"Ces malades que nous aidons à mourir": un médecin réanimateur suspendu après la sortie de son livre sur la fin de vie

En publiant son livre "Ces malades que nous aidons à mourir", Didier Peillon a sacrifié sa carrière. Dans cet ouvrage, le médecin réanimateur raconte avoir été amené à accompagner certains de ses patients vers la fin de leur vie, notamment en ne pratiquant pas certains actes médicaux.
Invité de BFM Lyon ce mardi 16 septembre, le soignant, suspendu depuis la parution de son livre, est tout d'abord revenu sur le "vocabulaire" complexe de la fin de vie.
"'Provoquer la mort' ça peut être un geste très actif, immédiat: injecter un produit léthal par exemple", explique-t-il, avant d'évoquer des "décisions de limitation de traitement".
Selon lui, la première situation est "exceptionnelle dans la vie d'un médecin", tandis que la seconde est "quasiment quotidienne dans tous les services de médecine, de chirurgie, de réanimation".
"C'est une réponse à une situation d'épouvante"
Dans son livre, Didier Peillon revient sur différents cas, notamment l'un datant d'il y a "une trentaine d'années", concernant "un patient qui s'étouffait dans son sang, avec une situation absolument effroyable".
Le médecin assume d'avoir mis fin aux "secondes et minutes d'effroi" que le malade subissait, en accord avec un chirurgien ORL. "La mise en route d'une sédation très rapide s'est imposée, sans état d'âme", avance-t-il.
S'il comprend la difficulté pour le grand public de se projeter dans les "situations réelles" que vivent les médecins réanimateurs, il affirme que ce genre de cas sont "classiques", et que "tout le monde s'accorde sur la conduite à tenir" dans l'univers médical.
"Ce n'est pas une euthanasie déguisée. C'est une réponse à une situation d'épouvante. Il y a un vide juridique énorme, parce que la loi ne prévoit absolument pas les situations de décisions en urgence", déclare-t-il.
Suspendu à titre conservatoire
Le manque de clarté de la loi oblige ainsi les soignants à prendre "les décisions qui leurs semblent, humainement, les plus adaptées" d'après lui. Dans son livre, Didier Peillon reprend une étude de l'Institut des études démographiques, "qui laisse penser qu'il y a, à peu près, 5.000 à 6.000 injections léthales par an en France".
Avec son ouvrage, le médecin n'a pas "du tout" l'intention "de choquer". Il souhaite "témoigner" de la "réalité des professionnels" soignants, qui n'est "pas assez connue" selon lui. "Le médecin est seul face à son patient", résume-t-il.
La publication de "Ces malades que nous aidons à mourir" a entraîné la suspension temporaire de Didier Peillon, qui ne peut plus exercer à l'heure actuelle. Il estime que cette sanction devrait durer "quelques mois".
"J'ai été suspendu à titre conservatoire par la direction, qui est tout à fait bienveillante à mon égard. Ils n'avaient pas le choix, ce que je comprends tout à fait (...). J'espère pouvoir réintégrer mon équipe, parce que j'adore mon travail. Ce n'est pas le sujet, à côté de l'importance du débat et de la problématique", conclut Didier Peillon.
Un projet de loi toujours en cours
Le 17 mai dernier, l'Assemblée nationale a approuvée la création d'un "droit à l'aide à mourir", qui ouvrirait notamment la possibilité pour les patients de s'auto-administrer une substance léthale, sauf lorsqu'ils ne sont pas en capacité de le faire.
Cinq critères cumulatifs sont prévus dans le texte issu de la commission: être âgé d'au moins 18 ans; français ou résidant en France; atteint d'une "affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale"; cette dernière provoquant une "souffrance physique ou psychologique" réfractaire aux traitements ou insupportable; être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.
La proposition de loi, qui a été amendée à de nombreuses reprises, devait être votée par le Sénat au mois d'octobre. Mais après la chute du gouvernement Bayrou, l'examen du texte pourrait être repoussé.