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INFO BFMTV. Marseille: émoi après la remise en liberté d’un caïd présumé du grand banditisme

Rassemblement de policiers le 11 octobre 2022 à Marseille pour protester contre le projet actuel de réforme de la PJ

Rassemblement de policiers le 11 octobre 2022 à Marseille pour protester contre le projet actuel de réforme de la PJ - Clement MAHOUDEAU © 2019 AFP

Pascal Gomez-Galeote, mis en examen dans plusieurs dossiers de complicité d’assassinat et tentative de meurtre, a été remis en liberté, le 3 octobre, après une décision de la Cour de cassation. Il est jugé ce lundi 14 octobre dans un dossier de corruption lié à un ancien policier de la DGSI, surnommé Haurus. 

Dans le contexte marseillais, l’affaire fait grand bruit dans les couloirs du palais de justice et ceux de l’Evêché, siège de la police judiciaire de la cité phocéenne. Selon les informations de BFMTV, un homme, considéré comme le chef du redoutable "clan de Marignane" a été remis en liberté, le 3 octobre dernier.

Incarcéré au centre pénitentiaire d’Avignon-Le Pontet (Vaucluse), sous le numéro d’écrou 22789, Pascal Gomez-Galeote, 44 ans, a recouvré la liberté après 5 ans et 10 mois passés en détention.

Une décision de la Cour de cassation

Une libération qui fait suite à un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation saisie par les avocats du détenu. Ses conseils avaient formé un pourvoi alors que les juges de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence avaient infirmé la levée d’écrou de leur client décidée, en avril dernier, par un juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal judiciaire de Marseille.

Ce dernier avait estimé que "la détention provisoire n’était plus nécessaire à la manifestation de la vérité" alors que Pascal Gomez-Galeote n’avait plus été interrogé par un juge d’instruction depuis sa mise en examen, datant de plus d’un an auparavant, et qu’aucun acte n’avait été coté en procédure depuis plusieurs mois.

Dans cet arrêt de la Cour de cassation, daté du 1er octobre et que BFMTV a pu consulter, les magistrats de la plus haute juridiction de l’institution judiciaire en France -qui jugent sur la forme et non sur le fond- ont estimé que leurs collègues de la chambre de l’instruction d’Aix-en-Provence n’avaient pas "légalement justifié leur décision" du maintien en détention provisoire.

Des policiers évoquent une "aberration" et redoute son absence à l'audience

Une "aberration" pour de nombreux policiers lancés à ses trousses pendant plusieurs semaines, au milieu de l’été 2018, alors qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt après une condamnation, en son absence, pour des faits de violences, transport d’arme et de munitions. Rejugé en mars 2019, Pascal Gomez-Galeote a écopé de 18 mois de prison, assorti de son maintien en détention.

Pour plusieurs interlocuteurs du monde judiciaire, la libération de celui qui est surnommé "Doli" questionne le bon fonctionnement de leur institution, alors qu’il a été mis en examen, entre octobre 2019 et avril 2023, dans cinq affaires différentes, dont trois notamment pour des faits de complicité d’assassinat et tentative d’assassinat.

Pour l’heure, il n’a été jugé dans aucun de ces dossiers et certains sont même encore en cours d’instruction.

La question se pose désormais de savoir si ce prévenu, également soupçonné d’avoir corrompu un policier de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), connu sous le pseudonyme de Haurus, pour obtenir des informations personnelles sur d’anciens associés présumés du "clan de Marignane", devenus ennemis, sera présent, ce lundi 14 octobre, à l’ouverture de ce procès devant le tribunal judiciaire de Marseille.

Cinq autres personnes sont renvoyées devant la justice à ses côtés, dont l’ex-enquêteur de la DGSI, Christophe Boutry, déjà condamné à 5 ans de prison, en novembre 2021, dans un autre volet.

"On ne croit pas trop à la présence de Pascal Gomez", souffle un policier, un brin dépité. "Sa remise en liberté, onze jours avant cette audience, c’est l’illustration d’une réussite policière et d’un échec judiciaire", tacle encore un de ses collègues.

Interpellé après plus d'un an de cavale

En cette fin d’après-midi du 11 janvier 2019, de larges sourires s’affichent sur les visages des hommes de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) de la police judiciaire de Marseille.

Ces spécialistes de la filature et des interpellations, dans des conditions souvent délicates, viennent de mettre la main sur l’un des principaux objectifs de leur service: Pascal Gomez-Galeote.

Sous le coup d’un mandat d’arrêt depuis le mois d’août 2018, "Doli" se fait depuis particulièrement discret. "C’est la seule fois où il a été vu par la BRI mais ça a été la bonne!", se réjouit encore l’un des policiers qui a procédé à son interpellation.

Le jour de son arrestation, le fugitif est observé, à l’heure du déjeuner, au volant d’une puissante Audi SQ5, sur l’autoroute A9 en direction de Nîmes. Après plusieurs détours, il se stationne quelques instants dans le quartier Château-Gombert dans le 13ème arrondissement de Marseille pour récupérer sa compagne avant de repartir en trombe, direction les Alpes-de-Haute-Provence et la station de ski de Pra-Loup.

En ressortant d’un hôtel 4 étoiles avec spa et vue imprenable sur les monts enneigés, Pascal Gomez-Galeote voit sa cavale prendre fin.

Sur lui, les policiers de la BRI découvrent un passeport et une carte d’identité au nom d’un certain "Frédéric Bon, né en 1985" mais supportant sa propre photo. Il est également trouvé en possession d’un téléphone crypté PGP.

"À l’époque, on cherchait à le récupérer par tous les moyens, se remémore une source judiciaire, passée par Marseille. Parce qu’on savait que c’était un acteur important en matière de banditisme dans la région et qu’il avait pris la suite de son frère, Antonio Martinez, le chef du clan de Marignane, après son assassinat. On voulait absolument éviter une nouvelle série de règlement de comptes". 

"De nombreux renseignements laissaient entendre que Pascal Gomez avait la volonté de venger la mort de son frère Tonio", confie une source proche de l’affaire.

Ce dernier, également surnommé le Nerveux ou le T, âgé de 35 ans, a été assassiné au début du mois de février 2018, avec l’un de ses proches, Oussama Sliman, alias Ours. Leurs corps, carbonisés, avaient été retrouvés sur le parking du parc d’attractions OK Corral à Cuges-les-Pins (Bouches-du-Rhône).

Des données personnelles fournies par un enquêteur de la DGSI

L’exploitation, plusieurs mois plus tard, du portable aux données cryptées saisi lors de l’interpellation de "Doli" -et dont il a toujours nié en être le propriétaire-, a permis à la PJ marseillaise de découvrir plusieurs dizaines de "doxx", un  ensemble de données personnelles recueillies dans les fichiers police- transmises par cet enquêteur de la DGSI, dissimulé sous le surnom d’Haurus.

Des fichiers, photos et documents qui concernaient "les opposants historiques à l’équipe de Marignane". Mais parmi les informations fournies par Haurus, la période pivot de février 2018 a été mise en exergue par le juge d’instruction, en charge de cette affaire: ce mois correspond à celui de l’assassinat du frère de "Doli".

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Avant cette période, les "doxx" transmises par Haurus concernaient "les opposants historiques à l’équipe de Marignane". À compter de février 2018, les recherches d’Haurus étaient principalement axées sur plusieurs membres de ce clan, suspectés d’avoir fait scission. Certains d’entre eux, par la suite, ont été tués ou ont échappé de peu à la mort.

"S’il ne se présente pas à son procès, on va encore nous demander d’aller le chercher alors qu’on l’avait sous la main!", s’irrite un policier, avant de livrer un avis tranché sur la procédure pénale.

"On a donné la possibilité aux avocats de multiplier les recours et les demandes d’actes, ce qui leur permet aussi de faire traîner les procédures et faire en sorte qu’on atteigne les limites de la durée de la détention provisoire".

Ses avocats vont demander le renvoi de l'audience

Sollicitée, Me Christine d’Arrigo, l’avocate de Pascal Gomez-Galeote, aux côtés de Me Julien Blot précise qu’elle va faire "une demande de renvoi de cette audience".

"La justice a saucissonné cette affaire Haurus entre les faits de corruption jugés ce lundi et l’association de malfaiteurs en vue de commettre un crime qui est toujours en cours d’instruction, dénonce son conseil. Mais ces deux dossiers sont intimement liés. Je vais d’ailleurs déposer une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur la disjonction. On a tordu beaucoup de lois et de délais pour un seul homme. Il serait bon d’arrêter l’acharnement procédural à l’égard de Monsieur Pascal Gomez". 

À la question de savoir si son client serait présent, ce matin à l’audience, Me Christine d’Arrigo n’a pas souhaité répondre.

Stéphane Sellami