Manifestations, incendies, pubs détournées: comment Tesla attise les tensions

Des manifestants du mouvement "Tesla Takedown" contre Elon Musk devant un concessionnaire Tesla à New York, le 1er mars 2025. - AFP
Les prises de positions politiques d'Elon Musk et son rôle de quasi vice-président de Donald Trump entachent clairement l'image de Tesla. La contestation a pris de l'ampleur ces dernières semaines aux Etats-Unis comme en Europe, avec notamment de nouveaux actes de vandalisme visant des véhicules ou des magasins de la marque spécialisées dans les voitures 100% électriques.
Des manifestations contre Tesla et Elon Musk
Des deux côtés de l'Atlantique, on assiste en effet à une certaine montée des tensions: un mouvement d'une certaine ampleur s'est déclenché aux Etats-Unis sous le nom de "Tesla Takedown" (qu'on peut traduire comme "à bas Tesla"), présenté comme pacifiste, avec un appel à manifester devant les magasins de la marque.
"Trouve une manifestation contre Tesla proche de chez-toi, tu n'en vois pas? Crée-là", a par exemple tweeté le groupe Anonymous, avec un lien vers le site officiel de ce mouvement.
Des manifestants se sont ainsi rassemblés devant des concessions Tesla dans plusieurs villes américaines. On peut voir ci-dessous un exemple à Boston, dimanche 9 mars, avec une foule qui chantait des slogans comme "Elon Musk has got to go" ("Elon Musk doit s'en aller" ) et des panneaux appelant à "ne pas acheter les voitures des milliardaires fascistes".
Même scène dans d'autres villes comme New York, où neuf manifestants avaient été arrêtés par la police.
En Allemagne, le soutien pour le moins controversé d'Elon Musk au parti d'extrême droite Afd, après l'épisode du salut nazi, a aussi entraîné son lot de réactions.
Fin janvier, des activistes avaient projeté une image d'Elon Musk bras tendu sur l'usine Tesla de Berlin.
Le patron de la marque américaine, mais aussi du réseau social X (ex-Twitter) avait aussi droit à sa caricature sur un char lors du défilé célébrant le Lundi des roses (Rosenmontag) à Düsseldorf, le 3 mars dernier.

Des Tesla incendiées
En France, des véhicules avaient été incendiés dans une concession Tesla près de Toulouse. Un acte revendiqué par un groupe anarchiste de la région qui se dit contre "les techno-fascistes" et en réponse à l'appel "Accueille le printemps, crame une Tesla" d'organisations diverses d'extrême gauche en Europe.

Quatre voitures ont connu le même sort à Berlin dans la nuit de ce jeudi 13 au vendredi 14 mars, a indiqué la police locale, expliquant ne pas exclure un "motif politique".
Des propriétaires ont en effet signalé des dégradations, du simple dessin au marqueur à ces incendies, ces derniers mois.
Le tweet ci-dessous note ainsi que le mouvement "Tesla Takedown" n'est pas une "manifestation pacifiste", avec plusieurs exemples: une station de superchargeurs incendiées près de Boston, des concessions Tesla visées dans le Colorado et dans l'Oregon. La dernière photo (en haut à droite) est celle du Tesla Store près de Toulouse et donc pas directement liée à ce mouvement aux Etats-Unis.
Contre-feu à la Maison Blanche
Elon Musk a lui-même partagé depuis son compte X des images d'un Cybertruck incendié à Seattle, avec le commentaire "this is crazy" ("c'est fou").
Dans ce contexte, la Maison Blanche a été transformée en concession Tesla éphémère mardi 11 mars dernier. Une manière pour Donald Trump d'afficher sa solidarité avec l'un de ses principaux soutiens.
Les auteurs de vandalisme visant Tesla ont ainsi été qualifiés de "terroristes intérieurs" par Donald Trump qui s'est directement adressés à eux:
"Nous vous attraperons et vous vivrez un enfer", a menacé le président américain.

"C'est terrible qu'autant de violence soit perpétrée contre les employés de Tesla, les supporters de Tesla, les propriétaires de Tesla, les magasins Tesla. Ce sont des innocents qui n'ont rien fait de mal", a de son côté réagi Elon Musk lors de cet événement, où il est s'est engagé à doubler la production de Tesla aux Etats-Unis au cours des deux prochaines années.
Si beaucoup ont critiqué ce mélange des genres d'un président transformé en vendeur de voitures (et en l'occurence d'une marque qui appartient à l'un de ses principaux conseillers), on peut simplement rappeler que les dirigeants politiques, en Europe aussi, soutiennent eux aussi, plus ou moins directement, différents constructeurs via des opérations de communication du genre.
Un goût de revanche aussi d'une certaine manière pour Elon Musk, qui n'avait pas été invité à la Maison Blanche en 2021 pour un événement de promotion des voitures électriques, contrairement à GM, Ford et Stellantis.
Honte (ou fierté) de rouler en Tesla
A l'image du "flygskam", la honte de prendre l'avion, il se développe aussi depuis un certain temps un sentiment similaire sur le fait de rouler en Tesla.
D'abord aux Etats-Unis, puis désormais en Europe, on voit ainsi certains propriétaires ajouter un autocollant "j'ai acheté cette voiture avant qu'Elon Musk devienne fou" sur leur Tesla. Une manière d'afficher leur opposition à certaines idées, mais aussi de potentiellement se prémunir de dégradation avec le message sous-entendu: "je roule en Tesla, mais je ne pense pas comme Elon Musk".

Plus original encore, aux Etats-Unis, certains propriétaires ont changé le logo de leur Tesla par celui d'autres marques comme Mazda ou Honda. L'occasion ainsi de croiser des "Audi A5 Model 3" ou un "Toyota Cybertruck", comme on peut le voir dans la compilation ci-dessous.
Des publicités détournées contre la "Swasticar"
Ironie pour Tesla, qui est assez connue pour ne pas recourir à de la publicité "traditionnelle" (affiches ou spots de pub par exemple), on voit aussi fleurir ces derniers temps de fausses publicités reprenant les principales critiques contre Elon Musk.
Un groupe d'activistes britanniques "Everyone Hates Elon" ("Tout le monde déteste Elon") est à l'origine de plusieurs initiatives en jouant sur les codes de la marque américaine: le 0 à 100km/h souvent mis en avant par Tesla est ainsi transformé en "0 à 1939 en 3 secondes", avec un Elon Musk paradant dans une Tesla en faisant un salut nazi.
D'autres affiches du même style ont été installées dans des abribus ou dans le métro de Londres, en visant toujours Tesla.

D'autres affiches invitent aussi à supprimer son compte X, dont une avec le sous-texte: "si un bar laisse entrer des nazis, c'est un bar nazi", en référence à une modération très limitée sur le réseau social depuis son rachat par Elon Musk.
Enfin, on peut citer cette affiche, parodie de la sage "Fast & Furious", accroché aussi à Londres d'après plusieurs témoins.
Mais Tesla conserve tout de même des fans. Un groupe de propriétaires de la Silicon Valley vient ainsi de partager plusieurs vidéos de show lumineux "en soutien à Tesla et Elon Musk".
Appels au boycott
Ces anti-Tesla ont aussi trouvé un surnom pour les voitures de la marque, renommée "swasticar": la contraction de "Swatiska" ("Svatiska" en français), le symbole de croix gammée utilisé par le régime nazi, et de "car" ("voiture").
Des petits logos sont par exemple proposés à la vente, avec le slogan "n'achetez pas une Swastivar" avec un Elon Musk bras tendu ou avec une moustache d'Adolf Hitler.
Si les ventes de Tesla ont fortement chuté depuis le début de l'année en Europe, difficile pour le moment d'attribuer cette baisse aux appels au boycott de la marque.
Tesla vient en effet à peine de lancer la nouvelle version de son Model Y. Son SUV très populaire, voiture la plus vendue dans le monde toutes motorisations confondues en 2023 et en 2024, et donc avec un creux des ventes logique qui correspond (pour le moment) à ce calendrier de lancement.
Il faudra attendre les chiffres du mois de mars en Europe pour une premier retour sur le succès rencontré, ou non, par ce nouveau Model Y. Et même plutôt le mois de juin, au moment où Tesla lancera les livraisons des versions plus abordables de ce modèle.