"On n'en peut plus": les résidents d'un immeuble de Gap vivent dans des appartements à 15°C

À 10 heures du matin, il fait sombre dans l’appartement, les volets sont fermés, les aérations au-dessus des fenêtres sont bouchées avec du scotch. Autant de techniques des habitants pour éviter de perdre la chaleur accumulée dans l’appartement, et pourtant le thermomètre affiche seulement 14°C.
Cette situation, c’est ce que vit Jacqueline Moos, locataire d’un appartement au dernier étage du bâtiment E des Coteaux du Forest, à Gap. Un problème que la retraitée de 65 ans observe déjà depuis plusieurs années, mais qui a encore empiré.
"Je n’en peux plus, l’appartement est complètement vétuste. Tout est mal isolé et les résistances du chauffage au sol sont foutues. On le sait, quand le chauffage est allumé, je sens les endroits où ça marche encore", explique-t-elle à BFM DICI.
Des factures trop lourdes, les résidents à bout
Depuis le 3 janvier, une entreprise, envoyée par l'Office public de l'habitat (OPH) des Hautes-Alpes, le bailleur social de l’immeuble, est venue faire des relevés dans certains appartements. Aucun retour n’a été fait aux habitants depuis cette visite.
Jacqueline a donc décidé de prendre les choses en main: "Je suis allée frapper à toutes les portes. Je parle au nom de tout le monde: on n'en peut plus, ça atteint le moral de tout le monde. Certaines personnes qui m’ont ouvert leurs portes étaient habillées avec leur manteau et leur bonnet."
Pour Samia*, mère de deux enfants, c’est un enfer de voir ses enfants dans cette situation: "Nous on peut supporter, mais les enfants, ils ne veulent plus manger dans la cuisine, ni se doucher. On dort tous ensemble dans le salon pour se tenir chaud", s’indigne la jeune mère.
Contre les courants d’air sous les fenêtres et l'humidité, chacun a ses techniques. Certains dorment avec plusieurs couches de vêtements et de couvertures face au froid. D’autres, comme Patricia, multiplient les bouillottes: "Et j’ai une couverture chauffante en plus. Malgré tout ça, je me réveille toutes les heures à cause du froid", déplore-t-elle.
Pour beaucoup de résidents, les factures de chauffage envoyées par l’OPH 05 sont indécentes. "J’aimerais qu’on m’explique: je paie 110 euros pour le chauffage collectif tous les mois, mais mes thermomètres affichent rarement plus de 16°C dans mon appartement", dénonce Patricia. David*, quant à lui travailleur dans le bâtiment et père d’un jeune garçon, s’indigne: "Qu’ils nous coupent le chauffage, je préfère garder mon argent et me couvrir plus."
Pas de réponse de l'OPH
Ces températures, en plus d'altérer la santé mentale des résidents, fragilisent des personnes déjà vulnérables. "Je suis retraitée, j’ai de l’arthrose... Quand je reste trop longtemps chez moi, les douleurs sont insupportables. C’est une angoisse d’être dans ma maison je fais tout pour partir le plus souvent possible", confesse Patricia.
Plus bas, dans un appartement du rez-de-chaussée, un locataire est alité dans un lit médicalisé. Selon Jacqueline, qui a pu discuter avec sa femme, le constat est effrayant: "Il est allongé, perfusé dans un bras et couvert avec trois couvertures, les infirmières qui viennent pour faire sa toilette ont arrêté de le faire parce qu’il fait trop froid chez eux."
À l'OPH 05, malgré plusieurs appels des locataires de l’immeuble, le silence règne au bout du fil. Quand ce ne sont pas des phrases qui servent d’excuses, selon les résidents: "Ils m’ont dit que j’étais la première à appeler pour ce problème, alors que je sais très bien que c’est faux", certifie Patricia. "Ils nous mènent en bateau", ajoute-t-elle.
Contacté par BFM DICI, l’OPH 05, bailleur social des appartements concernés, n’a pas répondu à nos sollicitations.
*Les prénoms ont été modifiés.