 4 décembre, retrouvez tous les jours des articles consacrés aux différents volets de l'affaire.
Ce lundi sur BFM DICI: la voiture personnelle du président a-t-elle été payée par le département?

Valentin Doyen