League of Legends: avec les French Bees, l'équipe 100% féminine de Vitality

L'atmosphère est électrique. Le bourdonnement des claviers, constant, seulement percé par les cris de joie des vainqueurs. À la Gamers Assembly de Poitiers, des dizaines d'équipes s'affrontent pour remporter la victoire au tournoi phare du week-end, sur le jeu League of Legends.
Mais parmi elles, il y a un groupe différent des autres: les French Bees. Il suffit de jeter un coup d'œil rapide aux équipes présentes dans le hangar pour s'en apercevoir: c'est une des rares équipes entièrement féminines à participer aux compétitions mixtes de League of Legends en France.
"Viki", "Lilith", "Aly", "Chubby Daddy" et "Kasane" sont aussi l'une des premières équipes féminines à être encadrées par l'une des plus grandes structures de l'esport français, Vitality. Et par leur performance, elles espèrent être un des moteurs pour changer la situation de l'esport en France.
Un déséquilibre massif
L'objectif de cette équipe: "créer un milieu sain", explique sa capitaine Viki. La pratique du jeu vidéo s'est largement démocratisée au cours des années. La moitié des joueurs occasionnels sont aujourd’hui des joueuses, selon les chiffres du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs.
Mais l'esport, ou le jeu en compétition, est encore une pratique principalement masculine. Les femmes ne représenteraient que 6% des joueurs professionnels tous jeux confondus, selon l'association Women in Games.
"Le public visé initialement par Riot Games [l'éditeur de League of Legends] était essentiellement masculin, dans la continuité de jeux plus anciens du même genre comme DotA ou Warcraft", explique Lilith, une autre membre des French Bees. "Les compétitions étaient donc elles aussi essentiellement masculines, et les femmes ont eu du mal à s’en emparer."
Un déséquilibre qui peut aussi s’expliquer par les comportements toxiques dont les femmes peuvent être victimes sur les jeux en ligne, sur les plateformes comme Twitch ou sur internet en général.
"J'ai joué dans des équipes mixtes, puis des équipes féminines, où je me suis sentie plus à l'aise", raconte Viki.
La plupart des plus grandes équipes de LoL sont donc constituées uniquement d'hommes. En Corée du Sud, pays phare de l'esport, la première femme à avoir intégré une équipe de première division de LoL l'a rejointe en… décembre 2022.
Créer un cadre sécurisant pour les joueuses
Pour briser le cercle vicieux et encourager les joueuses à tenter leur chance, Riot Games commence à prendre les choses en main. L'éditeur va organiser une compétition française uniquement féminine à l’automne 2023, la "Coupe des Étoiles". Une recette testée et approuvée sur un autre jeu de l'éditeur, Valorant.
Et les géants de l'esport français s'investissent aussi, comme Vitality, en portant des équipes comme les French Bees. "Jouer pour Vitality, c'est une grande fierté, c'est comme si on représentait le PSG!", s'exclame Viki. "Donc ça met aussi une grosse pression."
Mais derrière la création de ce circuit féminin, le but reste d'intégrer le circuit mixte pour se mesurer aux meilleurs, quel que soit le sexe. "Actuellement il n’y a pas vraiment de femme qui peut jouer au même niveau que les meilleurs joueurs masculins, mais c'est justement à cause des barrières qui les ont empêchées de se lancer", décrit Viki.
"Notre but c'est de créer un cadre sécurisant pour les femmes pour les faire progresser, les mettre en confiance, puis atteindre les équipes mixtes", explique la capitaine des French Bees.
"Les choses s'améliorent"
Le mouvement n'en est encore qu'à ses débuts. Les French Bees ont été créées il y a seulement un mois et demi. Après 3 jours de compétition, l’équipe a cédé en finale de l'arbre amateur, le 3e échelon de la compétition.
Mais le résultat n’est pas forcément le plus important. L'objectif principal de ces premières semaines: donner le meilleur bien sûr, mais surtout "apprendre à se connaître, à jouer ensemble, et accumuler le plus d'expérience possible", explique Lilith. L'équipe prévoit une compétition par mois jusqu'à la Coupe des Étoiles.
"Il faut vraiment voir ça comme une initiative pérenne”, explique leur coach "Shac Nicholson".
"L’avantage de collaborer avec une grande structure comme Vitality, c’est qu’on peut s’inscrire dans le temps long pour laisser le temps aux joueuses de progresser, contrairement à des clubs plus petits qui doivent absolument performer en permanence pour survivre."
Et il y a déjà eu du progrès ces dernières années. "Il y a quelques années, on voyait par exemple très peu de femmes en LAN [les tournois comme la Gamers Assembly]", raconte Viki. "Les choses s'améliorent, les gens sont de plus en plus ouverts d’esprit."
"Il y a des tournois féminins, des associations qui nous soutiennent comme Women in Games…", liste Lilith. "Et ça devrait continuer à s'améliorer. En tout cas je l'espère – et je serai là pour ça!"