Migrants à Calais: un rapport parlementaire juge la politique de l'Etat coûteuse et inefficace

Un camp de migrants à Grande-Synthe en 2019. - FRANCOIS LO PRESTI
Cinq après le démantèlement de la jungle de Calais, la pression migratoire est toujours aussi forte sur la Côte d'Opale. Ce mardi, un énième camp de migrants a été démantelé à Grande-Synthe et 650 migrants ont été évacués. Une réalité quasi-quotidienne dans les territoires concernés. Selon l'Observatoire des expulsions de lieux de vie informels, "entre le 1er novembre 2020 et le 31 octobre 2021, 1330 expulsions ont été recensées en France métropolitaine".
C'est ce même jour que la commission d'enquête parlementaire sur les migrations a publié son rapport. Pendant six mois, une trentaine de députés ont enquêté sur le terrain et produit un document de plus de 100 pages, qui aborde notamment la question du littoral calaisien.
Environ 121 millions d'euros dépensés par la France pour Calais en 2020
Selon le rapport, la gestion de la question migratoire pour la seule ville de Calais a coûté à la France 121 millions d'euros net, pour l'année 2020 (déduction faite des 40 millions d'euros d'aide des autorités britanniques). Parmi ce chiffre, l'Etat a dépensé 96 millions d'euros, la ville et l'agglomération un peu plus d'un million d'euros, les sociétés Getlink (ex-Eurotunnel) et la société d'exploitation des ports du détroit 24 millions d'euros.
Un chiffre que la rapporteure, la députée de l'aile gauche de LaREM Sonia Krimi juge "élevé et déséquilibré". En effet, "85% des dépenses exécutées financent la sécurisation des territoires, 15% sont dédiées à la prise en charge sanitaire, sociale ou humanitaire des populations migrantes".
Par ailleurs, ce budget correspond à quatre fois le coût annuel des 3136 places ouvertes sur toute la France dans les centres d'accueil et d'évaluation des situations (CAES) pour mettre à l'abri les demandeurs d'asile et analyser leur situation administrative.
Des dispositifs de mises à l'abri insuffisants
Citant la commission nationale consultative des droits de l'homme, le rapport ajoute que "les personnes exilées s'épuisent à errer, sans cesse à la recherche d'abris de fortune et de moyens de survie dans des lieux toujours plus insalubres, plus isolés, et ainsi plus dangereux".
Certes, l'Etat a mis en place des dernières années différentes structures d'accueil, d'hébergement et d'orientation pour les demandeurs d'asile. Dans un communiqué publié ce mardi sur le démantèlement du camp de Grande-Synthe, la préfecture du Nord avance que depuis le début de l'année, 6170 personnes présentes sur le littoral du Nord ont été mises à l'abri, dans les centres d’accueil et d’orientation (CAO), centres d’accueil et d’examen de situation administrative (CAES), hôtels sociaux, ou même dans le SAS d'hébergement de nuit récemment créé à Calais et qui permet d'accueillir jusqu'à 300 personnes de manière temporaire.
Mais selon le dernier rapport de l'Observatoire des expulsions de lieux de vie informels, outre que ces mises à l'abri concernent essentiellement les personnes qualifiées de "vulnérables", "ces rares propositions faites aux personnes expulsées ont seulement pour conséquence de reporter brièvement le retour à la rue des personnes ".
Négocier un accord entre l'Angleterre et l'Union européenne
Par ailleurs, la rapporteuse estime que même la sécurisation et la multiplication des opérations de démantèlements sur le littoral calaisien "ne dissuadent pas les personnes exilées de vouloir tenter la chance pour l'Angleterre".
Elle recommande donc, comme la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), "d'installer de petites unités de vie le long du littoral" équipées en eau, nourriture et soins, dans l'attente d'un accord durable négocié avec l'Angleterre.
A ce propos, le rapport recommande de sortir de la relation bilatérale franco-britannique pour négocier un accord global entre l'UE et le Royaume-Uni avec une participation accrue du pays de destination.