"Assassin's Creed Shadows": Ubisoft a mis en place un plan anti-harcèlement pour protéger ses salariés

C’est une semaine capitale qui se dessine pour Ubisoft. Celle évidemment de la sortie d’Assassin’s Creed Shadows le 20 mars, après maints reports, mais celle aussi de la GDC, la grande conférence des développeurs qui se tient à San Francisco. L’occasion d’envoyer bon nombre d’émissaires en Californie aux contacts des recrues potentielles pour un éditeur français désireux de se refaire une santé et une image.
C’est aussi un moment charnière pour le devenir de l’entreprise qui se dessine. Le succès — ou non — du porte-étendard maison décidera du devenir d’Yves Guillemot, dont un fond slovaque d’actionnaires a commencé à réclamer la tête, appelant à une journée de grève fin mai. L’exercice fiscal 2025 se terminant au 31 mars, autant dire que Naoe et Yasuke, les deux héros du jeu, ont une partie du devenir d’Ubisoft entre les mains.
L’espoir de retrouver des couleurs et le moral
Entre les tensions internes (colère des salariés, grèves multiples, négociations sociales difficiles…) et les semi-échecs commerciaux des dernières sorties (Prince of Persia: The Lost Crown, Skull & Bones, Avatar: Frontiers of Pandora, Star Wars Outlaws), la pression pèse sur les épaules du très attendu Assassin's Creed Shadows. “Si le jeu marche moyennement, on est vraiment mal”, confie à Tech&Co un employé d’Ubisoft. “Si Shadows se vend très bien, on pourra commencer à souffler un peu”.
Souffler financièrement, mais aussi psychologiquement. Une sorte de remise des compteurs à zéro qui ferait du bien à tous les employés aussi. Et tout le monde veut y croire. “Les équipes ont crunché comme jamais pour le finir. Ils avaient vraiment besoin du mois en plus”, raconte une source interne. “Il y a des seniors qui ont bossé tous les jours pour le boucler, c’était assez fou.”
En interne, au studio d’Ubisoft Québec, l’enthousiasme est plutôt de mise. Les chiffres de précommandes sont murmurés au niveau de ceux d’Assassin's Creed Odyssey, mais néanmoins en dessous de AC Valhalla, le titre de la franchise le plus vendu. “Déjà, si ça se vend comme Odyssey, qui est le 2e le mieux vendu de tous les temps, on sera heureux”, ajoute-t-on, avec la crainte de voir aussi arriver Ghost of Yotei, le jeu Playstation qui se déroule dans un cadre quasi similaire et qui pourrait faire de l'ombre à long terme.
Alors que Prince of Persia ou Star Wars Outlaws étaient sortis dans un anonymat relatif, la campagne marketing pour le jeu paraît plus efficace aux yeux des intéressés: “On a vu de bonnes idées comme le partenariat avec Astro Bot et beaucoup plus de gameplay dans les vidéos, plutôt que l’accent sur les personnages qui avaient fait tant parler.” Un retour aux fondamentaux qui plaît aux salariés.

Un plan anti-harcèlement mis en place pour protéger les salariés
Retrouver des ventes en hausse et un succès critique, voilà qui mettrait du baume au coeur des équipes et même d’Ubisoft qui a nagé ces derniers temps en eaux troubles. Entre les mouvements anti-DEI qui n’ont cessé de s’en prendre au jeu en raison de la présence d’un samouraï noir, le Japon en théâtre de l’opus qui a également suscité une controverse auprès de certains Japonais hurlant à la trahison culturelle, et les rumeurs de rachat, la période n'est pas des plus chaleureuses. À cela s’ajoute le procès des anciens cadres de l’entreprise accusés de harcèlement moral et sexuel qui n’arrange rien au tableau global d’un Ubisoft dans la tourmente.
Le climat reste tendu, notamment pour les développeurs. Pour parer à toute éventualité nauséabonde sur les réseaux sociaux, un dispositif a même été présenté pour les protéger. “On nous recommande de ne pas afficher sur les réseaux sociaux qu’on travaille chez Ubisoft pour éviter le harcèlement”, souligne un salarié du groupe, rappelant les nombreuses attaques en ligne déjà subies depuis la présentation du jeu.
Une situation extrême et stressante que préfère anticiper Ubisoft. Un plan anti-harcèlement en ligne a même été présenté en CSE pour accompagner la sortie du jeu et protéger les salariés. “C’est une initiative venue du Canada. Il y a une équipe qui surveille les réseaux et agit rapidement en cas d’attaque ciblée,” explique un élu. Un soutien psychologique et juridique est promis aux salariés qui seraient pris pour cible. “Contrairement à ce qu’on avait jusqu’ici, là, c’est du sérieux”, clame-t-il.

Ainsi, les messages publiés par des internautes sur X (ex-Twitter), Reddit ou encore des vidéos sur Youtube vont être surveillés de près par une cellule dédiée afin de réagir promptement au moindre problème. Des avocats sont déjà prêts à dégainer des plaintes en cas de situation de harcèlement avérée.
Ubisoft se retrouve désormais à un tournant et, une fois de plus, son avenir repose sur le succès de son jeu star. Si Assassin’s Creed Shadows est un succès, l’entreprise s’offrira un peu de répit. S’il ne sort pas de l’ombre, il entraînera le groupe dans une crise bien plus profonde. Certains rêvent de voir le géant sombrer. Ce serait dramatique pour ses près de 20.000 salariés, mais aussi pour le milieu du jeu vidéo qui n’a vraiment pas besoin de ça en ce moment pour perdre pied.