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Aux assises de Strasbourg, huis clos partiel pour le "requin" pédocriminel face à ses 34 victimes

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Jean-Christophe Karcher est jugé depuis lundi devant la cour d'assises du Bas-Rhin pour 34 agressions sexuelles sur des petites filles et trois viols.

Lunettes rectangulaires, polaire anthracite et crâne dégarni, Jean-Christophe Karcher a pris place lundi dans le box sans un regard pour l'assistance nombreuse, au premier jour de son procès devant la cour d'assises du Bas-Rhin où il est jugé pour 34 agressions sexuelles sur des petites filles et trois viols.

Un seul journaliste autorisé

L'ancien premier adjoint au maire, professeur de collège et chef de camp scout âgé de 50 ans, avait avoué au cours de l'enquête son attirance pour le corps des préadolescentes. S'il a reconnu les attouchements durant l'instruction, il nie les viols.

Après l'appel des jurés et des parties civiles, un huis clos partiel a été prononcé à la demande des parties civiles. Seul un journaliste de la presse locale a été autorisé à assister aux débats, ses confrères - y compris l'AFP - étant priés de quitter la salle avant le début des échanges.

L'Association confraternelle des journalistes de la Presse judiciaire (APJ) a exprimé "sa stupéfaction" devant cette mesure inédite. "Prononçant un huis clos partiel, le président a accédé à la demande des avocats des parties civiles qui réclamaient la présence d'un seul journaliste, qu'ils avaient eux-mêmes choisi", s'est émue l'APJ.

Selon elle, cette décision est illégale au vu de la Convention européenne des droits de l'homme et du Code de procédure pénale. "L'APJ exige que la situation de nos confrères rentre immédiatement dans l'ordre. Ce huis clos, s'il veut en être un, doit concerner tous les journalistes présents ou aucun d'entre eux".

Cette première journée du procès était consacrée au parcours de l'accusé. Dans la foulée d'une jeunesse passée au sein d'"une structure familiale plutôt classique", Jean-Christophe Karcher s'est tourné vers le professorat "par défaut" selon son avocate, son père étant lui-même enseignant.

"Il aurait aimé être ingénieur", a encore expliqué au cours d'une suspension d'audience Gaëlle Mootoosamy, dont le client a démenti avoir choisi ce métier pour être proche d'enfants répondant à ses désirs.

"Étiquette de respectabilité"

"Une attitude de manipulateur", a dénoncé Michaël Plançon, avocat de six parties civiles, pour qui l'accusé a tenté de "noyer ses réponses dans un flot de réponses discontinu", au cours de cette première prise de parole.

Les victimes, des amies des filles de l'accusé pour l'essentiel, qui servaient à leur insu d'"appât", étaient invitées dans la piscine familiale où il imposait le "jeu du requin". Dans le bassin, Jean-Christophe Karcher en profitait pour saisir les fillettes, souvent sur leurs parties intimes ou sous leur maillot de bain.

Après la baignade, suivait le bain, puis le séchage et des massages que les petites filles, nues, devaient promettre de garder secrets. D'autres agressions auraient eu lieu lors de camps scout auquel participait l'accusé.

"Il a utilisé une étiquette de respectabilité pour arriver à ses fins perverses", a souligné Benoît Chabert, avocat de l'association des Scouts et guides de France qui s'est constitué partie civile, dénonçant un accusé qui n'a "parlé que de lui, sans commencer par demander pardon".

Affaire tentaculaire

Les faits retenus se sont déroulés entre 2007 et 2018, la plupart des victimes avaient entre 9 et 11 ans. L'affaire, tentaculaire, a fait vaciller Niederroedern, la bourgade d'à peine 1000 habitants, à une trentaine de kilomètres de Strasbourg, d'où l'agresseur et la plupart des victimes sont originaires.

La notabilité de l'accusé, très intégré dans la vie locale, a sans doute découragé les victimes et leurs parents quant à leur volonté de le dénoncer.

C'est finalement début 2018 qu'une des victimes, devenue lycéenne, s'est confiée à une assistante sociale scolaire sur ce que le père d'une copine lui avait fait subir plus jeune. Le signalement de l'Éducation nationale a permis l'enquête et la libération de la parole de toutes les fillettes.

Le père de Jean-Christophe Karcher se tenait lui sur le banc des prévenus, dos au box et à son fils. Cet homme de 80 ans encourt trois ans d'emprisonnement pour destruction de preuves et comparaît libre. À la demande de son fils incarcéré depuis la fin 2018, il a brûlé dans sa chaudière plusieurs clés USB sur lesquelles se trouvaient très certainement des vidéos des agressions. Le verdict est attendu le 14 octobre.

A.T. avec AFP