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"Une passion endormie": arrivé en France il y a 8 ans, un réfugié afghan est devenu vigneron en Alsace

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Arrivé en France en 2016, Haroon Rahimi raconte son parcours incroyable pour atteindre son rêve: devenir vigneron. Il s'inspire désormais de ses racines pour créer les arômes de son vin.

La première fois qu'Haroon Rahimi a goûté du vin, c'était en cachette à Kaboul (Afghanistan), lors d'une dégustation collective chez un ami peintre, alors qu'il avait 18 ans. "Comment est-ce possible d'avoir autant d'arômes avec un fruit comme ça?", s'était-il demandé, alors qu'une passion naissait en lui. Une passion qui l'a amené en 2024 à arpenter ses propres vignes à Niedermorschwihr, en Alsace.

"Je suis né en Afghanistan à Mazar i Sharif. Aujourd'hui je suis vigneron depuis un an. J'ai quitté mon pays parce que ma vie était en danger", témoigne-t-il auprès de BFMTV.

"J'ai survécu à deux explosions. J'étais encore emprisonné en Afghanistan en 2016 et quand je suis arrivé en France, j'ai senti pour la première fois de ma vie, la vraie sensation de liberté", continue Haroon.

"Grâce au CAP restauration que j'ai fait à Paris, en travaillant avec des sommeliers, j'ai découvert que j'avais cette passion un peu qui était endormie depuis l'Afghanistan", raconte-t-il encore.

"J'ai failli arrêter les études"

Une passion qui a bien failli ne pas aboutir en raison du milieu "très fermé" qu'est la viticulture. "Quand j'ai cherché un maître d'apprentissage en 2020, j'ai tellement souffert parce que les 60 vignerons à qui j'ai fait la demande ont refusé. J'ai failli arrêter les études. Mais il ne faut jamais lâcher, jamais rien lâcher", se remémore Haroon.

Son apprentissage, Haroon l'a finalement fait au domaine de Stéphane Bannwarth, un producteur de vin naturel. "C'était une découverte d'une autre façon de voir les choses parce qu'on sent qu'il y avait une autre culture. Haroon avait une approche dès le départ volontaire que ça soit absolument naturel", se rappelle Stéphane.

Aujourd'hui, la réussite de son élève est source de fierté. "C'est un peu comme un enfant qui grandit, quelqu'un qu'on a accompagné, éduqué. Et qui prend ses propres marques, c'est son propre chemin, sa propre route", se réjouit-il.

Être dépendant de la nature

L'objectif d'Haroon est de se rapprocher au maximum des modes de production ancestraux: une récolte à la main, pas de sulfite et une macération dans des jarres en grès. Le viticulteur voulait créer une cave où il n'est "pas très dépendant des machines mais de la nature".

"Je viens d'un pays où je suis élevé vraiment en lien avec la terre. Le paysage de l'Afghanistan, il n'y a que des arbres, des cailloux et des montagnes. On ne voit rien d'autre, même quand on voit les maisons, c'est des maisons qui sont bâties avec de la chauve, de la paille, de la terre cuite", détaille-t-il.

Parmi les créations originales d'Haroon: un vin pétillant à la cerise. "C'est un peu comme ma madeleine de Proust, c'est un fruit qui me rappelle beaucoup l'Afghanistan. C'était évident que je fasse quelque chose avec, parce que c'est quelque chose que j'adore."

Haroon espère commercialiser d'ici 2025, 2.600 à 2.800 litres de vin de différents cépages.

Coralie Haenel et Fanny Regnault, avec Marine Langlois