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Travail, éducation... en marge du Sommet IA, des syndicats dénoncent ses effets préjudiciables

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Selon plusieurs représentants syndicaux, L'utilisation de robots conversationnels au travail et à l'école détruit des emplois et menace l'acquisition du savoir.

Devant dirigeants politiques et de la tech réunis en sommet à Paris, le président français Emmanuel Macron a souhaité ce 10 février une stratégie pour combler le retard de la France et de l'Europe dans l'intelligence artificielle (IA), quand un "contre-sommet" en pointait les risques.

L'utilisation de robots conversationnels au travail et à l'école détruit des emplois, des métiers et menace l'acquisition du savoir, ont dénoncé des représentants syndicaux réunis au Théâtre de la Concorde, à moins d'un kilomètre du lieu du Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle.

Habib El Kettani, de Solidaires informatique au sein de la société Onclusive, spécialisée dans l'information aux entreprises et la veille médiatique, décrit une "automatisation déjà en marche depuis une dizaine d'années", qui s'est renforcée avec l'arrivée de l'outil phare ChatGPT fin 2022.

"Ca fait dix ans que je lutte pour que mon métier ne devienne pas une espèce en voie de disparition", lance aussi Sandrine Larizza, de la CGT à France Travail, service public dédié aux chômeurs.

Elle déplore "une disparition des droits sociaux qui va de pair avec l'automatisation des services publics", où le développement de l'IA a servi, selon elle, "à faire travailler plus vite pour répondre de moins en moins aux besoins des usagers, en réduisant les effectifs".

"Perte de sens"

"Avec l'IA générative, ce n'est plus l'agent qui répond par mail au chômeur, mais l'IA générative qui donne les réponses avec une multitude d'offres d'emplois au rabais, dans la sous-traitance", relève la syndicaliste.

Cela s'accompagne "d'une destruction de nos capacités humaines à jouer un rôle social, d'un découpage en micro-tâches à la chaîne et d'une industrialisation de nos métiers avec une perte de sens", insiste-t-elle, quelques jours après l'annonce d'un partenariat entre France Travail et la start-up française Mistral.

"Une quarantaine de projets" sont aussi testés "auprès des postières et postiers", indique Marie Vairon, secrétaire générale Sud PTT du groupe La Poste et La Banque Postale. L'IA est utilisée "pour gérer les plannings et simplifier les tâches avec un outil testé depuis 2020 et généralisé depuis 2023", témoigne-t-elle, estimant que les résultats ne sont "pas concluants".

Après la mise en place à la Banque Postale de "Lucie", un robot conversationnel traitant quelque "300.000 appels tous les mois", la syndicaliste s'inquiète d'une "IA générative servant de coach aux conseillers bancaires".

"Les élèves l'utilisent"

Côté éducation, "qu'on le veuille ou pas, les élèves l'utilisent", constate Stéphanie de Vanssay, conseillère nationale pédagogique et numérique Unsa pour le premier et le second degré. "On a des enseignants indifférents, des inquiets qui ont peur de la perte de contrôle et de qualité de l'apprentissage, des sceptiques et ceux qui sont en colère par rapport à toutes les autres priorités", poursuit-elle.

"Il y a ceux qui contournent et ceux qui intègrent pour partie l'IA dans leur enseignement, avec différentes solutions: ne plus donner de devoirs écrits car c'est un fort facteur d'inégalités, une utilisation accompagnée pour démystifier ces outils, comme le fait de sélectionner les devoirs produits par l'IA et de les retravailler avec les élèves pour en montrer les faiblesses", détaille la syndicaliste.

Développer l'esprit critique des quelque 12 millions d'élèves devient, en tout cas, "une préoccupation encore plus vive et il est urgent d'expliquer comment utiliser ces outils et pourquoi", estime-t-elle.

La ministre de l'Éducation nationale Élisabeth Borne a d'ailleurs annoncé jeudi 6 février le lancement d'un appel d'offres pour une IA à destination des professeurs, ainsi qu'une charte d'utilisation et des formations pour les enseignants. "Pas d'esprit critique sans interactions et sans s'aider à penser et à progresser dans sa pensée, ce qui suppose de l'intermédiation", résume Béatrice Laurent, secrétaire nationale Unsa éducation. "Un bébé avec une tablette et des comptines n'apprendra pas à parler".

S. F. avec AFP