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Pour éviter que les prix baissent, les maisons de Champagne réduisent encore leur production (qui chute de 21% en deux ans)

Champagne

Champagne - Alain Julien - AFP

Dans un climat mondial marqué par les incertitudes économiques et géopolitiques, la filière Champagne joue la carte de la prudence. Le Comité Champagne a décidé de fixer le rendement commercialisable 2025 à 9.000 kilos par hectare, en baisse par rapport à l'an dernier, pour mieux aligner production et réalité du marché.

Face à une consommation volatile et un contexte économique tendu, les producteurs de Champagne adaptent leur stratégie. La vendange 2025 sera encadrée par un rendement commercialisable revu à la baisse, une décision dictée par la nécessité de préserver l'équilibre économique du secteur.

Les vignerons et maisons de Champagne ont fixé à 9.000 kilos par hectare le rendement commercialisable de la vendange 2025, contre 10.000 kilos l'an dernier, dans un contexte économique mondial marqué par l'incertitude, a annoncé mercredi le Comité champagne.

"Grâce à des conditions climatiques globalement clémentes, les vignes ont bénéficié d'un environnement propice à leur développement, limitant ainsi les risques sanitaires", souligne le Comité dans un communiqué. Toutefois, "l'instabilité géopolitique et économique, conjuguée à des comportements de consommation de plus en plus volatils, rend les prévisions plus complexes".

Des vignes en Champagne
Des vignes en Champagne © François Nascimbeni

Bien que les ventes de Champagne "affichent une relative stabilité", cette incertitude "incite la filière à faire preuve de prudence", explique le Comité. En 2024, le rendement commercialisable avait été fixé à 10.000 kilos par hectare, pour tenir compte de la baisse des ventes. En 2023, il était de 11.400 kilos par hectare. Le quota choisi pour 2025 "s'inscrit dans une trajectoire de déstockage progressif afin de réajuster la production à la réalité du marché", expose le communiqué. En deux ans, la production aura donc été réduite de 21%.

"L'objectif est de trouver un consensus qui, à la fois, prend en compte les prévisions d'expéditions de vente et l'économie de nos entreprises, dans un contexte de morosité ambiante (...) qui incite à être prudent" explique Maxime Toubart, coprésident du comité Champagne.

Un rendement en recul pour anticiper les turbulences

En réduisant le rendement commercialisable, la filière Champagne cherche à maîtriser les volumes disponibles sur le marché afin d’éviter une saturation qui ferait pression sur les prix. Cette politique permet aussi de maintenir une forme de rareté perçue, un levier essentiel pour préserver le positionnement haut de gamme des cuvées champenoises, notamment à l’export.

Champagne de Venoge, Louis XV
Champagne de Venoge, Louis XV © de Venoge

Le "rendement agronomique", c'est à dire les quantités produites par les parcelles, est pour sa part estimé à ce stade à 10.000 kilos par hectare, a expliqué à l'AFP le Comité, qui représente 16.000 vignerons et 350 maisons de Champagne. Environ une tonne par hectare devrait donc être mise en réserve, sous forme de vin non encore "champagnisé".

"On récolte tout ce qu'on peut et on le met en réserve pour des années où il y a, par exemple, des aléas climatiques", explique-t-on au Comité.

Une filière sous tension

Lors d'une réunion de préparation des vendanges mi-juillet, le préfet de la Marne Henri Prévost avait indiqué qu'environ 120.000 personnes étaient attendues pour la récolte du raisin en Champagne. Ces vendanges, qui devraient commencer cette année entre le 20 et le 25 août, se dérouleront quelques semaines après la condamnation, lundi à Châlons-en-Champagne, de trois personnes à des peines de prison ferme pour avoir exploité et hébergé dans des conditions indignes une cinquantaine de travailleurs, souvent sans-papiers, lors des vendanges 2023.

"On a vu des prestataires qui, parfois, recrutaient des vendangeurs à la dernière minute, des structures qui se créaient et qui disparaissaient très rapidement", a expliqué le préfet en marge de la réunion de préparation. "Aujourd'hui, tout un travail a été mené pour structurer cette profession et faire en sorte que les conditions de travail et les normes soient respectées", a-t-il assuré.

Alors que le Champagne reste un produit emblématique du luxe à la française, les récents scandales liés à l’exploitation de travailleurs saisonniers ont mis en lumière l’envers d’une industrie soumise à une forte pression économique.

Juliette Weiss