"Une claque": un stage pour les auteurs d'infractions racistes dans l'ancien camp de concentration nazi de Struthof

L'entrée du seul camp de concentration du territoire français, celui de Struthof-Natzwiller, près de Strasbourg, le 2 mars 2004. - OLIVIER MORIN / AFP
Ils sont sept, âgés de 20 à 74 ans, et ont commis des injures, menaces ou violences discriminatoires ou racistes. Dans un ancien camp de concentration nazi, en Alsace, ils suivent un stage de citoyenneté pour "prendre du recul".
Convoqués à 9 heures au camp de concentration du Struthof, ouvert en mai 1941 en Alsace alors annexée, ces hommes de tous milieux sociaux participent à cette journée de stage dans le cadre d'une peine prononcée par le tribunal ou d'une alternative aux poursuites.
Parmi eux, il y a Tristan, un apprenti de 21 ans qui a partagé une vidéo "de mauvais goût" sur les réseaux sociaux, Corentin, mécanicien de 20 ans qui a insulté son professeur, ou encore Patrick, 57 ans, qui s'est disputé avec son voisin haïtien, lui enjoignant de "rentrer dans son pays".
"L'objectif de ce stage est l'information, la sensibilisation, la prévention et peut-être prendre un peu de recul sur certaines idées", leur présente Aurélia Meier, qui anime la journée. Elle est responsable du Service de contrôle judiciaire et d'enquêtes (SCJE), rattaché au parquet de Saverne (Bas-Rhin).
"Qu'est-ce qu'une discrimination?", "Qu'est-ce qu'une circonstance aggravante?", les interroge-t-elle. Plusieurs participants tentent des réponses, quand d'autres restent muets, le visage fermé.
"Gérer sa colère"
Les participants évoquent celles dont ils ont pu être eux-mêmes victimes, liées par exemple à l'âge ou au handicap, comme Patrick, qui dit subir des critiques car il est invalide et ne travaille pas. "Ça me déchire à l'intérieur, ça fait mal", témoigne le quinquagénaire.
Ils reviennent aussi sur les infractions qui les ont conduits devant la justice. "J'ai explosé, ça a dégénéré", reconnaît Patrick. "J'avais l'impression que je n'avais pas le choix", se justifie Lucas, 23 ans. "Je n'aurais pas dû réagir à chaud", concède Corentin.
"Prendre l'air, souffler, aller voir un psychologue, ça peut aider à gérer sa colère, ses émotions", suggère Aurélia Meier.
La matinée d'échanges laisse place à la visite de l'ancien camp de concentration, construit pour 2.500 détenus et où seront entassées jusqu'à 6.000 personnes.
Détenus politiques, résistants, prisonniers de droit commun, des hommes de plus de 30 nationalités différentes y ont été enfermés, classés selon des catégories et "déshumanisés", rappelle Théo Mertz, médiateur culturel.
Le groupe visite la prison, passe silencieusement devant le "chevalet de bastonnade" et le four crématoire, installé en février 1943. Puis découvre la chambre à gaz où 86 juifs ont été assassinés sur ordre d'un médecin nazi afin de constituer une collection anatomique.
"Semer des graines"
C'est la première fois que Tristan, qui avait republié une vidéo relayant des préjugés antisémites, visite le lieu. "Ça permet de prendre du recul, de remettre les idées en place", affirme le jeune homme. "Voir ce que les Allemands ont fait à l'époque, c'est une claque quand même", témoigne Lucas.
Ce stage a été créé par le tribunal de Saverne en lien avec le Centre européen du résistant déporté (CERD).
S'il est organisé dans ce "lieu chargé d'histoire", c'est pour montrer "à quoi peuvent mener ces différenciations et ces actes d'agression et de violence -qu'ils soient physiques ou verbales- dirigés contre des personnes qui sont différentes de soi", explique Aurélia Meier.
"Mon but c'est de semer quelques petites graines, de permettre finalement que ces personnes, quand elles sortent de ce stage-là, se disent: 'Aujourd'hui je n'avais pas envie d'être là, mais cette journée m'a peut-être apporté un petit quelque chose'".
Enzo, 25 ans, y voit du 'positif', lui qui était au départ peu enthousiaste: "Je pensais que la journée allait durer longtemps... Mais j'ai appris des choses."