BFM DICI
bfmdici

"Le surcroît de travail est considérable": dans les Hautes-Alpes, 237 migrants présents à la frontière sur une semaine

placeholder video
Depuis le 1er janvier 2024, ce sont 2.689 étrangers en situation irrégulière qui se sont présentés à Montgenèvre. Systématiquement ou presque, la police aux frontières les laisse entrer librement.

Chaque jour semble être un éternel recommencement. Il est un peu plus de 11 heures ce mardi 17 septembre lorsqu’une navette italienne marque l’arrêt à Clavière, du côté italien de la frontière. Puis deux, trois, cinq, onze, migrants empruntent la route nationale 94 pour monter à pied jusqu’au territoire français, à Montgenèvre (Hautes-Alpes).

Avant d’arriver jusqu’aux locaux de la Police aux Frontières (PAF), ces hommes et ces femmes sans papiers, parfois accompagnés d’enfants, peuvent être contrôlés par des gendarmes déployés volontairement pour lutter contre l’entrée illégale de personnes immigrées sur le territoire français.

Mais depuis février 2024, ces migrants en provenance d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb se rendent le plus souvent dans les bureaux de la PAF directement. Avant d’en ressortir libre pour se diriger vers Briançon.

"Je suis venu pour travailler parce que dans mon pays, j'ai des problèmes d'argent. C'est pour ça que je l'ai quitté. Et ici, je resterai pour vivre et quand j'aurai mes papiers, je pourrai travailler", témoigne Luan, en provenance du Sud Soudan. Les policiers et gendarmes qui l’entourent ne feront rien. 

Des réadmissions en Italie quasiment impossibles 

Le temps où les services de l’État voulaient "étanchéifier la frontière" semble révolu. La quarantaine de policiers de la PAF de Montgenèvre est littéralement débordée. Aujourd’hui, la situation s’est complexifiée d’un point de vue juridique car les réadmissions en Italie, ou dans le pays d'origine de ces migrants, ne sont quasiment plus possibles.

En février 2024, le Conseil d'État a cassé l'article qui permettait à l'État Français de reconduire les étrangers en Italie. À présent, suite au travail de l'Association pour le droit des étrangers (ADDE), les personnes migrantes entrées illégalement sur le territoire peuvent bénéficier d'un certain délai pour quitter volontairement la France.

En résumé, les policiers ne peuvent que laisser les migrants passer la frontière. "Les policiers ne font qu'appliquer le droit, conforme à celui des étrangers. Vu le nombre de migrants interceptés, le surcroît de travail est considérable", indique une source qui suit cette situation quotidiennement.

Une forte pression, mais des chiffres moins importants qu'en 2023

Les policiers, eux, ne souhaitent pas évoquer ce sujet sensible. La semaine dernière, ce sont 237 migrants qui ont été interceptés à Montgenèvre. L’an dernier, à la même époque, ils étaient 266.

"Effectivement à l'instar des années précédentes, les flux migratoires s'accentuent avant l'arrivée de l'hiver", reconnaît la préfecture des Hautes-Alpes auprès de BFM DICI.

Les chiffres sont sans appel: plus de 2.500 migrants se sont présentés à la frontière depuis le début de l’année. Un chiffre toutefois en baisse par rapport à 2023.

"Depuis le 1er janvier, 2.689 individus en situation irrégulière ont été interceptés à la frontière contre 3.249 l'année dernière sur la même période, parmi lesquels 907 individus se déclarant mineurs non accompagnés contre 496 l'an dernier", indique la préfecture des Hautes-Alpes. Pour combien de reconductions à la frontière? Pas de réponse. 

L'accueil d'un côté, la fermeté de l'autre 

En réalité, il n’y en a quasiment plus aucune, de l'aveu de Chloé Garcia, chargée de l'accueil au Refuge solidaire de Briançon, un lieu accueillant, orientant et accompagnant les demandeurs d’asile.

"Les personnes, quand elles se font contrôler, arrêter, se retrouvent au bureau de la PAF. Et après un bref entretien avec eux, prise d'empreinte, photo également, ils sont relâchés et livrés à eux-mêmes", regrette-t-elle.

Sachant que onze personnes ont trouvé la mort depuis la crise migratoire, c'est une bonne nouvelle pour Michel Rousseau, co-président de l'association Tous migrants. "Toutes ces personnes n'ont plus la peur d'être refoulées illégalement et donc elles se présentent spontanément à la police aux frontières pour pouvoir continuer leur chemin", décrit-il.

De l’aide, des locaux, des moyens, une prise en charge: voilà ce que demandent les bénévoles qui accueillent les demandeurs d’asile. Une position qui tranche avec la position de certains élus de la région.

Ce mardi 17 septembre, le maire de Nice et ancien président de la région Sud, Christian Estrosi, a demandé le rétablissement des contrôles à la frontière italienne de Menton à Montgenèvre. "Ce que la gauche allemande fait pour lutter contre l’immigration clandestine, la droite française doit savoir le faire", écrit l’élu sur le réseau social X. Une position qui fait écho à celle d’Olaf Scholz.

Le chancelier allemand a mis en place le rétablissement des contrôles à toutes les frontières de l’Allemagne à compter du 16 septembre pour six mois, afin de réduire "l’immigration irrégulière".

Arnaud Veyret et Valentin Doyen