L'hôpital de Digne-les-Bains épinglé par la chambre régionale des comptes

Une situation "alarmante". Ce mardi 7 janvier, la chambre régionale des comptes a rendu un rapport sur les finances de l'hôpital de Digne-les-Bains. Une "défaillance de la gouvernance" et l'absence de projet d'établissement sont aussi pointées du doigt.
"Une défaillance de la gouvernance"
Sept recommandations ont été rendues pour redresser le centre hospitalier. Avec donc en tête de gondole la mise en place sans délai d'un projet d'établissement, absent depuis 20 ans, mais pourtant obligatoire.
Des recommandations clés pour l’un des principaux établissements de santé des Alpes-de-Haute-Provence, l'unique disposant d'une offre de soins en psychiatrie, dans un département où les besoins de santé sont importants compte tenu de la population.
En 2023, l'hôpital comptait 467 lits et places. Selon les chiffres de la chambre régionale des comptes et du centre hospitalier lui-même, 1.160 agents travaillaient dans l'établissement en 2024.
Outre le projet d'établissement, les contrats de pôle ne sont également pas mis en place, d'après le rapport. "Une défaillance de la gouvernance et un manque de pilotage" traduits par la production de "quatorze organigrammes différents entre 2018 et 2023".
Ainsi, le message de la chambre régionale des comptes est clair: "l’hôpital doit en priorité renforcer son pilotage stratégique et organisationnel". Une recommandation qui a bien été pris en compte par la direction. "L’établissement a déjà répondu à un certain nombre de recommandations", assure Gilles Duffour, le nouveau directeur du groupement hospitalier de territoire, à BFM DICI.
"D’autres prendront plus de temps, comme l’élaboration d‘un projet d’établissement, mais je m’y attèle. Quand un directeur prend ses fonctions, il faut qu’il observe et qu’il appréhende son périmètre d’action."
Gilles Duffour a pris ses fonctions en novembre dernier, alors que le rapport fait état de la situation de l'hôpital entre 2018 et juin 2024.
"Un défi pour l’établissement"
Concernant le déficit financier jugé "alarmant" par la chambre qui "nécessite un soutien important de l’agence régionale de santé", le nouveau directeur ne nie pas les faits: "la situation financière, c’est un défi pour l’établissement".
"Mais ces difficultés ne sont pas propres au centre hospitalier de Digne-les-Bains", nuance Gilles Duffour. "La plupart des établissements de santé connaissent de telles difficultés que ce soit en région Provence-Alpes-Côte d'Azur ou dans d’autres régions de France ou d’Outre-mer."
Le directeur note aussi "des marges de progrès". "Nous sommes déjà très aidés par l’ARS et c’est important de le dire. On essaye de trouver des solutions ensemble mais on a aussi des efforts à faire et on doit trouver des solutions en termes d’attractivité."
Les bâtiments dégradés
Dans le rapport, il est également souligné que les bâtiments sont, eux aussi, touchés: "le centre hospitalier n’est pas en mesure d’assurer les investissements pourtant nécessaires compte tenu de l’état dégradé de ses bâtiments et des conditions d’accueil et d’hébergement des patients, inadaptées en psychiatrie générale."
Pour la psychiatrie, l'ARS doit financer à hauteur de 70% le schéma directeur immobilier, tandis que les autres 30% doivent être financés par l'hôpital. Le centre hospitalier de Digne-les-Bains est le seul à exercer la psychiatrie dans le département.
Dans ce service, des mesures ont d'ores et déjà été prises, "dans l'immédiat", pour se mettre en conformité, a répondu Gilles Duffour.
Pour le syndicat CGT de l'hôpital, ces problèmes ne sont pas nouveaux. Mais c'est bien l'aspect financier qui les inquiète particulièrement. "J’ose espérer que peut-être l’État, l’ARS, va prendre les mesures qu’il faut au niveau du financement des hôpitaux", souffle Anne-Laure Reynaud, secrétaire du syndicat CGT à l'hôpital de Digne-les-Bains.
"La réalité de l’hôpital aujourd’hui, c’est qu’on est en déficit. Il se cumule tous les ans, on ne peut pas réinvestir, on ne peut pas être attractif."
La maternité menacée
Le rapport évoque aussi les nombreux recours à l'intérim "pour les services urgences, réanimation, maternité et psychiatrie". "Au-delà du déficit d’attractivité que cette situation engendre, l’organisation des services et la sécurité des patients s’en trouvent affectées", estime la chambre régionale des comptes.
Concernant la maternité, la chambre observe également "une fuite de la patientèle vers les maternités du nord des Bouches-du-Rhône." "Depuis 2018, l’hôpital enregistre en moyenne 336 accouchements par an. (...) Le nombre d’accouchements se situe ainsi juste au-dessus du seuil de fermeture (moins de 300 naissances par an)". Une activité "déficitaire", donc, d'après le rapport.
Malgré ces chiffres, la maternité a obtenu le label "l’initiative hôpital ami des bébés" le 21 août 2023, un label international, élaboré par l’Organisation mondiale de la santé et soutenu par l’Unicef.
Le centre hospitalier semble déjà très attentif à ces recommandations et tend à s'améliorer. Ainsi, une instance de contrôle a été instituée depuis le mois de juillet, bien avant la publication du rapport, répondant par ailleurs à la sixième recommandation de la chambre régionale des comptes qui demandait le contrôle de l'utilisation des moyens en espèce et en nature dont bénéficie l’association Les Amis de la Tour.
L'hôpital annonce déjà répondre aux recommandations dès 2025, avec notamment des réflexions sur l'attractivité, la mise en place d'un projet d'établissement ou encore la réorganisation claire de la direction.