Tech&Co
Gaming

"Chaque année, on va de plus en plus haut": l'esport poursuit sa montée en puissance en France

placeholder video
Ce vendredi 20 septembre, la Karmine Corp officialise son enceinte à Evry (Essonne). Pour la première fois, une structure esport européenne va disposer de son stade. Le signe d'un secteur en plein essor, plus populaire que jamais, auquel il ne manque presque rien pour devenir sport.

Un Major Counter-Strike: GO — finale internationale de renom — à Paris. Une finale de l’EVO, le plus grand tournoi au monde de compétitions de jeux de combat, l’an prochain à Nice. Des joueurs français parmi les tout meilleurs du monde et une finale de Coupe de France diffusée en exclusivité par un grand groupe de télévision. L’esport ne s’est jamais aussi bien porté dans l’Hexagone que ces derniers temps.

L’esport gagne même en popularité. "On a remarqué qu’entre la première édition du Baromètre France esport publiée en 2018 et la dernière édition en 2023, l’audience de l’esport en France a doublé", explique Bertrand Amar, Directeur esport chez Webedia, dans l’émission Multijoueurs. "Chaque année, on se dit qu’on ne va pas pouvoir aller plus haut et, avec notamment la LFL (Ligue française de League of Legends, NDLR), chaque année, on va de plus en plus haut. Les audiences de la LFL ont été multipliées par 8 depuis le lancement de la compétition en 2020".

Les records de spectateurs sont régulièrement battus sur Twitch ou lorsque la compétition est diffusée sur des chaînes spécialisées. Sur plus de 200 heures de compétition, la LFL a enregistré 50.000 viewers par minute en moyenne, avec des pics à plus de 200.000 personnes.

L'Accor Arena de Bercy accueille l'un des événements esport de l'année
L'Accor Arena de Bercy accueille l'un des événements esport de l'année © RMC

Des figures populaires à la tête de structure: une spécificité française

Et cela se voit aussi lors de compétitions tenues devant un public. Les LFL Days 2024, les finales de la compétition, se sont d’ailleurs déroulées en janvier dernier dans un Palais Nikaïa à Nice qui a fait salle comble pendant 2 jours (5.000 places). Des matches, du show et des supporters en ébullition, notamment les désormais incontournables "ultras" des plus grandes équipes comme Team Vitality, Karmine Corp, Solary ou encore Gentle Mates, la structure mise sur pied par Squeezie et Gotaga.

"On voit que les audiences augmentent, notamment via des équipes portées par des influenceurs", reconnaît Bertrand Amar. "C’est un peu la spécificité du marché français et c’est moins le cas à l’étranger".

Des influenceurs qui sont bien souvent d’anciens joueurs et justifient d’une légitimité en plus de leur cote de popularité. "En France, on a eu plein de talents, de figures qui viennent du gaming, de la compétition, de l’esport dans une certaine mesure," rappelle Bertrand Amar. "Ils se sont mis à créer leur équipe, embarquant leur audience et transformant leur audience en supporters."

Et de citer l’exemple d’Aegis avec Shaunz et MisterMV, des joueurs Solary aussi qui étaient presque les premiers, mais surtout la Karmine Corp de Kameto. Celle-ci se paie même le luxe de devenir la première structure européenne à disposer de sa propre enceinte pour ses matches, les Arènes d’Evry (Essonne) inaugurées ce week-end avec plusieurs matches. "C’est pour ça qu’on a des audiences qui sont grand public et qui font que l’esport aujourd’hui commence à intéresser des diffuseurs traditionnels."

Ainsi, la Coupe de France League of Legends (LoL) est diffusée tout ce week-end sur France TV Slash, la chaîne Twitch du groupe France Télévisions. À compter des huitièmes de finale, c’est l’application de replay France.tv qui diffusera également les rencontres sur toutes les TV connectées et les box. Une première sur le service public qui devient le seul diffuseur officiel de l’événement, avec les mêmes commentateurs (Chips et Noi), les mêmes figures habituelles de LoL, les équipes connues. De quoi faire venir aussi de nouveaux téléspectateurs à l’esport.

Des fans d’esport comme des fans de sport

Du côté de la Fnac, on note aussi un engouement croissant pour l’esport qui "devient de plus en plus populaire".

"Chez Fnac, on essaie désormais de présenter les joueurs finalement comme des artistes ou des sportifs qui viennent à la rencontre du public", souligne Charlotte Massicault, Directrice gaming et multimédia chez Fnac-Darty. "Comme on peut faire des séances de dédicaces avec un chanteur, on fait aujourd’hui, avec le Fnac Gaming Tour, des animations en magasin où ils viennent à la rencontre de leurs fans."

Tels des sportifs de haut niveau, les champions d’esport ont donc leurs fans qui suivent leurs moindres faits et gestes, se concentrent sur leurs équipements aussi et veulent faire comme leurs nouvelles idoles. "Ce sont tous les produits dérivés qui sont recherchés et sur lesquels on commence aussi à venir. Ce n’était pas forcément présent il y a quelques années", ajoute Charlotte Massicault.

Et les résultats en compétition évidemment aident à vouloir s’identifier ou se prendre de passion pour l’équipe Vitality vainqueur du Major CS: Go, la Karmine Corp qui brille au plus haut niveau sur Rocket League et tant d’autres. Les maillots s’arrachent et se portent en compétition comme dans les stades de football. On crie, on stresse et on encourage avant d’exulter de la même manière qu’un fan de sport. Tout tend à voir les deux mondes se rapprocher dans leur fonctionnement.

Les droits de diffusion, le chaînon manquant de la pérennité

Avec l’arrivée de l’esport sur des canaux de diffusion plus traditionnels va se poser la question de l’arrivée des droits médias. "Ce qui manque dans l’économie de l’esport par rapport à celle du sport, ce sont les droits de diffusion", avance Bertrand Amar. "On le voit avec la L1 (de foot) qui a quand même vendu ses droits à 400 millions d’euros. C’est autant d’argent qui rentre dans l’écosystème et qui profite aux clubs de L1 ou L2. On n’a pas ça dans l’esport puisque tout est diffusé traditionnellement gratuitement. Pour que les équipes soient stables, pour qu’elles aient des revenus et pas simplement les revenus des sponsors, même chose pour les organisateurs de compétitions, il faut des droits."

France TV ayant hérité de l’exclusivité de la diffusion, il y a certainement eu une vente des droits, une première en France quasiment, rappelle-t-il. "On ouvre un marché qui peut complètement changer l’économie de l’esport et c’est ça la révolution dans cette annonce", martèle le responsable esport de Webedia.

"On espère que ça va ouvrir un marché de droits, qu’on va avoir de plus en plus de compétitions passées en exclusivité et pas simplement en double diffusion chez des diffuseurs de sport ou de contenus divertissants. C’est vraiment possiblement une bascule du modèle économique de l’esport qui est en train de se passer," prédit-il. Et une façon d’assurer l’avenir aussi d’un secteur en pleine croissance financière et populaire.

Melinda Davan-Soulas