10 ans après le rachat d'Oculus par Meta, que reste-t-il de la réalité virtuelle?

C'était annoncé comme "la révolution". Mais dix ans plus tard, la révolution n'a pas vraiment eu lieu. Le 25 mars 2014, Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook (devenu Meta), annonçait avoir racheté Oculus VR pour 2 milliards de dollars. Un montant important que le grand patron justifiait par les possibilités offertes par le casque de réalité virtuelle de l'entreprise, qui avait déjà fait sensation sur Kickstarter avec un kit de développement vendu 275 dollars en 2012.
Il n'en fallait pas plus pour que Mark Zuckerberg, tout visionnaire qu'il est, s'embarque dans une épopée, avec son lot d'embûches et de revers, et où le succès n'est toujours pas garanti.
La "pépite" qui valait deux milliards
"Oculus, c'était une vraie petite pépite à l'époque, et il y a eu un vrai emballement," explique Yohan "Panthaa" Bensemhoun, journaliste chez Jeuxvideo.com. "C'était un rêve de gosse pour beaucoup de gens, on était à l'aube de quelque chose qui s'annonçait révolutionnaire."
A l'époque, l'effet "wahou" fonctionne, et Facebook, qui se renomme Meta et change le nom d'Oculus en Meta Quest, l'a bien compris. Au-delà des joueurs, l'idée est de propulser la réalité virtuelle dans un contexte de changement des usages liés aux réseaux sociaux:
"Facebook cherchait déjà l'étape d'après, il y a toujours eu cette envie de faire décoller les interactions virtuelles," confirme-t-il.
Si la réalité virtuelle n'a pas percé comme espéré par certains, cela ne l'empêche pas d'être très présente au sein de salles d'escape game. Les casques ont ainsi la capacité d'immerger leurs utilisateurs facilement dans un univers, ce que n'a pas manqué de faire Ubisoft.
L'éditeur français a lancé dans la foulée des premiers casques grand public des jeux jouables dans des salles spéciales permettant aux joueurs de découvrir des histoires se déroulant au sein de leurs licences préférées. Prince of Persia, Assassin's Creed, y ont eu droit. En parallèle, des productions à vivre en solitaire ont été lancées sur PC et Playstation, comme Transference, imaginé en partenariat avec le comédien Elijah Wood (Le Seigneur des Anneaux) qui a co-fondé sa propre société de production en 2010.
La même réalité virtuelle d'Ubisoft a également permis de "sauver Notre-Dame". L'incendie de la cathédrale parisienne ayant eu droit à un jeu dans lequel on incarnait une troupe de pompiers de Paris.
De la fête à l'échec
Mais avec l'échec de sa dernière production, Assassin's Creed Nexus VR, lancée en exclusivité sur les casques Meta Quest, Ubisoft a réduit considérablement la voilure, conscient, lui aussi, que le marché de la réalité virtuelle semble avoir atteint un mur difficilement franchissable.
Constat semblable chez Sony avec le PS VR 2, qui, lancé il y a seulement un an, n'a pas eu le succès escompté. Au point que le constructeur a fermé plusieurs studios dédiés à la VR, annonçant au passage une arrivée sur PC, afin de contenter ceux qui ont dépensé plusieurs centaines d'euros pour se l'offrir.
"Lorsqu'on s'est rendu compte que les attentes des investisseurs en matière de VR étaient en baisse pour 2023, on avait déjà atteint le nœud du problème. Dans le cas du PS VR2, il y avait trop de choses premium, rendant ce simple accessoire de la Playstation 5 plus cher que la console nécessaire pour qu'il tourne," raconte Yohann Bensemhoun.
Chez Valve, qui a beaucoup poussé la réalité virtuelle, notamment avec la sortie de Half-Life Alyx, le constat est tout aussi morose. Si les casques Meta Quest sont très populaires chez les fans de VR, ils sont peu nombreux à les utiliser sur Steam. On estime la part d'utilisateurs à moins de 2% sur la plateforme.
"Au final, la VR reste quelque chose de niche encore aujourd'hui," regrette-t-il, "pour le grand public, on est encore loin de la démocratisation." Pour ce journaliste aguerris, le problème vient de la forme que prennent ces casques, qui enferment l'utilisateur complètement: "Il faut que ce soit aussi petit que possible et que l'objet ne vienne pas occulter la vision de son utilisateur, ce qui n'est pas du tout le cas aujourd'hui."
Si l'Apple Vision, et donc le Meta Quest, viennent "corriger" ce défaut via le "passthrough", cela n'en reste pas moins des caméras qui filment la réalité, ce ne sont pas vos yeux qui voient ce qui se passe dans le monde réel. Par ailleurs, l'image qu'a aujourd'hui Meta auprès de nombreux utilisateurs, notamment après les multiples scandales, brouille considérablement les efforts marketings du Quest: "C'est un réseau social qui s'est lancé dans cette histoire de Metavers, mais qui est devenu has been depuis," résume Yohann Bensemhoun. Un constat loin d'être enviable pour Meta qui dépense chaque année des milliards pour créer son propre univers virtuel.