"2% des ménages achètent une voiture neuve contre 8% dans les années 90": l'automobile est-elle trop chère pour les Français?

Le marché automobile continue de broyer du noir. En mai, 123.918 immatriculations de véhicules neufs ont été enregistrées en France, soit une baisse de plus de 12% sur un an, d'après les chiffres de la Plateforme automobile. Depuis le début de l'année, la baisse est de 8% par rapport à 2024.
Mais il faut remonter encore au-delà pour revenir aux origines de cette baisse. "Quand on regarde l'évolution des ventes aux particuliers sur ces trente dernières années, on a assisté à un véritable effondrement, souligne sur BFMTV Flavien Neuvy, économiste et directeur de l’observatoire Cetelem. Au milieu des années 1990, on avait à peu près 7 à 8% des ménages qui achetaient une voiture neuve chaque année, là on est plutôt autour de 2% des ménages, ça veut dire que les gens n'achètent plus de voitures neuves".
Et le redémarrage de la filière ne devrait pas être pour demain. Selon les estimations, environ 1,6 million de véhicules neufs devraient être vendus cette année contre 2,2 millions en 2019, dernière année avant la crise sanitaire. Soit une chute de 27% en six ans.
Flambée des prix
L'une des principales causes de la dégringolade des ventes de voitures neuves est bien sûr la hausse des prix. Selon une récente étude de l'institut des mobilités en transition et C-Ways, les prix des véhicules neufs en France ont bondi de 24% entre 2020 et 2024, soit une hausse moyenne de 6.800 euros.
"Les prix de vente des voitures neuves ont beaucoup augmenté au cours de ces 20 dernières années, à peu près deux fois plus vite que l’inflation", confirme Flavien Neuvy. Plusieurs facteurs expliquent cette envolée: "Il y a d'abord l'électrification", alors que les ventes de véhicules thermiques neufs seront interdites en 2035, rappelle Clément Dupont-Roc, directeur stratégie chez C-Ways. D'ici là, "il faut électrificer les véhicules, les hybrider, dont ça coûte un peu d'argent" aux constructeurs, ajoute-t-il, précisant que cela représente environ "un quart" de la hausse des prix.
Il y a ensuite "la montée en gamme des constructeurs: on vend plus de grosses voitures et moins de petites" à cause "de certaines normes qui ont rendu ces petits véhicules de moins en moins rentables, en tout cas moins rentables que les gros SUV", indique encore Clément Dupont-Roc. Enfin, une partie de la forte augmentation des prix est liée "à l'inflation" et "il y a un peu de hausses de prix choisies par certains constructeurs pour améliorer leur marge", poursuit-il.
"Il faut une stabilité des politiques publiques"
Au-delà de la flambée des prix, "il y a plusieurs élements qui entrent en ligne de compte pour expliquer la baisse des ventes de voitures neuves cette année alors que le marché se situait déjà à un niveau extrêmement bas", relève Flavien Neuvy. L'économiste cite d'abord "la croissance relativement faible en France". Or, "il y a une corrélation forte entre la croissance économique et les volumes de ventes automobiles parce que cela impacte les ventes aux entreprises".
Par ailleurs, "les automobilistes sont un peu perdus car on est dans une transition vers le 100% électrique avec l'interdiction de la vente des voitures thermiques en 2035. Mais il y a beaucoup d'automobilistes qui hésitent un peu, qui s demandent si cette réglementation ira au bout, donc quand vous êtes dans l'incertitude, ça génère de l'attentisme", explique Flavien Neuvy.
Pour lui "la crise est sérieuse pour l'industrie automobile". Il estime que les constructeurs vont devoir "proposer des voitures moins chères" pour enrayer la chute. Pour ce faire, "il faut une stabilité des politiques publiques" et que "les règlementations arrêtent de changer en permanence". "On sait que la règlementation a impacté les prix de vente des voitures parce qu'il faut des voitures plus performantes sur le plan environemental, beaucoup sûres aussi et ça, ça coûte cher aux constructeurs qui doivent équiper les voitures de technologies onéreuses".
De leur côté, les ventes de voitures électriques marquent le pas après avoir progressé au cours des cinq dernières années. "On est sur un plateau. Il faut rappeler que les voitures électriques sont beaucoup plus chères que les thermiques alors que les thermiques sont déjà très chères", indique encore Flavien Neuvy. Au final, c'est le marché de l'occasion qui résiste le mieux, même s'il a lui aussi été touché ces dernières années par des hausses des prix à cause d'une pénurie d'offre.