JO d'hiver: comment le petit village de Ceillac se transforme pour attirer les plus grandes nations du biathlon

La piste de biathlon de Ceillac - Vincent Renaudie
Depuis l’attribution des Jeux d’Hiver de 2030 pour les Alpes françaises, la station de Ceillac (Hautes-Alpes), qui compte un peu moins de 300 habitants, se met à rêver d’ambitions olympiques. La ville souhaite faire de son nouveau site un camp d’entraînement pour les équipes internationales de biathlon en vue des Jeux.
Cet été, pour la première fois depuis la création de la piste, les meilleures sélections, la Norvège et la France, ont réservé des créneaux pour des stages de préparation d’une dizaine de jours. D’autres nations de haut rang dont la Suède et l’Italie sont "en discussion". Une aubaine pour la commune, qui a, par le passé, déjà accueilli l’équipe française de Géant sur ses pistes de ski alpin.
Une exposition plus rapide que prévu
En plus d'une piste de ski de fond d'environ 50 kilomètres de long, la commune compte un stade de biathlon qui a été ouvert en décembre 2023 après près de deux ans de travaux. L'année suivante, en octobre, ce même stade est devenu opérationnel pour le ski-roues, une discipline pratiquée notamment l'été, grâce à des travaux de revêtement.
Entre juin et la mi-novembre, les athlètes du groupe de Coupe du monde de l’équipe de France ont entre 80 et 90 jours de stage. La sélection a "l’habitude de varier d'endroits d’entraînement" pour la préparation estivale et a donc décidé de découvrir ce dernier pour "aller voir de quoi il en retourne", indique Stéphane Bouthiaux, directeur des équipes de France de biathlon.
Une venue qui a surpris la ville. "À l’ouverture du stade de biathlon, on se disait qu’il allait falloir un certain temps pour que les équipes viennent. Puis, finalement, ça a été beaucoup plus rapide qu’on ne le pensait", se réjouit Jean-Louis Romette, premier adjoint à la mairie de Ceillac. Dès le premier hiver d’ouverture, des clubs locaux et savoyards étaient venus tester la piste.
Une piste qui doit être améliorée pour passer aux normes
Pour Jean-Louis Romette, cette première est forcément vue d’un bon œil pour l'image de la station et de ses nouveaux équipements. Néanmoins, l’adjoint à la mairie est conscient que les conditions actuelles et les moyens de la commune sont restreints. Les caractéristiques du site ont déjà permis à la commune d’accueillir des compétitions régionales junior mais présentent d’importantes limites pour le haut niveau.
Pour pouvoir attirer des sélections internationales sur le long terme et devenir un camp d'entraînement idoine pour les jeux de 2030, des améliorations doivent être apportées. Le site est "loin d’être aux standards internationaux, pour le moment en tout cas", souligne Stéphane Bouthiaux, ciblant notamment la "boucle très insuffisante" et les lignes de tir.
Pour le stage de préparation prévu en juillet, malgré son manque de longueur et de difficulté pour des athlètes de niveau international, le stade "devrait suffire", estime néanmoins le directeur des équipes de France de biathlon.
Les compétitions internationales se jouent sur des terrains qui font un minimum de 3,4 kilomètres de long et qui comportent 30 cibles. Pour préparer au mieux les compétitions internationales, la commune de Ceillac doit ainsi aggrandir le stade actuel qui ne fait que 2,5 kilomètres avec 15 cibles.
Les Jeux, un "facilitateur" pour les travaux
Une extension qui est déjà prévue, mais qui nécessite des financements conséquents. Dans cette quête, l’attribution des Jeux d’hiver pour les Alpes françaises est arrivée comme un "facilitateur", note Jean-Louis Romette.
Ce dernier a pour mission de convaincre les financeurs du stade, à savoir l'État, la région, le département, mais aussi la communauté de communes, d'engager de nouveaux travaux. "Quand je suis parti à Marseille rencontrer mes homologues de la région pour évoquer l’extension du stade, je n’ai rencontré aucune difficulté", retrace-t-il.
Selon l'élu, la somme n’est pas "astronomique" et n’excède pas le million d’euros. Sur le budget voté pour l’année 2024 par la commune, le biathlon représentait néanmoins la troisième dépense la plus importante, avec 260.000 euros d’autofinancement, "représentant 10% du coût total".
En plus des cibles et de l’extension, une bosse plus importante est prévue pour augmenter la difficulté. Une demande formulée expressément par les athlètes, rapporte Éric Randu, moniteur de ski de fond à Ceillac. Pour avoir un terrain homologué, le dénivelé positif doit être au minimum de 150 mètres.
Un cadre naturel favorable
Tous ces travaux vont permettre au site de se calquer sur les pistes de compétitions et ainsi devenir un lieu idéal pour se préparer aux événements mondiaux. D'autant qu'il bénéficie de plusieurs atouts de poids. D'abord en vue des Jeux d'Hiver de 2026, où les compétitions de ski de fond se déroulent à Antholz.
La commune est située à 1.650 mètres de hauteur, soit la même altitude que Ceillac. Ainsi, pour Jean-Louis Romette, l'intérêt des meilleures sélections nationales pour s'entraîner à Ceillac durant l'été 2025 n'est pas anodin et tient d'un coup de pouce du destin.
Dans cette vallée, qui est sur l’ubac du pic de la Saume et reste bien enneigée grâce à sa haute altitude, "on peut faire du très bon ski de fond", assure Jean-Louis Romette. Le cadre favorable offert par le Queyras a également séduit les équipes de biathlon grâce, notamment, aux différentes activités possibles.
"Le terrain de jeux pour les sports outdoor est top là-bas", soutient le directeur des équipes de biathlon de l’équipe de France, citant le vélo, le VTT ou la marche dans les cols et randonnées. "Je connais le coin là-bas, on sait qu’on y trouvera un terrain de jeu favorable pour ce qu’on a à y faire au mois de juillet."
Un pôle quatre saisons
Les travaux diligentés sur la commune ont été réfléchis avec la volonté d’en faire un pôle quatre saisons. "Au vu des aléas climatiques, ça permet de travailler l’hiver quand on a de la neige et dès qu’on en manque, de pouvoir mettre les gens en ski-roues", note Éric Randu.
"Nous, les stations de montagne, nous ne sommes pas aveugles. On n’a pas trop de souci ici avec la neige parce qu’on est assez haut mais on n’ignore pas les changements au niveau climatique, qui sont évidents. L’orientation de nos activités doit ainsi se faire sur les quatre saisons. On veut être attractif l’hiver et la neige nous le permet, mais aussi l’été", poursuit Jean-Louis Romette.
Dans cette volonté, un nouveau circuit VTT est ainsi en construction. Pour assurer une plus grande qualité de services pour les biathlètes, la mairie de Ceillac compte également doter le site d’un local technique, en plus de celui déjà bâti pour le gestionnaire, où les ski pourront être fartés et ou les ski-roues pourront être réparés.
"On n'est pas maîtres des équipes"
Si les conditions d’hébergements sur place sont déjà présentes, la commune va pouvoir compter dans les années à venir sur l’implantation d’un centre UCPA, qui devrait être opérationnel avant les Jeux de 2030. Ce centre va ouvrir avec l’intention "d’orienter très fortement leur activité sur le biathlon", annonce Jean-Louis Romette.
Malgré toutes ces nouveautés, et un stade de biathlon prochainement aux normes internationales, le directeur du Biathlon France, soutient que si le site pourra bientôt accueillir des compétitions nationales, "avoir des ambitions au-delà de ça, je pense que ce sera très compliqué".
Jean-Louis Romette en est pourtant convaincu. "On espère que grâce au stade et ses 30 cibles et trois kilomètres de piste, on va pouvoir attirer les équipes pour qu'elles viennent s'entraîner chez nous." Néanmoins, Eric Randu le rappelle avec lucidité: "On n’est pas maîtres des équipes".