Attaque à la prison de Condé-sur-Sarthe en 2019: vers un procès pour cinq détenus radicalisés

Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a requis un procès devant la cour d'assises spéciale pour cinq détenus radicalisés, surnommé "le club des cinq", soupçonnés d'avoir fomenté pendant des mois l'attaque de deux surveillants de la prison de Condé-sur-Sarthe (Orne) en mars 2019.
Les investigations ont mis au jour la "préparation minutieuse" de l'attaque pendant plusieurs mois par ces cinq détenus "ancrés depuis plusieurs années dans une idéologie jihadiste et acquis aux thèses de l'organisation terroriste Etat islamique, appelant notamment au meurtre des surveillants pénitentiaires", selon le réquisitoire définitif signé lundi par le Pnat et consulté mardi par l'AFP.
Quatre complices en tout
Le Pnat réclame que l'assaillant Michaël Chiolo, 32 ans, soit jugé pour tentative d'assassinat de personnes dépositaires de l'autorité publique, en relation avec une entreprise terroriste, selon le réquisitoire.
L'accusation retient la complicité pour Abdelaziz Fahd, 37 ans, considéré comme "le véritable instigateur des faits" et l'association de malfaiteurs terroriste criminelle pour trois autres détenus trentenaires. Il appartient désormais à la juge d'instruction de prendre une décision finale sur un renvoi devant les assises.
"Nous attendons sereinement l'ouverture de ce procès, qui pose évidemment la question de ce qu'est la détention aujourd'hui en France", ont réagi Mes Romain Ruiz et Bruno Gendrin, avocats de Michaël Chiolo.
L'implication de M. Fahd "est principalement déduite d'enregistrements sonores litigieux de la salle de convivialité (de la prison) fournis" par le renseignement pénitentiaire, "parasités par de nombreux bruits rendant l'attribution des voix hautement contestable", a souligné son avocate Me Nadia Moussif.
Deux surveillants attaqués au couteau en céramique
Le 5 mars 2019, Michaël Chiolo, qui purgeait trente ans de réclusion pour la mort d'un octogénaire, et sa compagne Hanane Aboulhana avaient gravement blessé deux surveillants avec deux couteaux en céramique dans l'enceinte de la prison de Condé-sur-Sarthe.
Ce centre pénitentiaire ultra-sécurisé reçoit des détenus particulièrement dangereux, radicalisés ou posant des problèmes de discipline.Le couple s'était ensuite retranché pendant près de dix heures dans l'unité de vie familiale (UVF) de l'établissement.
Michaël Chiolo avait alors affirmé vouloir "venger" Chérif Chekatt, l'auteur de l'attaque jihadiste du marché de Noël de Strasbourg, abattu le 13 décembre 2018 après avoir tué cinq personnes.
"C'est un acte que je revendique au nom de l'Etat islamique (EI), je prête allégeance à Al-Baghdadi", chef de l'EI tué depuis, avait-il annoncé dans l'interphone de l'UVF.
Après plusieurs tentatives de négociation, les forces d'élite de la police avaient lancé l'assaut, blessant l'assaillant et tuant Hanane Aboulhana, 34 ans.Hospitalisé, Michaël Chiolo, radicalisé en prison, avait été mis en examen puis réincarcéré.
Un projet d'attaque qui ciblait aussi le directeur
Selon le Pnat, Abdelaziz Fahd était le "mentor", le "leader charismatique" mais "discret" de ce "groupe conspiratif radicalisé très uni" qui tentait "sans cesse d'échapper à la vigilance des agents pénitentiaires".
Il avait assuré "sa mission de guide et d'accompagnement jusqu'au bout de Michaël Chiolo sur le "sentier" du jihad", soutient le réquisitoire. Ainsi, lorsque l'assaillant exprime la veille des doutes "sur la légitimité du passage à l'acte", Abdelaziz Fahd intervient avec "des rappels religieux et une importante réassurance".
Déscolarisé à l'adolescence, Michaël Chiolo avait été condamné en appel en 2015 à trente ans de réclusion criminelle pour enlèvement et séquestration suivis de mort. Avec deux complices, il avait violenté un ancien résistant de 89 ans, rescapé du camp de Dachau. Ils avaient emporté 300 euros, laissant l'octogénaire s'étouffer.
Les investigations ont en outre révélé que le projet d'attaque ciblait également le directeur de la prison et des membres de la commission de l'application des peines. Pour ces faits, le Pnat requiert que MM. Fahd et Chiolo soient également jugés pour association de malfaiteurs terroriste criminelle.
L'attaque avait entraîné un blocage de certaines prisons
En revanche, il requiert un non-lieu pour une ancienne épouse religieuse d'Abdelaziz Fahd, initialement mise en examen pour complicité et association de malfaiteurs terroriste.
"Ce sont des réquisitions logiques", a observé Me Laurent-Franck Liénard, avocat d'un des surveillants blessés.Le conseil du second surveillant, Me Antoine Vey, a rappelé les "répercussions très fortes pour le personnel visé" par cette agression. "L'audience à venir permettra d'éclairer les responsabilités et, pour les victimes, espérons-le, de tourner cette sombre page".
L'attaque avait entraîné le blocage d'établissements pénitentiaires en France et conduit la Direction de l'Administration pénitentiaire à renforcer les mesures de sécurité dans la prison.