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Diocèse d'Évreux: ce que l'on sait de la mise en examen d'un prêtre pour "tentatives d'agressions sexuelles sur mineur"

Diocèse d'Évreux: un prêtre mis en examen pour des atteintes sexuelles sur un mineur.

Diocèse d'Évreux: un prêtre mis en examen pour des atteintes sexuelles sur un mineur. - BFMTV

L'homme a d'ores et déjà quitté le diocèse et s'est vu interdire de célébrer tout sacrement et d'avoir tout contact avec des mineurs.

Un prêtre de la paroisse Sainte-Marie du Pays de Verneuil (Eure), l’abbé Jérôme Payre, a été mis en examen ce mercredi. Une information judiciaire a été ouverte pour "tentative d'agression sexuelle sur un mineur de plus de 15 ans par une personne ayant autorité sur la victime" et "tentative d'agression sexuelle imposée sur un mineur de 15 ans".

Les victimes présumées sont deux frères d'une même famille. Le prêtre a agit lors de camp de vacances en 2019 et 2006.

• Des faits dénoncés en janvier 2023

En janvier 2023, un jeune homme, aujourd’hui âgé de 21 ans, se confie au curé de la paroisse Saint-Taurin d’Evreux. Il lui rapporte des comportements inappropriés tenus par le prêtre de Verneuil à son égard, il y a quelques années, lors d'un camp de vacances où il partageait sa chambre avec ce dernier.

Le curé avertit alors l'évêque du diocèse d’Evreux qui adresse le 20 février un signalement au parquet d’Evreux. Le procureur de la République ouvre une enquête préliminaire, confiée à la brigade de recherche de la gendarmerie d’Evreux. Au cours des auditions, le frère aîné de la victime, aujourd'hui âgé de 31 ans, dénonce des faits similaires aux enquêteurs.

• Qui est le prêtre Jérôme Payre?

Le prêtre Jérôme Payre est l’actuel curé de la paroisse de Sainte-Marie du Pays de Verneuil à Evreux. Le religieux est né en 1968. Ordonné prêtre en 1995, c’est en 2018 qu’il devient curé à Verneuil. La même année, il devient membre du conseil presbytéral. Depuis 2022, Jérôme Payre est également vicaire épiscopal et membre du conseil épiscopal.

En l’an 2000, Jérôme Payre fonde, en compagnie de laïques, la colonie de vacances Katorin. Chaque année, au mois d’août, entre 60 et 70 enfants participent à ce camp de vacances organisé dans la commune de Saint-Jean-de-Monts en Vendée.

• "Des liens d’amitié" avec la famille des victimes présumées

Les deux victimes présumées ne sont pas des inconnues pour le prêtre Jérome Payre. Au fil des années, l'homme de foi a noué des liens fort avec la famille, manifestement très catholique, des victimes présumées. D’abord spirituels, ces liens se sont transformés en une réelle amitié au point que le religieux soit convié chaque été à venir séjourner dans la maison familiale du sud de la France.

La première victime présumée, un homme aujourd'hui âgé de 21 ans, explique avoir, elle aussi, noué des liens spirituels et d’amitié avec Jérôme Payre. A l’aube de ses 15 ans, l’adolescent s’interroge sur l’éventualité de devenir prêtre et se confie au curé, Jérôme Payre, qui devient alors son conseiller spirituel. Au point de prendre une place importante dans la vie de l'adolescent.

• Une première tentative dans la maison de vacances familiale

Les premiers faits dénoncés se sont déroulés dans la maison de vacances familiale. La victime était alors âgée de 13 ans.

Ce jour-là, l’enfant est dans sa chambre. Le prêtre entre, le plaque sur son lit, le bloque et lui glisse la main sous le t-shirt. Puis, l’homme de foi s’arrête et pose sa main sur le ventre de l'enfant. La victime présumée explique aux enquêteurs avoir ressenti un véritable malaise, mais ne pas avoir dénoncé ces faits.

• Nouvelles agressions au camp de vacances

En août 2019, l’adolescent participe au camp d’été Katorin. Sur place, il partage sa chambre avec Jérôme Payre. Aux enquêteurs, la victime présumée rapporte "ce qui semble s’apparenter à deux autres agressions", explique Rémi Courtin, procureur de la République d’Evreux.

A deux reprises, l’adolescent surprend le prêtre en train de se masturber tout en essayant de lui toucher le sexe. Des faits qui se déroulent toujours de nuit. La première fois, le jeune fait mine de dormir, le prêtre s’arrête alors.

La seconde fois, l’adolescent se redresse sur son lit et interpelle Jérôme Payre. Ce dernier bafouille, précisant qu’il ne se passe rien.

• Le frère de la victime dénonce des faits similaires

Après avoir été mis au courant, le frère aîné de la victime, âgé de 31 ans aujourd'hui, dénonce à son tour des faits similaires aux enquêteurs. Ils remontent au mois d'août 2006. L'enfant participe alors au camp d’été et partage également sa chambre avec le prêtre.

Un soir, il surprend ce dernier en train de se masturber puis sent sa main glisser le long de sa cuisse. Le jeune se redresse et le prêtre s’arrête. Le lendemain, l’homme de foi affirme que le jeune rêvait. D’après le trentenaire, ces faits ne se sont jamais reproduits.

• Un "mauvais sentiment"

Après ces révélations, la famille des deux victimes s’est dite abasourdie, expliquant avoir noué des liens très forts avec le prêtre. Le père de la famille explique toutefois aux enquêteurs qu’il avait noté que le prêtre pouvait se montrer très tactile avec les jeunes garçons. Précisant l’avoir surpris la main posée sur la cuisse de son fils, aujourd’hui âgé de 21 ans - le premier plaignant.

Des soupçons, l'évêque d’Evreux en a eus. Depuis quelques années, ce dernier nourrit "de mauvais sentiments" quant au comportement de Jérôme Payre envers les jeunes garçons.

En novembre 2018, dans un courrier officiel, l’évêque d’Evreux a interdit au prêtre de prendre des jeunes dans la chambre où il dormait. Aux enquêteurs, il rapporte n’avoir eu vent d’aucun faits susceptibles d’être répréhensibles pénalement.

• Jérôme Payre conteste les faits

Le prêtre Jérôme Payre a été placé en garde à vue ce mercredi. Entendu à trois reprises, ce dernier a contesté avec véhémence avoir voulu commettre une agression sexuelle. Le procureur de la République rapporte que le curé a concédé avoir pu se livrer à des gestes qui auraient pu être mal interprétés.

Au cour de ses auditions, il a reconnu se masturber régulièrement, et parfois consulter des sites pédopornographiques homosexuels. Des ordinateurs et des portables ont été saisis lors de la perquisition menée au presbytère. Les données ne sont pas encore exploitées. A ce stade, ces révélations ne sont donc pas susceptibles de revêtir une qualification pénale, note le procureur de la République.

• Placé sous contrôle judiciaire

A l’issue de sa garde à vue, Jérôme Payre a été déféré devant le tribunal. Une information judiciaire a été ouverte sous deux qualifications "tentative d'agression sexuelle sur un mineur de plus de 15 ans par une personne ayant autorité sur la victime" et "tentative d'agression sexuelle imposée sur un mineur de 15 ans". Les faits dénoncés par la victime aujourd’hui âgée de 31 ans sont prescrits.

Placé sous contrôle judiciaire, le prêtre a interdiction d’entrer en contact avec les deux jeunes hommes et les membres de leur famille. Il a également interdiction de pratiquer une activité en contact avec des mineurs.

• Une enquête canonique ouverte

De son côté, l'évêque d'Evreux a annoncé l’ouverture d’une enquête canonique. Ce dernier a reçu Jérôme Payre et l’a soumis à plusieurs obligations et interdictions.

Il a notamment interdiction de célébrer des offices sauf en cas d’autorisation express de l’évêque ou vicaire général. Il doit également quitter le diocèse au plus tard avant le 8 avril pour rejoindre un autre lieu de résidence situé sur le territoire français pour rejoindre un établissement tenu par des religieux.

"D’ores et déjà, il quitte le diocèse pour rejoindre une structure adaptée", a précisé jeudi l'évêque d'Évreux dans le communiqué.

La cellule d'écoute France Victimes peut être appelée par de potentielles victimes ou familles de victime au 01 41 83 42 17.

Charlotte Lesage