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Manifestations: la CEDH condamne la France pour le recours à une nasse policière à Lyon en 2010

Des CRS déployés dans les rues de Lyon le 30 juin 2023.

Des CRS déployés dans les rues de Lyon le 30 juin 2023. - JEFF PACHOUD / AFP

C'est la première fois que la France est condamnée pour l'utilisation d'une telle pratique par les forces de l'ordre.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné ce jeudi 8 février la France pour le recours sans base légale à une nasse policière lors d'une manifestation en 2010 à Lyon, estimant qu'il y avait eu des violations des libertés de circulation, de réunion et d'expression.

C'est la première fois que la France est condamnée pour cette pratique policière d'encerclement de manifestants, selon une source au sein de la Cour.

Pas de cadre légal jusqu'en 2021

La nasse en question avait été organisée le 21 octobre à Lyon place Bellecour, empêchant plusieurs centaines de personnes de manifester contre un projet de loi sur la réforme des retraites.

Un collectif de douze manifestants réclamant la mise en examen de deux hauts fonctionnaires responsables de l'utilisation de cette technique a vu leur pourvoi en Cassation être rejeté en juin 2021, entraînant l'abandon des poursuites.

"Toute mesure restreignant" les libertés de circulation, d'expression et de réunion pacifique, garanties par la Convention européenne des droits de l'homme, "doit être prévue par la loi", rappelle dans un communiqué la juridiction qui siège à Strasbourg.

La CEDH, qui "déduit que le recours par les forces de l'ordre à la technique de l'encerclement n'était pas, à la date des faits, prévu par la loi", constate en conséquence plusieurs violations de la convention, dont ceux relatifs à la liberté de circulation, de réunion et d'association.

L'avocat des requérants, Patrice Spinosi, a salué "une victoire de principe qui démontre que l'usage de la pratique des 'nasses' ou de 'l'encerclement' (...) était illicite en France avant l'entrée en vigueur du schéma national du maintien de l'ordre en décembre 2021".

Dans son avis, la CEDH a cependant noté que si l'utilisation d'une nasse policière était dépourvue de cadre légal à l'époque des faits, le ministère de l'Intérieur a depuis publié un nouveau schéma national de maintien de l'ordre, en décembre 2021, qui encadre davantage cette technique.

"Selon la CEDH, le fait que cette pratique soit désormais encadrée n'équivaut pas à blanc-seing pour les forces de l'ordre. Elle juge que l'usage disproportionné du 'nassage' est susceptible de porter atteinte non seulement à la liberté d'aller et venir mais encore à la liberté d'expression", analyse toutefois Patrick Spinosi dans une réaction transmise à l'AFP.

En juin 2021, le Conseil d'État avait jugé illégale la technique des "nasses" lors des manifestations, ainsi que d'autres points du schéma de maintien de l'ordre décidé au 16 septembre 2020. Le Conseil d'Etat avait été saisi par plusieurs associations et syndicats, notamment de journalistes, qui le contestaient.

Malgré cette interdiction, la préfecture de police, qui organise le maintient de l'ordre à Paris, assume d'utiliser cette technique sur certains individus considérés comme violents.

Le Défenseur des droits avait recommandé mi-2020 de mettre fin à cet "encagement" qui conduit "à priver de liberté des personnes sans cadre juridique". En 2022, un juge a commencé à enquêter sur les pratiques de maintien de l'ordre lors d'une nasse d'un cortège de gilets jaunes en 2019.

G.G. avec AFP