Circonstances, litige antérieur, "vécu persécutif" du suspect... Ce que l'on sait de l'agression du maire de Villeneuve-de-Marc

Gilles Dussalt, maire de la commune de Villeneuve-de-Marc (Isère), a été victime d'une violente agression par un administré à l'aide d'un objet contendant, ce mercredi 6 août. Son fils a également été légèrement blessé.
L'édile, âgé de 63 ans, a été transporté en urgence dans un hôpital situé à Lyon. L'élu présentait trois plaies "dont deux au thorax et une plaie défensive", indique le parquet de Vienne. Son pronostic vital n'est toutefois plus engagé.
Une enquête, confiée à la Section de Recherches de Grenoble, avait été ouverte pour tentative de meurtre au préjudice du maire. Deux jours après les faits, un suspect identifié comme l'auteur des faits a été interpellé, ce vendredi 8 août.
• Un litige entre la municipalité et le suspect
Un "litige" opposait la municipalité au suspect, a indiqué le parquet de Vienne. Ce litige durait "depuis plusieurs mois" et concernait "des questions d'urbanisme et de travaux réalisés" par le suspect "sans autorisation", poursuit le parquet.
Étienne Manteaux, procureur de la République de Grenoble, a précisé, lors d'une conférence de presse, ce dimanche 10 août, les dessous du contentieux. L'origine des tensions viendrait de l'effondrement d'un immeuble. L'homme âgé de 60 ans est propriétaire de deux appartements dans un immeuble de la commune.
La mairie est propriétaire des combles de l'immeuble ainsi que d'un bâtiment contigu. Ce bâtiment avait une toiture vêtuste et, à la suite d'intempéries en 2022, une partie s'est effondrée et a endommagé un abri de jardin qui appartenait au mis en cause.
Ce litige s'est ensuite "enkysté", poursuit Étienne Manteaux. Le tribunal judiciaire avait été saisi et une tentative d'accord à l'amiable avait été soumise par la mairie, avant d'être refusée en raison d'une indemnisation jugée trop faible.
"La situation à ce jour n'était pas réglée, ce qui, manifestement, a généré chez cet homme un sentiment d'injustice", note le procureur.
Ce sentiment va être exacerbé par la remise d'un procès-verbal adressé à son encontre lorsque, sans l'accord des copropriétaires et sans permis de construire, le mis en cause va construire un portail qui commande l'accès à l'ensemble du bâtiment. Ces faits remontent à deux mois avant l'agression et ont "cristallisé ce sentiment d'injustice", affirme Étienne Manteaux.
• Une agression en deux temps
Le jour de l'agression, le maire dit avoir "remarqué la présence d'un véhicule" alors qu'il taillait des lierres sur un mur de sa propriété. Il a vu un homme "arriver très rapidement à son niveau" avant d'être frappé au niveau du thorax et du bras. Le suspect indiquera lors de son audition qu'il a utilisé un morceau de ferraille. Deux plaies au niveau du thorax ont été constatées par les médecins légistes ainsi qu'une plaie au biceps gauche, rapporte le procureur.
Une voisine de l'édile arrive à son niveau, alertée par ses cris, tandis que l'agresseur a pris la fuite. Son fils arrive également sur place et appelle les pompiers. Ce dernier indique avoir ensuite vu de nouveau la voiture de l'agresseur.
Selon leurs témoignages, le chauffeur leur a alors foncé dessus. Le fils a poussé son père pour l'écarter de la voiture, qui ne touchera aucun des deux et viendra percuter un mur de la propriété du maire. Le fils essaye d'empêcher l'individu de fuir et une bagarre éclate. Finalement, le mise en cause réussit à prendre la fuite à pied.
• Identifié par une habitante de la commune
Durant 36 heures, le suspect a été activement recherché par les forces de l’ordre. Le parquet de Vienne avait indiqué avoir lancé un mandat de recherche à son encontre.
Un dispositif avec des maîtres chiens, des gendarmes de la section de recherches de Grenoble, un peloton de surveillance et d'intervention, et des militaires est déployé pour le retrouver.
Il sera finalement retrouvé grâce à un signalement d'une habitante de Villeneuve-de-Marc qui croit le reconnaître à proximité d'une forêt sur la commune de Charantonnay, située à dix kilomètres des lieux de l'agression. Les gendarmes sont appelés sur place et l'interpellent. Placé en garde à vue, "il acceptera de répondre à l'ensemble des questions en présence de son avocat", souligne Étienne Manteaux.
• 15 jours d'incapacité totale subie pour le maire
Dans un premier temps, le pronostic vital du maire sera engagé. "Un des deux coups donnés au niveau du thorax a entraîné la perforation d'un poumon", précise le procureur.
Ces jours ne sont désormais plus en danger et une sortie de l'hôpital est espérée "dans les jours à venir". Les médecins ont prescrit 15 jours d'incapacité totale subie pour l'édile et 8 jours pour son fils, qui "souffre de blessures moins significatives".
• Le suspect déféré, la détention provisoire requise
À la levée de sa garde à vue, le suspect a été déféré au parquet de Grenoble, ce dimanche 10 août à 9 heures. Lors de la conférence de presse du procureur, son interrogatoire par le magistrat instructeur, à la suite du réquisitoire introductif pris par le parquet de Grenoble, était en cours.
À la qualification d'assassinat, Étienne Manteaux explique avoir préféré la qualification de double tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique, pour laquelle le suspect encourt également la réclusion criminelle à perpétuité. La qualification de tentative de meurtre à l'encontre du fils du maire a également été retenue.
"Compte tenu de l'extrême gravité des faits, le parquet a requis le placement en détention provisoire", a ajouté le procureur.
• Le profil du suspect
Âgé de 60 ans, le suspect vit depuis son plus jeune âge dans la région, ayant habité en Haute-Saône, puis en Franche-Comté avant de s'installer à Villeneuve-de-Marc pour s'occuper de sa mère, indique le procureur. Il n'a pas d'antécédent judiciaire et a "toujours travaillé".
L'homme affirme également n'avoir eu "aucune intention" d'homicide et de volonté de toucher un organe vital. Après la première agression, survenue à 16h30, il explique être reparti chez lui pour prendre sa voiture et revenir "voir l'ampleur du mal". Il considère alors que le maire et son fils se sont jetés sur sa voiture, ce qui l'a amené à virer dans le mur.
"Il n'a cessé de répéter qu'il était victime d'une injustice", souligne le procureur. Selon le récit dressé par le procureur, le suspect témoigne d'un "vécu persécutif" et "une tendance à la réinterprétation de ce qu'il vit". Il a indiqué qu'il était conscient de ce qu'il avait fait, expliquant avoir été "poussé à bout".
Dans cette machination décrite, alors qu'il "n'avait aucune raison objective" de se rendre devant la propriété du maire, il assure que l'édile l'a regardé "avec un sourire sadique" et que cet "accumulation des choses" lui a fait "péter un plomb". Il ajoute, toujours cité par le procureur: "Il y a eu une rupture dans mon esprit, j'ai fait ça machinalement."
• Des réactions politiques
Plusieurs heures seulement après l'agression, Emmanuel Macron s'est exprimé. "Quand un élu est attaqué, c’est la Nation qui est à ses côtés. Pensées pour Gilles Dussault, maire de Villeneuve-de-Marc et son fils, violemment agressés", a réagi le président de la République, sur X, qualifiant l'acte de "lâche".
"Très choqué et ému par la violente agression du maire de Villeneuve-de-Marc", a déploré le ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation, François Rebsamen, "Un élu de la République et sa famille attaqués: c’est intolérable", a-t-il ajouté.
Interrogé au micro de BFMTV, Yannick Neuder, ministre de la Santé, appelle à la "tolérance zéro", dénonçant l'acte. Il ajoute: "Ce geste est inacceptable."