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Lille: magistrats et greffiers décrètent une "impossibilité de faire" avec les moyens impartis

Ils estiment que seul leur "dévouement" et celui des avocats, des policiers et gendarmes "permet à la Justice de ne pas s'effondrer, mais (que) cette situation ne peut plus durer". (PHOTO D'ILLUSTRATION)

Ils estiment que seul leur "dévouement" et celui des avocats, des policiers et gendarmes "permet à la Justice de ne pas s'effondrer, mais (que) cette situation ne peut plus durer". (PHOTO D'ILLUSTRATION) - AFP

Ils ont décidé de limiter la durée des audiences à six heures, par refus de cautionner "les dysfonctionnements causés par le manque de moyens humains et financiers" de la justice.

Les professionnels du tribunal judiciaire de Lille ont décidé de limiter la durée des audiences à six heures, par refus de cautionner "les dysfonctionnements causés par le manque de moyens humains et financiers" de la justice, ont-ils annoncé ce lundi.

"À l'image de l'administration pénitentiaire, laquelle oppose régulièrement à nos demandes d'extractions de détenus une 'impossibilité de faire' compte-tenu de l'absence d'effectifs suffisants, nous décidons, à compter de ce jour, de constater une 'impossibilité de faire judiciaire'", écrivent les magistrats, fonctionnaires de greffe et contractuels du tribunal judiciaire de Lille, dans une motion adoptée vendredi lors d'une assemblée plénière.

Ils estiment que seul leur "dévouement" et celui des avocats, des policiers et gendarmes "permet à la Justice de ne pas s'effondrer, mais (que) cette situation ne peut plus durer".

Limitation des audiences à six heures

Leur décision doit se traduire, "hors cas d'urgence", par la limitation des audiences à six heures. Toutes les affaires qui n'auront pas pu être étudiées seront renvoyées à des dates ultérieures. Ils annoncent aussi réduire "au strict minimum" les "tâches obligatoires mais non essentielles aux justiciables".

Dans un contexte général de prise de parole des magistrats sur leur mal-être et la perte de sens de leur travail, la motion adoptée fournit une liste des dysfonctionnements de la justice, qu'elle soit pénale ou civile, des mineurs ou des accidents du travail.

"Comment accepter que le délai moyen de convocation soit d'un an devant le tribunal correctionnel de Lille et qu'il puisse parfois, s'agissant de faits criminels, s'écouler 8 ans entre la dénonciation des faits et l'audience devant la cour d'assises du Nord?", s'interrogent les signataires. "Comment accepter que les cabinets d'instruction n'aient, au regard de leur stock, que 1,7 jour par an à consacrer à chaque dossier ?"

Des journées de 15 heures

Concernant leurs conditions de travail, ils pointent des violations du droit du travail, avec des journées "qui peuvent allègrement dépasser 15 heures".

La motion souligne que ce tribunal "compterait 220 juges contre 87 actuellement et le nombre de fonctionnaires et greffiers serait de 739 contre 335 actuellement si nous nous alignions simplement sur la médiane des pays européens".

Tout en reconnaissant que le budget de la justice a "augmenté de façon réelle cette année", ils s'interrogent sur la baisse parallèle du nombre de places ouvertes au concours de la magistrature. Ils estiment également le contexte pré-électoral dans lequel se déroulent les États généraux de la Justice incompatible avec la réflexion de fond nécessaire.

D. R. avec AFP