"C'est un peu la catastrophe": après la démission de l'archevêque, quel avenir pour le diocèse de Strasbourg?

À la sortie de la messe dominicale à Saint-Louis de la Robertsau, à Strasbourg, les fidèles ont du mal à ne pas évoquer le sujet du moment: la démission de l'archevêque Mgr Luc Ravel, après une enquête ordonnée par le Vatican.
"C'est un peu la catastrophe. Notre évêque qui hésite à démissionner, qui finalement démissionne sous la pression. Je ne suis pas sûr que c'est la meilleure façon de témoigner d'une foi", confie l'un des paroissiens au micro de BFM Alsace.
Nommé archevêque en février 2017 par le pape François, Luc Ravel était connu pour son franc-parler et décrié pour ses méthodes jugées autoritaires. Certains paroissiens tiennent toutefois à saluer son action, comme Jean-Lin, décrivant un homme "très courageux", qui a "apporté une dynamique à l'Église".
D'autre confient leurs inquiétudes, alors qu'un nouveau archevêque doit être nommé. "J'espère que tout va s'apaiser car j'ai l'impression que le diocèse est un peu éprouvé, que l'ambiance n'est pas très sereine", explique une paroissienne.
Une nomination qui doit être acceptée par le Vatican et l'État
Car le chemin vers le remplacement de Mgr Ravel vient juste de débuter: l'homme d'Église a transmis sa lettre de démission au pape, qui doit l'accepter, et publier un acte officiel. En raison du Concordat, le président de la République doit également être consulté, comme le rappelle pour BFM Alsace Marcel Metzger, curé de Bergbieten.
"Une fois qu'il a démissionné, c'est la mise en place d'un administrateur provisoire", détaille ce dernier. Un nonce doit alors faire les démarches pur "trouver un candidat". Une fois le nom proposé au Vatican, l'évêque doit accepter ou refuser la charge. S'il l'accepte, la nomination est confirmée par un décret du président de la République, comme le veut la règle pour les diocèses alsacien et mosellan, en vertu du Concordat, avant d'être officialisée par le Vatican.
Positions polémiques sur l'avortement
Avant même l'installation de Mgr Luc Ravel, des critiques avaient fusé, rappelant ses propos sur l'avortement. S'exprimant après les attentats de Charlie Hebdo en 2015, il avait considéré que les chrétiens étaient "pris en tenaille entre deux idéologies": le terrorisme islamique et "les terroristes de la pensée, prescripteurs de la laïcité, adorateurs de la République". Il avait affirmé que "l'idéologie de la bien-pensance (faisait) chaque année 200.000 victimes dans le sein de leur mère", qualfiant l'IVG d'"arme de destruction massive".
Dans une interview aux Dernières nouvelles d'Alsace en 2017, il avait cité la théorie du "Grand Remplacement" prisée à l'extrême-droite. Peu de temps après son arrivée à Strasbourg, Mgr Ravel avait supprimé le conseil de vie pastorale, dans lequel siégeaient des laïcs, et avait écarté les laïcs, dont des femmes, du conseil épiscopal.
Il avait également permis l'arrivée des missionnaires de la Miséricorde divine en 2017, citant la théorie du "Grand Remplacement" prisée à l'extrême-droite.
Une victime d'un prêtre pédophile l'accuse d'avoir protégé son bourreau
Il s'était engagé contre le "cancer des abus sexuels", appelant l'Église à "changer en profondeur". En quelques années, il est devenu l'un des hérauts de la lutte contre les violences sexuelles au sein de l'Église. Mais une victime d'un prêtre pédophile accuse Mgr Ravel d'avoir protégé son bourreau lorsqu'il était évêque aux armées avant de renvoyer celui-ci en 2016.
Les critiques ont finalement poussé le Vatican à ordonner une inspection du diocèse de Strasbourg juin 2022, dont les conclusions tardent à venir. S'il n'a pas évoqué les raisons de sa démission dans son communiqué transmis à l'AFP, Mgr Ravel laisse cependant entendre que son éviction serait liée à sa gestion des scandales sexuels dans l'Église.
"J'ai toujours agi au plus près du droit et de ma conscience, en ayant beaucoup consulté à chaque décision, pour prendre des mesures difficiles, mais qu'on m'aurait reproché ultérieurement de ne pas avoir prises, au vu des éléments en ma possession", a-t-il notamment écrit.