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Naufrage dans la Manche: hommage aux défunts et haro sur le Royaume-Uni

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Une soixantaine de militants associatifs et migrants se sont réunis ce mercredi 4 septembre dans un parc de Calais pour rendre hommage aux 12 victimes du naufrage dans la Manche survenu la veille.

Un hommage a été rendu mercredi à Calais aux 12 personnes décédées la veille en tentant de rallier clandestinement la Grande-Bretagne, alors que les autorités françaises pointent du doigt la politique migratoire de Londres.

Dix femmes et deux hommes sont décédés après que leur bateau transportant plus de 60 passagers, notamment érythréens, s'est disloqué au large du Cap Gris-Nez mardi.

Un rassemblement d'une soixantaine de personnes

Une soixantaine de militants associatifs et de migrants se sont rassemblés mercredi soir dans un parc de Calais en hommage aux victimes. Ils ont déployé une immense banderole répertoriant les centaines de décès intervenus à la frontière entre France et Royaume-Uni depuis la fin des années 1990.

"Je tenais la main de ma soeur quand c'est arrivé et j'ai essayé de trouver quelque chose pour me tenir (...) mais les vagues m'ont poussé loin d'elle", a raconté, les yeux embués, une bougie à la main, un jeune homme érythréen dont la soeur de 18 ans est décédée.


Le bilan du naufrage est resté stable à 12 morts, a indiqué le préfet du Pas-de-Calais. Deux personnes demeurent hospitalisées, selon la procureure de Lille Carole Etienne. Les corps des personnes décédées ont été transportés à l'institut médico-légal de Lille pour identification.

Embarcation quasiment coulée à l'arrivé des secours

"Quand on est arrivés, il n'y avait plus d'embarcation, elle était quasiment coulée", a témoigné Axel Baheu, 25 ans, patron pêcheur du trémailleur Murex de Boulogne-sur-Mer, appelé à la rescousse par le Centre régional d'opération et de secours (Cross).

Pendant qu'un navire de secours récupérait les survivants, "on a ramassé les gilets de sauvetage, tous les débris qu'il pouvait y avoir, des sacs à dos, des effets personnels, et on a fini par tomber sur des cadavres," raconte-il.

Mercredi, le secrétaire d'Etat démissionnaire chargé de la mer Hervé Berville s'est rendu à Boulogne, d'où il a exprimé "toute la solidarité de la nation" à l'égard des victimes et assuré que des moyens de sauvetage "robustes" avaient été "mobilisés en un temps record".

"Nous subissons cette hypocrisie"

Après Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur démissionnaire qui a réclamé mardi un traité migratoire entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne pour freiner les départs clandestins, la maire LR de Calais a appelé mercredi à un bras de fer avec Londres.

"Nous subissons cette hypocrisie", a déploré Natacha Bouchart, évoquant la législation du travail en Angleterre et l'existence de nombreux passeurs britanniques.

"Il faudra à un moment donné avoir un bras de fer avec ce gouvernement" pour éviter "que dans cinquante ans on (soit) toujours au même niveau, avec des gens qui veulent passer en Angleterre parce que ça continue à être un Eldorado", a-t-elle martelé.

Le préfet et Mme Bouchart s'exprimaient à l'occasion d'une conférence de presse présentant les travaux de sécurisation d'une plateforme logistique en amont du port de Calais et du tunnel sous la Manche, afin d'éviter les intrusions de migrants dans les camions.

Des barrières pour empêcher les intrusions

Près de 11 km de barrières supplémentaires vont être installées dans cette zone déjà largement verrouillée, pour un coût de 4,5 millions d'euros, financé par la Grande-Bretagne, a indiqué Mme Bouchart.

Depuis la sécurisation du port et du tunnel, les tentatives d'intrusion y "ont quasiment disparu", a souligné le préfet Billant, indiquant qu'elle sont passées de "plus de 15.000 en 2016 à 127 en 2023".

Mais des centaines de migrants continuent chaque année à tenter de monter dans des camions en amont: 3.142 ont été découverts en 2023 et 2.646 depuis début 2024, selon la même source.

Nombre record de traversées

Et les candidats à l'exil se sont tournés vers la Manche, avec un nombre record de traversées illégales sur les six premiers mois de l'année 2024, selon les autorités britanniques, qui décomptaient mardi l'arrivée par ce moyen de 21.615 migrants depuis janvier.

Le naufrage de mardi, après une série d'autres durant l'été, fait de 2024 l'année la plus meurtrière dans la Manche depuis que le phénomène des traversées clandestines a pris de l'ampleur en 2018.

Le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), Didier Leschi, a indiqué sur France Info que les victimes de ce naufrage se verraient proposer de "déposer une demande d'asile en France mais (qu)'il n'est pas sûr qu'elles acceptent".

La défenseure des droits Claire Hédon a, elle, appelé à "une réorientation profonde des politiques nationales et européennes d'asile et d'immigration".

F.Ba avec AFP