BFM DICI
bfmdici

"Ils nous dérangent": au lac de Gaubert, les castors accusés de perturber la biodiversité par les pêcheurs

Un castor aperçu au marais de Fretin (Nord)

Un castor aperçu au marais de Fretin (Nord) - BFM Grand Lille

En formant des barrages au lac de Gaubert, les castors perturbent les habitudes de certains animaux aquatiques, notamment les truites. Mais l'homme ne peut pas intervenir en retirant les constructions du rongeur, celui-ci étant catégorisé comme une espèce protégée.

“Nous n’avons rien contre les castors.” Posté devant un tas de branchages, au bord du lac de Gaubert, le président de l’association de pêche des Alpes-de-Haute-Provence, Francis Bouvier, réprime un “mais”, pourtant presque audible.

“Vous savez, entame-t-il, à l’association, nous sommes un peu les garants de la bonne santé des milieux aquatiques. Et c’est à ce sujet qu’ils nous dérangent.” Car, lorsqu’ils sortent de leur nid installé à la pointe de l’île centrale du lac, les castors font encore ce qu’ils savent faire de mieux: des barrages

Les frayères menacées

Armés de leurs seules dents, ces animaux-jardiniers rongent les troncs façon taille-crayons, brisent les branches, réarrangent le paysage. Et, dans leur élan décoratif, décident d’ériger de-ci de-là des barrages. Francis Bouvier s’aventure entre les ronces et pointe un cours d’eau douce en marge du lac. Un “adous”, nurserie naturellement choisie par la truite fario pour y pondre ses oeufs.

Entre novembre et janvier, le vertébré remonte le long du courant puis, en balayant avec sa queue les cailloux du fond du lit, crée des frayères, c’est-à-dire des nids, que les mâles tâcheront ensuite de féconder. En disposant son mur de bois, le castor vient à la fois troubler la qualité de l’eau, qui devient boueuse, et barrer le chemin à la truite. 

La preuve en est: en près de trente ans, le nombre de frayères de l’adous de la Marine, à quelques pas du lac de Gaubert, a été divisé par deux. 

“Il y a dualité de lois, et personne pour trancher”

L’affaire se corse. “Selon le code de l’environnement, indique l’ancien médecin, quiconque viendrait détruire les frayères se verrait écoper d’une amende de 20.000 euros. Le castor est une espèce protégée: on ne peut pas détruire ses barrages à tour de bras, on risquerait de l’interrompre dans sa période de reproduction.” 

Résumons: pour ses actes, le castor devrait payer une amende. Parce qu’il est protégé, l’homme ne peut pas venir en aide aux truites, risquant de déstabiliser le rongeur. Francis Bouvier ricane: “Il y a dualité de lois, et personne pour trancher”. 

Lui, pourtant, a une petite idée: “Il suffit d’être attentif au calendrier. De novembre à janvier, nous pourrions empêcher aux castors de faire leurs œuvres. La période de fécondation de la truite fario dépassée, libre à l’animal, qui se reproduit au printemps, de poser des barrages où il le souhaite.”

La demande de dérogation pour espèce protégée rejetée

L’association de pêche a constitué un dossier à l’attention de la direction départementale du territoire afin de demander une dérogation pour espèce protégée, qui lui permettrait de mettre son plan à exécution.

Passé de service en service, le dossier a finalement été rejeté. “Personne ne veut se positionner sur ce cas pratique, regrette l’amoureux de la pêche. En contrepartie, la population de truite continue de diminuer. À nouveau, nous n’avons rien contre les castors, pour qui nous laissons les arbres tombés à disposition.”

Estelle Hottois